Je ne sais pas si c'est passé inaperçu de l'équipe municipale qui ne semble pas s'en soucier, du moins publiquement, mais, dans toute la France, les maires et les acteurs locaux des quartiers urbains fragiles manifestent leur inquiétude après l'annonce du nouveau gouvernement. Pour la première fois depuis plus de trente ans, en effet, aucun portefeuille ministériel n'est dédié à la "politique de la ville", c'est-à-dire aux mesures d'accompagnement social complétant la rénovation urbaine pour les six millions d'habitants des ensembles HLM et cœurs de villes dégradés.
Lorsqu'on découvre de plus que les plafonds de dépenses de l'État pour la "politique de la ville" en 2025 sont réduits de 15 % et que le "fonds vert", dont 15 % est destiné aux investissements écologiques de la rénovation urbaine des quartiers prioritaires, va être diminué de 60 %, on a d'autant plus raison de s'inquiéter.
Certes, rien n'est encore figé et le Premier ministre peut lever les inquiétudes en prenant les bonnes décisions. Mais la mobilisation des acteurs de terrain et des élus des communes et intercommunalités doit l'y sensibiliser, voire l'y pousser, en urgence, avant le vote du budget de l'État début octobre. Les élus seynois, normalement préoccupés pour les habitants de notre quartier Berthe et notre cœur de ville historique, vont-ils s'engager ?...
UN PRÉOCCUPANT SIGNAL D'INVISIBILITÉ DES QUARTIERS VULNÉRABLES
Entre le 22 décembre 1990 et le 21 septembre 2024, les gouvernements ont compté 27 ministres ou secrétaires d’État chargés de la Ville.
Seuls deux des 27 ministères dont ils ont été chargés n’ont pas comporté le terme « Ville » dans leurs intitulés, l’un ayant la dénomination de « quartiers en difficulté », l’autre de « cohésion des territoires ». En affichant le terme « Ville », seul ou associé à d’autres, au fronton d’un ministère, l’État a pendant plus d’un tiers de siècle manifesté l’importance que la Nation attache à la cohésion des territoires. De tous les territoires.
Or, depuis le 22 septembre 2024 et l’annonce du gouvernement de M. Barnier, il n’apparait plus de ministère en charge de la Ville. C’est a priori un bien mauvais signal.
LA "POLITIQUE DE LA VILLE" REMPLACÉE PAR UN RENFORCEMENT DU "DROIT COMMUN" ?
On peut bien sûr imaginer que, conscient de l’absolue nécessité de mobiliser l’ensemble des ministres sur les enjeux majeurs de la vie des six millions d’habitants des quartiers urbains vulnérables, le Premier ministre aura choisi de conserver lui-même cette attribution. Peut-être entend-il même charger la titulaire du tout nouveau ministère de la « Coordination gouvernementale » de mobiliser vaillament tous les ministres pour que chacun relève le défi d’un retour en force des moyens financiers, humains et logistiques de « droit commun » des services publics désertant chaque année un peu plus les ensembles d’habitat social et centres-villes anciens dégradés de nos communes.
Si tel est le cas, il faut que le Premier ministre affiche haut et fort cette initiative salutaire depuis longtemps attendue, mais qui ne peut se suffire sans les mesures spécifiques d'accompagnement et de discrimination positive comme les "contrats de ville", les "quartiers de reconquête républicaine" et autres "réseaux d'éducation prioritaire" visant à compenser les inégalités.
LA RURALITÉ, OUI, LA VILLE, NON ?
Sinon, cela ne signifie pas forcément qu’aucun ministre n’a en charge la "politique de la Ville" dans sa globalité, et on peut imaginer et espérer que Mme Létard, nouvelle ministre de la Rénovation urbaine et du Logement, aura aussi la responsabilité des indispensables politiques publiques, notamment partenariales avec les territoires, qui assurent l’accompagnement social des habitants.
Mais, si telle est la réalité, il faut que ce soit affiché. Et que le budget 2025 de l'État qui doit être voté sous peu affiche les moyens nécessaires. En tous cas, il y a urgence à l’expliciter et lever tout doute.
Alors qu’une autre ministre, Mme Gatel, est expressément chargée de la ruralité pour laquelle sont à relever des défis présentant d’importantes similitudes avec ceux des quartiers urbains fragiles, l’absence d’intitulé explicite de la « Ville », conjuguée à la disparition de dénomination de « cohésion des territoires », est un très mauvais signal d’invisibilité qui est envoyé aux élus des communes et intercommunalités, aux agents des services publics, aux acteurs sociaux, économiques, associatifs, et surtout aux millions d’habitants qui attendent de la Nation qu’elle leur permette simplement de « faire République ensemble ».
La municipalité de La Seyne acceptera-t-elle que l'État laisse une partie de ses citoyens dans un angle mort de ce gouvernement déjà soumis à une dépendance au bon vouloir de l'extrême droite à laquelle il doit donner des gages pour éviter la censure ? La maire est-elle prête, si besoin, à engager une mobilisation où, comme cela commence à s'initier ailleurs, les élus de toutes familles politiques – républicaines, s'entend, pas les nostalgiques du fascisme – et les acteurs sociaux des quartiers exigeront ensemble ce qui est dû à leurs habitants par la Nation fraternelle ?