Ça a curieusement fusé de tous azimuts. Il faut dire que le sujet est sensible à La Seyne. On sait comment l'urbanisation non maîtrisée dans la premère décennie des années 2000 a eu de quoi ulcérer et inquiéter nos concitoyens. Mais, là, il y a au moins incompréhension, parce que je ne veux pas croire à de la mauvaise foi, de la part de divers responsables politiques locaux, issus de tous les bords de l'échiquier politique seynois. Et, si c'était de la mauvaise foi, ce ne serait pas très fair-play.
C'est une délibération proposée au conseil municipal qui a déchaîné certains. Une délibération qui, justement, vise à protéger un quartier d'une urbanisation sauvage. Mais revenons d'abord un peu en arrière...
LA LOI "SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS" VOTÉE PAR TOUTE LA GAUCHE
En 2000, Jean-Claude Gayssot, alors ministre communiste de l'Équipement, des Transports et du Logement dans le gouvernement de Lionel Jospin, obtint des parlementaires qu'ils votent la loi qui porte son nom, plus connue sous le titre de "Loi SRU", relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Outre des obligations relatives au développement durable dans les villes et à la recherche d'une cohérence des aménagements sur l'ensemble des communes d'un territoire, la Loi SRU est surtout connue pour l'obligation faite aux communes de disposer de 20% de logements sociaux, à défaut de quoi celles-ci doivent s'acquitter "d'amendes" appelées "prélèvements". Précision utile : cette loi a été votée par tous les parlementaires de gauche, socialistes, radicaux, communistes et écologistes, à l'exception de 7 de ces derniers qui se sont abstenus.
LE "PROGRAMME LOCAL DE L'HABITAT" EST IMPOSÉ À TOUS PAR LA LOI
D'autres lois ont suivi la Loi SRU, notamment celle de 2006 imposant l'élaboration de Programmes Locaux de l'Habitat (PLH) à l'échelle de l'agglomération, fixant pour toutes les communes des objectifs chiffrés en matière de créations de logements, et contraignant les villes à mettre en cohérence leurs Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) avec ces PLH. Pour notre agglomération Toulon Provence Méditerranée (TPM), l'objectif légal est la création de près de 13000 logements manquants, dont 4300 logements sociaux, entre 2010 et 2016. Pour La Seyne, l'obligation est de produire 320 logements par an, dont 77 logements sociaux. Précision utile : les délégués de La Seyne au conseil communautaire de TPM, communistes, socialistes, radicaux, etc, ont voté contre ce PLH, jugé... trop peu ambitieux pour certaines communes au regard des besoins de logements. De toute façon, quoi qu'on en pense, le PLH doit s'appliquer, puisque c'est la Loi.
IL FALLAIT IMPÉRATIVEMENT FREINER L'ULTRA-URBANISATION
Un mois après l'élection de mon équipe, en mai 2008, j'ai mis en révision le Plan Local d'Urbanisme qu'avaient fait voter nos prédécesseurs. Ceux-ci avaient en effet livré la ville a une urbanisation effrénée qui bouleverse gravement certains de nos quartiers, au premier rang desquels La Rouve-Les Mouissèques, Châteaubanne-Vignelongue ou Le Gai Versant. On connaît les désordres quotidiens en matière de circulation, de stationnement, de travaux entraînés par la nécessité de "recalibrer" à la hausse les réseaux d'eau ou d'assainissement, de chantiers incessants dans l'irrespect du domaine public, de bouleversement des réseaux et nappes naturels souterrains, de chamboulement du paysage urbain, et les difficultés à répondre aux besoins de services (gardes d'enfants, accès aux écoles et loisirs, aide aux personnes âgées, etc.). Sans compter les drames et dilemmes vécus par les petits propriétaires, souvent âgés, voisins des terrains où se construisent les immeubles, poussés à leur tour à la vente par des promoteurs sans foi ni loi ou contraints de finir leurs jours dans leurs pavillons entre deux murs borgnes de près de 20 mètres de haut.
PRÈS DE TROIS ANS DE TRAVAIL INTENSE POUR MAÎTRISER DE NOUVEAU LA VILLE
Autour de Claude Astore, adjoint à l'urbanisme, et de ses équipes de fonctionnaires communaux, un PLU révisé a été élaboré, qui devait à la fois respecter les lois évoquées plus haut et mettre un coup d'arrêt aux ambitieuses folies des constructeurs. Deux objectifs totalement contradictoires (construire et ne pas construire !) à vous rendre schizophrène ! L'exercice a été long et difficile, quoique mené tambour battant et avec méthode, et, ce qui n'était pas une obligation légale, en concertation avec les habitants des quartiers les plus exposés aux affres de l'ancien PLU ainsi qu'avec les comités d'intérêt local. Le futur PLU a fait l'objet d'un recueil d'avis par une enquête publique officielle. Après plus de deux ans de travail, ce qui est tout de même un record de vitesse pour une commune de l'importance de La Seyne, il a enfin remplacé les anciennes prescriptions d'urbanisme. On était en décembre 2010. Il restait encore à attendre trois mois, délai dont disposaient les personnes souhaitant le contester, pour qu'il entre définitivement en vigueur. Fort heureusement, mais cela s'explique sûrement par l'application mise à respecter la loi et à discuter dans le détail avec l'ensemble des personnes et organismes intéressés, il n'a pas été attaqué en vue d'une annulation, contrairement à ceux de communes voisines, Six-Fours, Saint-Mandrier ou Sanary.
UN NOUVEAU RÈGLEMENT QUI A GRANDEMENT RÉDUIT L'URBANISATION EFFRÉNÉE
Depuis mars 2011, toutes les demandes de permis de construire doivent donc respecter les nouveaux règlements. Des quartiers entiers où des immeubles pouvaient être érigés sont redevenus pavillonnaires. Près de la moitié des zones que mes prédécesseurs avaient livrées à la super-urbanisation, soit 200 hectares, ont été rendues à un aménagement raisonnable, tout en ne lésant pas leurs propriétaires. Les zones demeurant très urbaines ont vu leurs prescriptions limitées : obligation d'un nombre accru de places de stationnement sur leurs emprises, hauteurs d'immeubles réduites, contraintes de retrait de construction par rapport aux voies publiques, accès mieux organisés. Des sites à enjeux paysagers et patrimoniaux, comme Saint-Elme, où des immeubles de 5 étages auraient pu demain remplacer l'habitat villageois, ont été protégés. Le PLU a été mis en conformité avec la Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) de Balaguier, Tamaris, Les Sablettes et Mar Vivo. Tout ce qui a pu être règlementairement décidé pour réguler la frénésie urbaine l'a été (un article de Var-matin, journal dont la ligne éditoriale régionale n'est pas réputée pour être très à gauche, l'a résumé de façon intéressante en 2011). Arthur Paecht lui-même, chef de l'opposition, a reconnu que ce nouveau PLU corrigeait utilement celui qu'il avait élaboré.
ET POURTANT, ON VOIT TOUJOURS SORTIR DES IMMEUBLES DE TERRE !
Il reste que certains quartiers continuent à voir surgir des chantiers d'immeubles. Et que nombre de mes concitoyens s'en offusquent ou croient que je les ai trompés. Il y a deux raisons à cela. Pour comprendre la première, il faut par exemple regarder le nouveau quartier de "Porte Marine", face aux anciens chantiers navals. Il a fait l'objet d'un plan d'ensemble d'aménagement urbain sur une friche industrielle en partie polluée. Il était impossible de stopper net les programmes, parce que des permis de construire étaient règlementairement délivrés (j'ai essayé d'en retirer un aux Mouissèques : le tribunal administratif a eu tôt fait de me taper sur les doigts !), parce que des espaces publics étaient réalisés et prévus, parce que j'aurais lésé les propriétaires, qui se seraient à bon droit retournés contre la ville parce que j'aurais fait perdre de leur valeur à leurs biens fonciers, et enfin parce que, en pleine ville, il n'aurait pas été pensable de laisser des terrains vagues à l'abandon à côté d'immeubles neufs. J'ai donc négocié des contreparties. Les constructeurs sont engagés à produire du logement social pour permettre la "mixité sociale", des espaces collectifs sont en création, des modifications ont été intégrées.
DES CONSTRUCTIONS AUTORISÉES PAR L'ANCIEN PLAN D'URBANISME JUSQU'EN MARS 2014 !
La deuxième raison réside dans le calendrier de la révision du PLU. On a vu que, menée à un très bon rythme, celle-ci a abouti 2 ans et 7 mois après son lancement, ce qui est un record. Le délai de recours en annulation a ensuite rajouté 3 mois. Ce n'est qu'à partir de mars 2011 que le nouveau PLU est définitivement entré en vigueur. Et je dois rappeler que la Loi stipule que les permis de construire sont valables deux ans, et que le plan de relance économique du gouvernement précédent a prolongé d'une année les validités des permis délivrés afin de soutenir l'activité du Bâtiment et des Travaux Publics victime de la crise. Ça signifie, pour des permis de construire délivrés jusqu'en mars 2011, que l'on verra débuter des chantiers de constructions autorisées avec les anciennes règles du PLU de mes prédécesseurs jusqu'en... mars 2014 ! Le mois des élections municipales ! Avec ça, allez expliquer aux Seynois que vous avez tenu votre promesse de maîtriser l'urbanisation folle !!!
PAS FACILE DE SE METTRE EN CONFORMITÉ AVEC LA LOI
L'affaire qui a conduit dernièrement une partie des élus communistes du conseil municipal à voter contre une délibération, tandis qu'une certaine droite, par voie de presse, y allait de sa tirade offusquée sur le thème de "Vuillemot-le-bétonneur", relève, soit de l'ignorance, soit de la mauvaise foi, soit d'une posture à la mode "je lave plus blanc que blanc". Revenons sur nos obligations légales en matière de création de logements rappelées plus haut (320 par an, dont 25% de logements sociaux imposés par la nouvelle loi "Duflot"). Où puis-je permettre de les construire ? Heureusement pas dans nos magnifiques espaces verts urbains et périurbains (Janas, Bois de Vignelongue, Fort Napoléon, etc.). Ni dans les quartiers jouxtant ceux déjà victimes de l'ancienne super-urbanisation et qui n'en peuvent plus. Ni dans le centre ancien qui fait l'objet de patientes réhabilitation et rénovation, même si j'y soutiens la transformation de taudis indécents en petits logements pour actifs. Ni dans les zones pavillonnaires dont j'ai justement doublé la surface pour répondre à la demande de protection de leurs habitants. Ni dans les espaces dédiés à l'activité industrielle et technologique dont tous souhaitent le développement, facteur de dynamisme, de ressources et d'emploi. Alors j'ai utilisé au maximum les espaces disponibles dans le cadre de la rénovation de notre grand quartier Berthe, et des immeubles en accession à la propriété apportant une diversité sociale y sont construits ou vont l'être. Et il ne me reste que quelques sites délaissés et vieillissants.
UN BON COMPROMIS... QUE J'ESPÈRE SEULEMENT... MAL COMPRIS
C'est le cas du quartier Gaumin-Sainte-Anne dans sa partie Sud. Celui-là était promis par l'ancien PLU à être une zone d'urbanisation totale et ses habitants en concevaient à juste titre une réelle inquiétude. C'est en effet un espace de très vieux petits pavillons, d'anciens hangars plus ou moins délaissés, avec des voiries insignifiantes, bref le genre de site que les promoteurs ont tôt fait de repérer comme d'un grand intérêt par achat et regroupement de parcelles, et construction plus ou moins anarchique d'immeubles. J'aurais pu me contenter de veiller au grain en faisant simplement respecter les prescriptions d'urbanisme. J'ai pensé faire mieux, en utilisant la possibilité qui m'est donnée par la Loi de classer l'ensemble du quartier en zone d'urbanisation future, c'est-à-dire en imposant un schéma d'aménagement d'ensemble, fixant des obligations : localisation imposée des petits immeubles et des villas, espaces publics et collectifs, espaces verts, voiries d'accès et de desserte interne. L'objectif est de déboucher sur ce qui pourra être un "éco-quartier", la démarche permettant par ailleurs de réduire de plus de 300 à un nombre oscillant entre 110 et 140 le nombre de logements pouvant y être créés. Refuser un tel projet aurait laissé libre cours à une logique (façon de parler) ressemblant à ce qu'on a vu se développer ailleurs, pourrissant la vie des anciens résidents. Mieux, me semble-t-il, j'ai étroitement associé les riverains à la définition du programme. Ils ont travaillé tout l'été avec nos fonctionnaires du service de l'urbanisme, à partir d'une réunion de plus de deux heures que j'ai tenue sur place, sur la propriété de l'un d'eux qui a eu la gentillesse de nous y accueillir, pour déboucher sur un schéma d'aménagement qui concilie leurs volontés de maîtrise urbaine et de quiétude et les obligations légales. C'est ce programme que j'ai proposé au conseil municipal d'engager avec une délibération m'autorisant à confier à l'Etablissement Public Foncier Régional la charge d'acquérir des parcelles pour le compte de la ville afin d'assurer, petit à petit, une maîtrise globale du foncier et imposer aux futurs constructeurs le schéma global d'aménagement.
POUR MOI, AFFAIRE CLASSÉE
Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Certains ne l'ont pas compris. D'autres ont fait mine de jouer les vierges effarouchées, hurlant au bétonnage et au non-respect des engagements. Moi, je ne mets pas tout le monde dans le même sac. Je suggère à mes amis conseillers municipaux communistes, avec lesquels j'ai les meilleures relations de partenariat au sein de l'équipe municipale, de prendre garde à ne pas se mettre en porte-à-faux avec les positions que leur sensibilité politique approuve au plan national (loi "Duflot"), ou même dont elle peut à bon droit revendiquer l'initiative (loi "SRU-Gayssot"), ni avec celles qu'ils ont eues localement (vote contre le PLH de TPM, vote pour le nouveau PLU révisé), et de ne pas laisser libre cours à ceux qui seraient ravis de "surfer" sur une prétendue discorde au sein de la majorité de La Seyne. Que le "Nouveau Centre" annonce que, s'il me succède à la tête de la mairie, il se mettra hors-la-loi en imposant zéro construction, et que le Modem, dont la responsable locale, architecte de métier, ne saurait ignorer les lois et règlements d'urbanisme, enfourche la même monture, peu me chaut. Je me chargerai, le moment venu, de leur demander de rendre compte à leurs électeurs potentiels de leurs annonces aussi démagogiques qu'irréalistes voire engageant à l'illégalité, mais il ne faudrait pas, par contre, que mes partenaires naturels et sincères joignent leurs voix aux leurs et laissent planer des doutes sur notre solidarité de gestion. Mais, bon, pour moi, c'est une affaire classée.