Un magnifique cèdre centenaire, un vieux chêne, un bosquet et une antique noria ont hélas fait les frais de l'aménagement du franchissement souterrain de la voie ferrée au quartier de Lagoubran. Et, peut-être pas autant, bien sûr, que les riverains de ce quartier agricole et résidentiel périurbain ou que les défenseurs de la nature et du patrimoine, nous en sommes tous attristés. Il a fallu à l'agglomération Toulon Provence Méditerranée et aux entreprises qui réalisent le chantier faire un choix. Celui-ci était dicté par des impératifs techniques. Mais il l'était surtout par l'intérêt général.
Nous savons bien que ce fameux "intérêt général" a souvent bon dos, mais, franchement, je ne vois pas comment, là, il était possible de faire autrement. Et j'en parle d'autant plus tranquillement que je suis de ceux qui, en leurs temps, ont plaidé pour que le projet de transport en commun en site propre (TCSP) ne soit pas dévastateur pour l'agriculture périurbaine, réclamant un autre tracé pour le tramway de l'aire toulonnaise, ne coupant pas en deux une des rares exploitations de notre territoire urbain.
UNE CONTRAINTE HÉRITÉE DE CHOIX VIEUX DE PLUS D'UN DEMI-SIÈCLE
Car le franchissement routier de la voie ferrée est surtout une nécessité à d'autres égards que le passage, de plus en plus hypothétique, d'un tram ou d'un bus à haut niveau de service. Qu'on l'admette ou non, la réalité est là, dessinée par nos anciens : les quartiers seynois et ollioulais de Lagoubran, de la Petite Garenne, de Camp Laurent et de Piédardan ont été dévolus, il y a plus d'un demi-siècle, à d'autres fonctions que celles d'espaces naturels et agricoles qui étaient les leurs depuis la nuit des temps.
Ça s'est fait un peu anarchiquement, à une époque où on n'avait pas les approches d'aujourd'hui de développement durable et d'aménagement raisonné du territoire ; c'était alors loin des cœurs de villes, caché à la vue des Ollioulais car sur le versant sud de nos collines frontalières, comme à celle des Seynois car relégué dans une sorte de no man's land au-delà de notre grande gare de triage.
L'EXASPÉRATION DES ENTREPRENEURS, DES RIVERAINS, ET DES CONSOMMATEURS
Aujourd'hui, les centaines d'entreprises regroupées au sein de leur association ADETO réclament à corps et à cris un désenclavement de la zone d'activité économique de Camp Laurent, tant pour leur activité que pour les trajets de leurs employés. Les habitants des lotissements installés sur les hauteurs font de même. Malgré une signalétique accrue, nombre de gros camions se retrouvent coincés en arrivant au seul petit tunnel proche de la gare, générant embouteillages et risques d'accidents lors de leurs difficiles manœuvres de retournement. On peste à juste titre contre l'insécurité des piétons et usagers de deux-roues sur l'avenue Robert Brun qui dessert tout ce site. Et les chefs d'entreprises et leurs salariés, comme les riverains et les clients des surfaces commerciales qui s'y sont ouvertes, demandent une desserte par les transports en commun de ce quartier trop négligé.
Le débouché du site sur le grand axe est-ouest qui va du rond-point des villes amies, à la pyrotechnie, jusqu'aux hypermarchés seynois et, au-delà vers Six-Fours et Sanary, est devenu une nécessité absolue. La puissance publique ne peut plus ignorer cette réalité.
LA NÉCESSITÉ D'ANTICIPER SUR LES ÉVÉNEMENTS À VENIR
Elle le peut d'autant moins que, dans trois mois, le crématorium de La Seyne va ouvrir à La Petite Garenne, suivi, dans moins d'un an, du nouveau cimetière, générant de nouveaux flux de circulation.
Elle le peut d'autant moins, aussi, que, du fait de la gratuité des parkings à l'entour de la gare SNCF et des efforts de la Région PACA pour inciter à l'usage du train, de plus en plus de Seynois, Six-Fournais et Toulonnais des quartiers ouest, choisissent ce moyen de transport et ont besoin de places de parcs-relais pour leurs voitures, ce qui nécessitera probablement un nouvel aménagement des abords de la gare avec possibilité de stationnement et accès aux quais par le nord, comme c'est le cas à la gare d'Ollioules-Sanary.
Elle le peut d'autant moins, enfin, parce qu'il faut imposer aux milliers de semi-remorques qui se rendent chaque semaine sur la zone industrialo-portuaire de Brégaillon un itinéraire qui n'emprunte plus la route départementale 18 devenue une voie urbaine au cœur du quartier Berthe avec ses quinze mille habitants.
CHOISIR EN FONCTION DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Alors oui, nous ne pouvons pas être ravis de la disparition de beaux sujets végétaux qu'il n'était hélas pas possible de transplanter. Mais c'est le choix de la moindre dysharmonie qui a prévalu. Comme nous avons été satisfaits d'être parvenus à ce que soit évité le saccage de la ferme des Olivades de Lagoubran par le TCSP, nous devrons l'être aussi, demain, d'avoir gagné en développement économique, en sécurité des usagers, en développement durable, et en mobilité urbaine et périurbaine. Il est des fois où, faute de solution alternative, on doit opérer des choix. Et c'est le sens de l'intérêt général qui doit les guider.
Il restera à obtenir de la communauté d'agglomération qu'elle ne s'en tienne pas à la traversée de la ligne ferroviaire, mais que la voie Robert Brun, qui relève de sa compétence, fasse l'objet d'un aménagement complet le plus vite possible. Mais ça, c'est un autre sujet...