2 août 2010 1 02 /08 /août /2010 13:17

http://1.bp.blogspot.com/_gGox5p_9bxY/RazYtHpOSgI/AAAAAAAAAPw/f_FIqYlbzwI/s400/timbre-pantheon-justes-france.jpgQuelques jours après la journée nationale d'hommage aux Justes et aux victimes des crimes racistes et antisémites de l'État Français de Pétain, le conseil municipal, sur ma proposition, et suite à une demande justifiée du fils d'un Juste seynois, bien connu dans la commune mais dont je tairai le nom puisque je ne lui ai pas demandé la permission de le citer, a voté à l'unanimité une délibération que je livre à mes visiteurs...

"La Ville de La Seyne-sur-Mer, composée de ses 60 000 habitants, sait qu'elle fait partie d'un espace plus grand que son territoire, un espace national, un espace européen, un espace mondial.

"Elle sait aussi qu'elle s'inscrit dans une histoire commune, une histoire faite par les hommes, parfois subie, parfois grandie.

"Cette histoire construit les êtres, dans leur histoire familiale, dans l'histoire collective, car elle nourrit les récits qui passent de bouche en bouche ou qui restent tapis dans le secret des mémoires et qui gangrènent ou obèrent les développements futurs : trahison, compromission, courage, fierté, abnégation. Nul acte, vil ou héroïque, n'échappe à ce constat.

"Au nom de cette histoire commune, la Ville de La Seyne-sur-Mer souhaite s'inscrire dans une démarche qui vise à rendre hommage aux Justes parmi les Nations.

"Elle souhaite ainsi montrer que des hommes et des femmes ont vu dans l'autre leur propre reflet, sans autre considération que leur nature humaine. Ces personnes que rien ne prédestinait à un comportement héroïque, ont eu le courage de passer outre les lois iniques promulguées par l'Etat français et la propagande nazie qui réduisaient des individus à leur seule condition de persécutés sans droit.

"Leur action de préservation de la vie d'autrui au péril de leur propre vie doit servir d'exemple pour les temps à venir.

"C'est un message puissant, altruiste, que des gens simples, qui sont le peuple, envoient à tous ceux qui seraient séduits par l'autoritarisme, l'arbitraire et la peur comme moyen de gouvernance.

"Que ceux-là sachent qu'ils trouveront toujours ces personnes qui, au nom d'une éthique universelle et humaniste, s'opposeront à eux et leurs pratiques pour aider, secourir, sauver des gens connus ou inconnus, quel que soit leur état, leur statut, leur appartenance, mais simplement parce qu'ils font partie d'une maison commune, l'Humanité.

"Aussi, afin de symboliser ce courage et cet engagement au nom de l'Humanité, il est demandé à l'Assemblée Délibérante [le conseil municipal] d'autoriser Monsieur le Maire à lancer une procédure afin de mettre en oeuvre les outils nécessaires à cet hommage (stèle, plaque, ...)."

Par les temps qui courent et les propos de certaines parmi les plus hautes personnalités de l'État, ça tranche, non ?

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
19 juillet 2010 1 19 /07 /juillet /2010 05:47

http://a33.idata.over-blog.com/300x400/1/86/60/45/b/36.jpgIl y a quelques jours, sur le port de Toulon, un groupe de militants "nationalistes" ouvertement xénophobes organisaient un funeste "apéro pinard-saucisson". La peste brune n'en finit pas de ressurgir alors qu'elle devrait depuis longtemps être éradiquée. Parmi ces sinistres néo-fascistes, se trouvaient certains, élus de la République, qui, lors de la dernière réunion plénière du Conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur, fin juin, ont aussi proféré des propos nauséabonds qui méritent que la Justice républicaine s'en saisisse.

Presque comme en réponse à cette nouvelle odieuse provocation, hier, ici, sur le port d'en face, à La Seyne, comme dans les autres villes de France, nous participions à la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État Français et d'hommage aux Justes de France. Mais déposer des gerbes suffira-t-il ?

J'ai prononcé une allocution :

"On ne sort de la nuit que par le rassemblement clair de la mémoire, que par l’obsession de transmettre, que par la lutte contre l’amnésie. En rendant hommage aux victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français, nous rendons justice à ces hommes et à ces femmes qui surent contre l’autorité garder leurs valeurs d’humanisme, de partage, de communion.

"Penser librement reste un acte subversif, il y faut du courage et de la détermination... et une âme juste.

"Dans la forêt de la collaboration, les Justes ont été ces arbres qui poussent beaux et droits vers la lumière. Ils nous ont montré que la fraternité est un recours définitif contre tous les racismes, contre toutes les exclusions.

"En somme, ils nous enseignent qu’il faut lutter, sans relâche ; lutter pour la préservation de l’esprit critique ; lutter pour la liberté de penser.

"Parce que le présent est gros de l’avenir, parce que le futur pourrait se lire dans le passé, n’oublions pas que la démocratie est sensible à la violence, et qu’il est très facile de la détruire en utilisant sa bienveillance, et la liberté qu’elle donne à chacun.

"Notre recours est la loi, mais les lois se changent, les pleins pouvoirs se donnent, des exemples nous sont donnés de par le monde et pas si loin de nous... notre vigilance réside dans le partage des responsabilités, dans une éthique que prônait déjà Montesquieu.

"Attention aux dérives, d’abord on les croit aux marges, ensuite on les pense utiles, dans des mains qui seraient, absolument, vertueuses, et au final on se retrouve avec des lois d’exceptions, un état policier, des libertés individuelles abolies.

"Lorsque les événements l’exigent, on peut faire le choix d’agir, sans pour autant renoncer au discernement, à la solidarité. Le droit humain n’est qu’une convention. Aucune assurance n’y est attachée. C’est pourquoi nous devons y être d’autant plus attentifs ! Nous devons être les acteurs de notre histoire.

"Heureusement pour nous, gens du XXIè siècle, il y eut les Justes du siècle d'avant.

"Remercions les de leur exemple de foi en l’humain.

"Ces femmes et ces hommes ont su appliquer, en toute simplicité, mais non sans danger, cette maxime de Thomas Jefferson :

"« Celui qui échange la liberté contre la sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre... et perdra les deux ».

"Ils nous ont redonné ce qui constitue le fondement d’une vie sociale.

"C’est sur cette fondation que les hommes et les femmes de la Résistance ont imaginé une nouvelle démocratie, une République laïque et sociale où la solidarité est l’affaire de chacun, non pas comme on fait l’aumône, non pas comme une charité, mais comme un devoir national.

"À des années-lumière de la crise morale de notre société qui va bien au-delà du scandale financier et bancaire permanent, du toujours plus pour les actionnaires et toujours plus d’efforts pour les salariés, au nom de la perpétuation d’un système que les mêmes s’acharnent à démonter pierre à pierre dans ce qu’un éditorialiste appelle un mal insidieux, la capitulation des esprits et le pourrissement des âmes.

 "Oui, décidément, reprenons l’exemple de ces Justes et de leur foi en l’humain. Elle est plus que jamais nécessaire.

"Vive la France !"

En fin d'après-midi, j'ai pris la route de Signes pour honorer la mémoire des 38 résistants lâchement torturés et assassinés le 18 juillet 1944 par les nazis. Des hommes qui s'apprêtaient à accompagner la Libération de la Provence qui allait commencer moins d'un mois plus tard avec le débarquement du Dramont et qui ont chanté "La Marseillaise" jusqu'à la dernière minute où les barbares aux abois les ont mutilés ou enterrés vivants.

La République a su se rassembler hier, avec le représentant du Préfet, avec les associations d'anciens combattants, de déportés, de résistants, de victimes de guerre, avec Josette Pons, députée, avec mes collègues maires, de tous horizons politiques républicains, ceux de Signes, d'Évenos, de Riboux, de Cuges-les-Pins, d'Ollioules, de La Cadière, du Castellet, d'Oraison, et les représentants de ceux de Sanary et de Toulon.

Cérémonie poignante.

Mais ni la chaleur torride du Môle de la Paix de La Seyne, le matin, ni celle du Charnier de Signes, l'après-midi, n'ont pu faire cesser mes frissons dans le dos et calmer ma colère, après la pantalonnade ignoble commise l'autre jour à Toulon par ces graines de nazis qui déshonorent la France des Lumières.

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
16 juillet 2010 5 16 /07 /juillet /2010 06:00

14_juillet_feu.jpgIl n'y avait certes pas, mercredi matin, les milliers de Seynois et de visiteurs qui, le soir du même jour, ont envahi le parc de la Navale et le port pour assister au feu d'artifice, prendre un moment de détente à la terrasse d'un café, s'amuser à l'un des bals populaires, ou flâner en ville.

Mais je suis ravi de voir chaque fois grandir le nombre de participants au cérémonies commémoratives. Et c'était le cas pour ce 14 juillet 2010.

Merci à tous ceux qui ont contribué à l'organisation parfaite de cette commémoration, avec une mention particulière pour les bénévoles passionnés du "Group Military Conservation" qui ont fait défiler leurs vieux véhicules militaires, aux porte-drapeaux des associations patriotiques, aux représentants de nos armées, parmi lesquels les jeunes de la Préparation Militaire Marine, dont La Seyne est la marraine, qu'anime mon ami l'Enseigne de Vaisseau Arnaug Guillard, et un détachement du 54ème Régiment d'Artillerie jumelé avec notre ville, les sapeurs-pompiers qui ont fait défiler leurs moyens flamboyants, les volontaires de notre Réserve Communale de Sécurité Civile.

J'ai prononcé un discours que je vous livre...

"La tradition républicaine veut que, le 14 juillet, les autorités représentatives se rassemblent, avec le Peuple, pour renouveler le contrat passé entre la représentation nationale et la population, sous le regard des forces armées subordonnées à la République.

"C’est ce triangle vertueux - le peuple, les élus, la Loi - qu’il convient d’honorer.

"La permanence des symboles est une force parce qu’ils sont compris de tous. Ces symboles, chaque pays les crée à son image : un drapeau, un hymne, une devise.

"La France, dans ce tableau, à une responsabilité particulière parce que, dans un monde ancien, elle a promu une organisation nouvelle qui, en donnant à l’individu toute sa place, le situe dans un cadre collectif.

"Liberté individuelle, devoir collectif.

"La Marseillaise, chant de guerre, chant révolutionnaire, chant libérateur - « la haine des tyrans, la confiance dans la victoire, l’amour de la liberté » a écrit Stephan Zweig -, est le premier, et sans doute le plus célèbre, des hymnes nationaux modernes.

"Pourtant, il n’est reconnu véritablement qu’en 1879, après bien des vicissitudes, mais repris chaque fois que nécessaire par les insurgés républicains.

"N’oublions jamais cet enseignement de Machiavel : « La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples ». Aussi, ce chant, porteur d’un souffle, a-t-il été adopté par tous les défenseurs de la liberté et de la concorde nationale, et entonné en Europe, en Amérique du Sud, ou sur le continent africain.

"Ses paroles, décriées par certains, reflètent la détermination des patriotes d'il y a 220 ans à conquérir, contre l’ensemble des nations européennes hostiles, leur droit à instaurer la République.

"Bien sûr, aujourd’hui, le sens littéral de ses paroles heurte notre humanisme, mais le sens littéral compte bien peu au regard du symbole !

"Pourquoi nous indignons-nous devant quelques footballeurs égocentrés ? Mais parce que, au-delà d’eux-mêmes, ils représentent la Nation française, parce que La Marseillaise est jouée avant le match, et que, de fait, ils participent à l’idée que se font de la France les peuples du Monde.

"Et pourquoi la France est-elle, encore, reçue comme le pays des libertés et de la citoyenneté ? Parce que le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme, parce que la France assure l’égalité devant la Loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion, parce que, fière de sa devise et malgré les paroles guerrières de son hymne, elle prône la fraternité !

"C’est la Nation française, issue des Lumières, et première dans l’histoire, qui reconnut aux Juifs leur pleine et entière citoyenneté, au nom d’un principe universel, le refus des exclusions, j’ai nommé : la Laïcité.

"Ce mot n’a pratiquement pas d’équivalent dans la plupart des langues, et la laïcité serait donc bien une spécificité française. D’aucuns voudraient y voir un empêchement à rayonner ; gardons-nous de cette régression, Jaurès disait : « La laïcité est la seule doctrine qui ne soit pas contraire à la liberté, car elle se confond avec la liberté. »

"Oui, il est bon de rappeler, afin que nul ne l’oublie, que la République est indivisible, laïque, démocratique et sociale : préambule, article 1er, de notre Constitution.

"Comment vivre ensemble si chacun s’enferme dans sa culture sans chercher à comprendre celles des autres ?

"Tant de défis sont à relever dans les années à venir, en France, en Europe, dans le Monde. Ils sont économiques, sociaux, culturels, éthiques. Éthiques !... Je ne ferai pas de commentaire...

"Poser les problèmes, élaborer collectivement des solutions, c'est pour tous une responsabilité citoyenne qui s’inscrit dans une conception dynamique de la laïcité. Il y va de l’avenir de la démocratie.

"À la Seyne, nous prenons modestement notre part, avec nos conseils de quartiers, nos conseils municipaux des enfants et des jeunes, et, tout dernièrement j’ai eu le plaisir d’inaugurer un espace dédié à la démocratie locale et la gestion de proximité seynoise : « Le Comptoir citoyen ». Ce lieu doit vivre avec vous et par vous.

"Oh, certes, cela ne sera pas réalisé en un jour !...

"Et puis, je suis en colère. Notre commune a connu, un récent soir de fête, ce que certains appellent un fait-divers. Et que je qualifie plutôt de drame. Un acte de sauvagerie inouï. Il montre combien le déficit en éducation est profond, que la notion de citoyenneté est perdue pour beaucoup, parce que, désormais, dans cette société, peu importe la collectivité, peu importe l’autre, seule la réussite individuelle contre les autres est valorisée. Des jeux, de l’avilissement, du faux espoir !

"Pourtant, nous avons dans nos tripes cette aspiration au service des autres dans l'abnégation. Nous l'avons vu ces dernières semaines, avec l'élan spontané de solidarité qui s'est fait jour à l'occasion du désastre qu'ont connu la Dracénie et la basse vallée de l'Argens, tant chez nos employés communaux que chez beaucoup de nos concitoyens, que je salue, avec une pensée particulière pour ceux qui sont investis auprès des sinistrés dans le cadre de notre réserve communale de sécurité.

"Or, pour les catégories les plus vulnérables, l’accentuation des inégalités face au logement, à la santé, à l’école, aux loisirs, à l'accès à l'emploi, et même à la recherche d’un emploi, porte atteinte aux potentialités de développement individuel et social, et ce, notamment, par l’éducation.

"En effet, la situation des enfants et des adolescents en France est loin d’être satisfaisante. Beaucoup plus vulnérables que les adultes, ils sont directement touchés par les inégalités socio-économiques toujours croissantes qui entraînent précarité et pauvreté.

"Des réductions drastiques concernent les aides attribuées à la jeunesse, à la culture, à l’éducation, au sport. C'est inacceptable.

"Pour l’heure, chacun de nous peut désormais se poser des questions essentielles.

"Ne peut-on remettre en cause l’application dogmatique, voire cynique, du capitalisme libéral ?

"Ne peut-on mettre en œuvre une éducation qui permette à chaque enfant de devenir un adulte libre de ses choix, conscient de ses droits et de ses devoirs ?

"La Nation démocratique fonde sa légitimité sur un citoyen libre et informé. Ne peut-on permettre à chacun de connaître et maîtriser les moyens modernes d’information ?

"La liste des questions n’est pas exhaustive. Elle est au contraire très ouverte.

"Parce qu'il faut, en ce jour de célébration de l’avènement de la République, plus peut-être qu'en un quelque autre moment, rejeter tout asservissement de la pensée, et apprendre à juger et décider par soi-même.

"Il faut apprendre et admettre qu’autrui peut penser différemment.

"Oui, Français, nous sommes liés par une identité collective. Et la fête du 14 juillet, celle qu'on a appelée « la fête éternelle du genre humain », qui a symbolisé et symbolise encore l’espoir d’une ère nouvelle, cette fête participe à notre cohésion. Car c’est la vie partagée qui élève les concitoyens.

"Vive la République... la république de la Liberté, de l'Égalité, donc de la Laïcité, et de la Fraternité, celle qu'on appelle aujourd'hui la Solidarité.

"Vive la France !"

 

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 20:08

http://mimi40.m.i.pic.centerblog.net/xxnlyb2u.jpgJ'ai prononcé une allocution ce samedi matin, 8 mai, pour la commémoration de l'armistice de 1945, en présence de mes collègues élus de La Seyne, du secrétaire général de la préfecture, des représentantes du député, de ceux de nos armées et de nos forces de sécurité, de la conseillère régionale représentant Michel Vauzelle, président de Région, du conseiller général de La Seyne, des associations d'anciens combattants, résistants, déportés, victimes de la guerre, des élèves du collège Henri-Wallon avec leurs professeurs, des musiciens de la clique seynoise et de notre Philharmonique, et du "Groupe Military Conservation" qui a fait défiler sur le port ses véhicules militaires d'époque joliment rénovés.

Ce que j'ai dit...

La semaine dernière, nous honorions la mémoire des victimes des camps de la mort nazis ; hier les combattants de Dien Bien Phu ; et aujourd’hui, 8 mai 2010, voilà donc le 65ème anniversaire de la victoire des Alliés sur l’Allemagne de Hitler.

Dans le pays, des voix critiques s’élèvent concernant ces commémorations dont certains pensent qu'il y en a trop. Mais, une évidence est que l'on ne peut défendre et faire prendre conscience des valeurs défendues par la République et par son peuple que lorsqu'on se met en situation de prendre la mesure de l'Histoire, dans ses aspects tragiques comme dans les moments plus heureux.

Il n’est pas d’usage de profiter de cette tribune pour faire de la politique. Et je n’en ferai pas. Mais vous permettrez que je redevienne, un instant, l’éducateur, le professeur que je ne cesserai jamais d’être.

Il s’est passé, la semaine dernière et lors de la commémoration de la déportation, trois faits qui résonnent douloureusement.

Dans une commune des Deux-Sèvres, un empêchement d'un maire à lire un témoignage d’une déportée.

Le 28 avril, la diffusion par France 2 d'un reportage mettant au jour l’antisémitisme et l’endoctrinement de jeunes élèves dans une école traditionaliste hors contrat de la région de Bordeaux.

Enfin, la mise au grand jour par un hebdomadaire de quelques archives de la police de Vichy montrant qu’il fut un temps où ce n'était pas à des polygames que la France menaçait de retirer la nationalité, mais à des hommes et des femmes qui s’appelaient Chagall, Ginsburg, Apollinaire, Drucker, Vartan, Cavanna, Montand ou Domenech. Ils venaient de l'Est ou du Sud de l'Europe, chassés par les pogroms, par le stalinisme, par les fascismes, ou par la misère. À l'époque, ils n’étaient que des réfugiés anonymes, dans la foule des immigrants en quête d’une vie meilleure. Mais, malheureusement, en ce 8 mai 2010, chacune de ces histoires singulières en raconte mille autres et, ô combien, actuelles. Antifranquistes des années 30 ou Afghans d’aujourd’hui, mineurs polonais, sans-papiers maliens ou Roms bosniaques réfugiés, tous les exils, au fond, se ressemblent.

Oui, c’est cela qui me fait réagir, alors que nous commémorons le 8 mai 1945.

Aussi, je veux évoquer, en dénonçant ces pratiques, ce qui nourrit le vrai patriotisme français : le patriotisme d'une République qui a proposé au Monde un modèle d'émancipation, de justice et d'égalité.

Et même si ce n’est pas parfait, même si on devait n'en rester qu’aux déclarations de principe, des hommes et des femmes se sont battus pour les défendre au sacrifice de leur vie.

Que disait la lettre écrite par Ida Grinspan, ancienne déportée, qui aurait dû être lue dans le cadre de la Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation ?

"J’ai été arrêtée le 31 janvier 1944 par trois gendarmes, … , moi, si jeune, si innocente, qui avais la malchance d’être née Juive ! Alors que les armées alliées sont en train de délivrer l’Europe des Allemands, trois gendarmes français ont obéi aux ordres de m’emmener à Niort pour connaître le pire : d’abord le camp de Drancy, puis l’enfer d’un voyage de trois jours dans un wagon à bestiaux, plombé, avec des hommes, des femmes et des enfants, pour arriver aux camps de la mort."

Sommes-nous une société qui ne peut plus entendre ces vérités ? Est-ce jeter l’infamie sur l’ensemble de notre gendarmerie ?

Bien sûr que non !

Je dois toutefois à la vérité de dire que, quelques jours après, le maire qui avait interdit la lecture de cette lettre a estimé qu'il y avait eu un "quiproquo malheureux" et a accédé à la demande d'Ida Grinspan qu'elle fût enfin lue.

Que montre l’émission de France 2 tournée en caméra cachée dans cette école privée catholique fondamentaliste ?

- Qu'on y enseigne que Pétain était un héros, pas celui de Verdun, mais bien le Maréchal de l’État français collaborateur !

- Que De Gaulle était un déserteur !

- Que les SS étaient finalement l’équivalent de nos CRS avant de devenir une simple armée d’élite !

- Que l’occupation allemande, c'était "un prêté pour un rendu" après l'occupation de la Rhénanie au lendemain de la guerre de 14-18 !

Pardonnez un jugement de valeur : s'il n'y a pas eu de trucage dans cette émission, c'est abominable !

Et, là aussi, je dois à la vérité de dire qu'au lendemain de la diffusion, l’archevêché de Bordeaux a fait savoir dans un communiqué qu’il condamnait les propos tenus par des professeurs et des parents d’élèves : « Certaines séquences rapportent des propos intolérables, scandaleux et que nous dénonçons comme inacceptables »

Tout cela pour quel résultat ?

« Mes élèves ne participeront plus au devoir de mémoire et aux cérémonies commémoratives. Je renonce à souscrire à ce que j'appelle une forme de censure », a déclaré le professeur d'histoire-géographie dans les Deux-Sèvres.

Et Ida Grinspan a pour sa part déploré : « Dans un pays démocratique comme le nôtre, c'est triste de penser qu'on ne peut pas raconter l'histoire telle qu'elle s'est passée », en ajoutant : "C'est une forme de révisionnisme".

Les faits sont pourtant établis.

Frissons rétrospectifs !...

Car, jusqu’à la fin, et il appartient à l'Histoire de les juger, certains des fonctionnaires de l’administration française de l'époque ont accompli leur tâche.

Un avis de recherche de Joseph Ginsburg – le père de l'autre Gainsbourg que tout le monde connaît - a ainsi été émis le 22 juin 1944 à Limoges. Après le Débarquement !

C’est sans doute ce zèle tenace qui effraie le plus.

Le dossier du père de Jean Ferrat, Mnacha Tenenbaum, naturalisé en 1928, est ainsi passé deux fois en commission. À l’automne 1943. Et au printemps 1944. Un rapport de la préfecture établi en 1944 résume à son propos : "Juif russe marié à une Française aryenne. Parti sans laisser d’adresse." Et pour cause. Mnacha Tenenbaum était du convoi numéro 39, parti le 30 septembre 1942 de Drancy, presque deux ans auparavant. Il n’est jamais revenu.

Mesdames, Messieurs, vous les collégiens qui continuez avec vos professeurs à assister à ces nécessaires commémorations, retenez ceci :

Dans l’adversité d’une forêt dense, les arbres poussent beaux et droits parce que tous recherchent la lumière. En revanche, les arbres qui poussent à l’écart des autres lancent leurs branches n’importe comment, ils en sont tordus et rabougris.

Toute culture, tout art dont se pare l’humanité, est le fruit d’une règle commune à tous, une Loi qui établit les obligations mutuelles entre les citoyens.

Ne pas être indifférents les uns aux autres, dans une responsabilité des uns pour les autres, dans le recours des uns au secours des autres.

Être responsable ! Responsable est le nom de celui qui peut répondre de lui-même, capable de faire des promesses et de s'efforcer de les tenir.

Être libre ! Être libre est la capacité à répondre de sa personne en tant qu’avenir, et donc de toujours préserver le présent.

Oui, c’est cette leçon que nous honorons ici. Garder une capacité à nous dresser devant l’arbitraire, garder notre dignité, nous comporter en citoyens : même si je dois faire mentir un peu notre Constitution, on ne naît pas vraiment libre, mais on le devient.

Honneur à ceux qui ont donné leur vie pour tout cela pendant cette deuxième guerre mondiale !

Honneur à la démocratie, ferment de la patrie française, qui a guidé leurs choix !

Vive l'Europe de la Paix et de l'amitié entre les peuples que nous allons fêter demain !

Et vive la France républicaine !

 

 

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
1 mai 2010 6 01 /05 /mai /2010 06:19

26216_120183534665882_100000227079301_286546_7653790_n.jpgJ'évoquais hier dans un article de ce blog les commémorations au cours desquelles nous nous efforçons d'exercer notre devoir de mémoire. Certains pensent que c'est désuet, moi je crois que c'est important et loin d'être du temps perdu, tant nous avons besoin de repères d'hier pour guider nos choix d'aujourd'hui. Il y a une semaine, je participais à Toulon à une cérémonie commémorative du génocide arménien toujours pas reconnu par l'État turc (photo ci-contre), puis, le lendemain, à La Seyne, à la journée du souvenir des victimes des camps nazis.

Mon discours de ce 25 avril...

"Sitôt arrivés au pouvoir, en janvier 33, Hitler et les nazis créent les premiers camps comme Bergermoor ou Sachsenburg. Y seront internés les opposants au régime, les « asociaux », tous ceux qui n’entrent pas dans la norme national-socialiste.

"Avec la guerre, le système concentrationnaire prend une autre dimension et, à partir de 1941, il s’intègre dans la mise en place de la « solution finale de la question juive ». Les camps se multiplient partout en Europe, par dizaines : les camps de concentration dont celui de Natzweiler-Struthoff en France, les camps d'extermination de l'Aktion Reinhardt en Pologne, les camps du programme Aktion T4 pour l'assassinat systématique de plus de 100 000 aliénés et handicapés, ou des camps de rééducation et de redressement, comme celui de Schirmeck en France, qui a reçu 10 000 Alsaciens et Mosellans.

"Les déportés de France sont estimés à plus de 160 000 personnes, dont 80 000 victimes de mesures de répression, des prisonniers de droit commun, des infirmes, des homosexuels, des déportés politiques et des résistants, 75 000 Juifs, des Tsiganes.

"D'ailleurs, deux films récents traitent du sort réservé aux Juifs et aux Tsiganes en France : La rafle pour les uns, Liberté pour les autres.

"Ces deux films montrent la collaboration et l’implication de la police et de la milice de Vichy. Une collaboration pour le moins active. La France, par la voix du président Chirac, a fini par dire ce qu’il fallait dire à ce sujet, mais récemment, trop récemment.

"Et puis, soyons, et modestes, et modérés. Une récente expérience de télévision nous le démontre : le libre-arbitre de chacun est largement conditionné, surtout quand tout est fait pour que nous nous soumettions à une autorité morale sans prendre la peine de penser.

"Et une leçon est donc que nous devons tout mettre en œuvre pour combattre le « prêt à penser » ou les solutions simplistes, surtout si elles sont prises sous le coup de l’émotion.

"Non, mille fois non, par exemple, à l’automaticité des peines. C’est l’honneur de la justice de considérer chaque cas comme particulier, de prendre le temps de l’analyse et de mesurer la peine.

"Le juriste Cesare Beccaria, au XVIIIe siècle, avec la publication de "Dei delitti e delle pene" (Des délits et des peines), ne disait pas autre chose. Il était en avance sur son temps mais en phase avec les idées des Lumières. Le code pénal, la séparation des pouvoirs, exécutif, législatif, judiciaire, sont issus de sa réflexion.

"Gardons-nous de revenir en arrière. Que signifierait, par exemple, un Parquet décidant de l’instruction, sans que sa dépendance au pouvoir ne soit reconsidérée ?

"Avec la libération des camps puis le retour des premiers survivants, le monde entier mesura l’ampleur de la déportation et de son horreur.

"Mais partout, le pouvoir choisit, à l’exemple des déportés eux-mêmes, la pudeur, le silence.

"Peu à peu, et encore aujourd'hui, les archives se sont ouvertes, les langues se sont déliées, les historiens ont établi – ou rétabli - quelques vérités, les politiques ont reconnu des erreurs, les cinéastes ont mis des images sur l’indicible.

"Oh ! cela soulève encore bien des polémiques : Pie XII, les Alliés ? Qui savait ? Quoi ? Quand ? Devaient-ils ou pouvaient-ils agir ? Quelle était la priorité ? Gagner d'abord la guerre ou détruire en premier lieu les camps ? Fallait-il choisir !

"Les nazis et leurs complices, eux, poussèrent leur logique meurtrière jusqu’au bout : des trains entiers continuèrent le transport des déportés au détriment de l’effort de guerre. Une folie, la haine.

"Enfin, rendons hommage aux Justes, et à tous ceux qui surent, contre tous les courants, aller contre la facilité en assumant un danger mortel en cachant des hommes, des femmes, des enfants voués à la déportation.

"Nous, nous sommes rassemblés pour ne pas oublier, ni la folie des hommes, ni l’abnégation de certains... et ni l’espoir, car, c’est dit dans la version française du Lied der Moorsoldaten - le Chant des marais -, qui avait été composé par des déportés allemands dès 1934 :

"… un jour dans notre vie, / Le printemps refleurira, / … / Ô terre enfin libre / Où nous pourrons revivre, aimer !

"Donnons à nos enfants les raisons d’espérer en un monde meilleur.

"Cette année, je terminerai par l’hommage rendu par Jean Tenenbaum, Jean Ferrat, à tous les déportés, à son père mort à Auschwitz.

"Nuit et brouillard... Une chanson écrite dès 1963. 18 ans après la libération des camps. Les autorités ne pouvaient entendre ces vérités : l’ORTF l’a "déconseillée", pour ne pas dire... censurée... notre peuple, heureusement, l’a plébiscitée.

"Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel / Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou / D’autre ne priaient pas… / …

"Elle se termine sur ces paroles...


On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours

Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour

Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire

Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare

 

Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?

L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été

Je twisterais les mots s'il fallait les twister

Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez


"C'est ce que nous faisons aujourd'hui. Et qu'il faudra faire toujours."

 

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 09:24

http://www.lesmanantsduroi.com/Images12/delattre-tassigny.jpgCertains trouvent "ringarde" la multiplication des cérémonies commémoratives des grands faits et des grands hommes qui ont marqué l'histoire chaotique de notre XXè siècle. "La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas", chantait un grand monsieur libertaire à la mauvaise réputation...

Pour dire vrai, j'aurais eu un peu tendance à être de ceux-là qui, outre fredonnent cet air, ont aussi envie de le mettre en pratique. Mais, d'abord conscient des responsabilités qui incombent à ma charge, je me prête au jeu depuis ma première élection au conseil municipal, en 1993. Et puis je réalise au fil des ans combien, derrière le cérémonial, et au fil des jalons qui sont posés dans l'année par le rythme des célébrations patriotiques, il y a peut-être matière à se questionner sur ces valeurs de la Paix, de la République, dont l'universalité reste largement à parfaire, si l'on regarde ce qui se passe dans le Monde. Et chez nous.

C'est la présence des gamins du collège de mon quartier Berthe où j'ai exercé presque trente ans, chantant régulièrement La Marseillaise avec leurs profs au pied du Monument aux Morts, qui m'a fait réaliser que, peut-être, les mots récurrents, les symboles, les rituels républicains, pouvaient aider à la construction de valeurs qui, loin d'être passéistes, peuvent aider à conforter les efforts d'éducation citoyenne. Ça ne fait de mal à personne et, par les temps qui courent, avoir quelques références à celles et ceux qui ont marqué l'histoire récente par des faits qui nous permettent aujourd'hui de vivre en un espace libre du Monde, ça ne peut que nous encourager à tenter de le maintenir tel, voire à en promouvoir les valeurs là où elles font défaut...

C'est comme ça que j'ai pris part dimanche à la cérémonie en mémoire de Jean de Lattre de Tassigny, aux armées duquel La Seyne doit d'avoir été libérée de l'oppression nazie le 26 août 1944.

Monsieur Raymond Borla, président de l'association seynoise "Rhin et Danube", a détaillé la vie de cet homme marquée, comme celle de chacun d'entre nous, de bons et de moins bons côtés.

Quant à moi, j'ai tenté dans mon propos de faire acte de pédagogie et relier les faits historiques à quelques idées républicaines qui valent plus que jamais d'être défendues...

"Tout aura été dit sur le soldat d'exception que fut Jean de Lattre, et il est toujours difficile d'intervenir sur un tel homme sans lasser son auditoire par la redite.

"La République lui aura été reconnaissante en lui décernant, pour ses faits d'armes au cours de l'une ou l'autre des guerres où il s'est illustré, pas moins de 10 décorations prestigieuses. Ce qu'on sait moins, c'est que le maréchal a aussi été honoré comme civil et qu'il était aussi titulaire de la médaille d'or de l'éducation physique et de la médaille d'or de la santé publique.


"Et les autres nations du monde ont aussi su reconnaître en lui l'un des artisans déterminants de la Paix et de Liberté, ces biens de l'humanité qui devraient être universels. Et qui ne le sont toujours pas.


"Peu d'entre nous savent que Jean de Lattre fut aussi honoré des plus hautes distinctions de l'Argentine, de la Belgique, du Brésil, du Bénin, de Cambodge, du Chili, de Cuba, du Danemark, du Laos, du Maroc, du Mexique, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Pologne, du Royaume-Uni, de la Tchécoslovaquie, de la Tunisie, des Etats-Unis, de l'Union Soviétique.

"Et même, bien qu'il fut haut-commissaire et commandant en chef du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient de 1950 à sa mort, qu'il mit sur pied une armée nationale vietnamienne contre le Vietminh, et qu'il eut remporté trois victoires contre les hommes du général Giap, et même, donc, de la part du Vietnam qui se battait pour la liberté de son peuple et a néanmoins reconnu la valeur de l'homme en l'élevant à la dignité de Grand Croix de son ordre national.

"Il est bien normal que La Seyne, qui doit sa liberté aux troupes qu'il commandait, lui rende chaque année hommage, aux alentours de ce 11 janvier où sa vie s'est arrêtée il y a près de 60 ans.

"Car, sur quelque terrain d'action que ce soit, de Lattre a su jusqu'au bout faire rêver ses hommes, aussi disparates que furent ses armées, des soldats de la métropole aux troupes coloniales jusqu'aux Forces Françaises de l'Intérieur entre lesquels il avait réussi ce qu'on a appelé "l'amalgame", les faire rêver à la victoire de la volonté sur la fatalité en leur léguant la plus belle de ses devises : "
Ne pas subir."

"Que la jeunesse contemporaine sache s'inspirer des gestes d'un tel homme. Et il avait lui-même pressenti l'importance de la mémoire pour que ne s'éteigne jamais le devoir de vigilance pour la Paix et la défense des valeurs de la République, en écrivant à ses hommes, à Berlin, le 9 mai 1945, au lendemain de la signature de la capitulation allemande : "Soldats vainqueurs, vos enfants apprendront la nouvelle épopée que vous doit la Patrie". Alors, nous aussi, souvenons-nous, et parlons-en inlassablement aux enfants de notre République."

 

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 08:00

Nous étions nombreux, hier, aux cérémonies commémoratives du 91ème anniversaire de l'armistice de 1918. Un quotidien local en a retenu que j'aurais salué la rencontre Sarkozy-Merkel qui se déroulait au même moment à Paris. Je ne sais pas où le journaliste a pu trouver ça dans mon propos ! Mais, bon... on ne va pas en faire un fromage.

Voici l'intégrale de mon allocation à l'occasion, qui traitait essentiellement d'un regard à poser sur la mémoire...

 

"Nous voilà réunis pour le souvenir d’une guerre qui bouleversa l’Europe il y a plus de 95 ans. Désormais les témoins ont disparu, et parmi eux, les victimes qui portaient cette guerre dans leur chair, leur sang, leurs souvenirs.

 

Notre sentiment de contemporains du XXIe siècle est que la chaleur de leur vécu délivrait une vérité dont nous ne saurons jamais rendre compte dans nos jugements distancés.


Avec le temps, une dilution s’opère et des interrogations se précisent : Quelle vérité dispenser ? Quelle mémoire privilégier ?


Les réponses, selon les interprétations, sont lourdes de responsabilité sur l’avenir. Gardons-nous aujourd’hui des images trop mortifères propres à entretenir la défiance et la haine des peuples et gardons-nous de prendre le risque de perdre le sens du futur et le goût du présent.


Pourtant la mobilisation des repères historiques reste indispensable : ils contribuent à forger les identités politiques et, plus encore, la citoyenneté.


Mais pas d’angélisme, ces dates commémoratives, choisies avec soin, dotées par une volonté partisane d’un sens univoque, ont servi une république de consensus dans le combat, consolidant des fondations encore fragiles en masquant volontairement les aspects les plus négatifs. Oui, « Gouverner c’est faire l’histoire ». Et nous enseignons, de fait, l’histoire des vainqueurs.


Sur les causes de la Première Guerre mondiale, le débat est quasiment clos ; la responsabilité incombe aux alliances militaires et diplomatiques, et, surtout, aux chocs des intérêts coloniaux, commerciaux et économiques.


Aujourd’hui, je retiendrai trois hommes et trois dates. Chacun, à leur manière, marquent la Grande Guerre.


D’abord, Jean Jaurès. Il est le chantre du pacifisme des peuples, aussi est-il assassiné le 31 juillet 1914 par Raoul Villain : les bellicistes, essentiellement marchands de canon et manufacturiers en mal de ventes, occupent désormais la scène. En apprentis sorciers ! Nous le savons aujourd’hui.


Puis le caporal Peugeot, premier tué français, le 2 août 1914 à Joncheray, après avoir abattu son propre meurtrier, Camille Mayer. Au mythe de l’Union sacrée, selon les mots de Raymond Poincaré, l’union sacrée des forces politiques, syndicales, religieuses, devant les dangers que la patrie devait affronter, à l’image privilégiée des Pioupious, fiers et insouciants aux fenêtres des trains fleuris pour la circonstance et scandant « Noël à Berlin ! », succède la réalité d’un déchainement inouï de violence guerrière et l'affreuse dépréciation de la vie humaine qui en résulte !


Rapportée aux effectifs de la nation armée, à ses 8 millions d’hommes mobilisés et à 1.400.000 morts, la Grande Guerre n’est qu’une vaste boucherie de masse.


Enfin, le 12 mars 2008 s’est éteint l’ultime témoin français de l’atrocité des combats. Le témoignage de Lazare Ponticelli conforte ce qui, peu à peu, constitue une autre mémoire de la guerre, non pas patriotique et sacrificielle - l’historiographie conventionnelle - mais dénonciatrice, en particulier de l’incompétence de certains officiers généraux, de leur aveuglement, des conditions faites à l’homme de troupe, chair à canon, et devant l’horreur, internationaliste et pacifiste.


Rappelez-vous cette polémique déclenchée par Lionel Jospin, alors premier ministre, lorsqu’il prononça le 5 novembre 1998, à Craonne, sur le lieu emblématique du Chemin des Dames, ces mots : « Certains de ces soldats, épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d’être des sacrifiés. Que ces soldats, « fusillés pour l’exemple », au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui pleinement, notre mémoire collective nationale ! »


Vérité, mémoire... des notions très controversées dès lors qu’elles servent exclusivement à « faire aimer et faire comprendre la patrie ». comme le disaient les manuels scolaires de la IIIème République.


La mémoire comme credo, si j’ose dire, de l’école de Jules Ferry ou en récupération de l’identité de toutes les minorités, sociales, coloniales, provinciales, des femmes, des ouvriers, des colonisés, des proscrits, est une mémoire tronquée qui, au final, laisse aux décisions politiques le soin de juger et d’arbitrer. Et ces décideurs s’emploient alors à délivrer les vérités d’un passé choisi ; de Gaulle à dit : « C’est avec des mythes et des légendes que l’on valorise une ambition et que l’on construit une nation ».


Ne croyez pas que notre présence devant ce monument aux morts est anecdotique ou désuète. Nous sommes les instruments de la formation civique et de la conscience des populations. Notre devoir de citoyen est d’user de notre mémoire dans un exercice critique où l’honnêteté dispute à l’exactitude.


Je suis heureux que la France et l’Allemagne élaborent ensemble un manuel d’histoire à destination des classes de lycée. C’est ce regard croisé qui alimente l’objectivité.


Dans ce monde acculé au présent, condamné au zapping et dominé par les médias, l’exemplarité du passé, étudié dans tous ses aspects, est plus nécessaire que jamais."

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 06:07

Ils étaient nombreux à la Bourse du Travail, vendredi soir, les anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc, à l'occasion de la réunion de l'Assemblée générale de leur association, la F.N.A.C.A.

J'ai failli m'en réjouir. Mais cela signifiait hélas qu'ils ont été nombreux, trop nombreux, beaucoup trop nombreux, à avoir dû passer des mois et des mois de leurs plus belles années à combattre pour une guerre qu'ils n'ont pas voulue. Et qui n'a reçu le nom de guerre que quarante longues années après le cessez-le-feu de mars 1962, après que leur association a bataillé ferme pour en obtenir la reconnaissance. Je le leur ai dit.

J'ai aussi évoqué ce 19 mars d'il y a près de cinquante ans. J'ai eu une pensée, avec eux, pour ceux qui ont été fauchés par l'horreur de ce conflit avant ce printemps 62. Et pour les autres, qui sont morts dans les temps qui ont suivi, malgré les accords d'Evian et l'appel au dépôt des armes. Et pour ceux qui portent encore dans leur chair et dans leur coeur les stigmates de la bestialité humaine, anciens combattants, veuves, harkis, pieds noirs.

Je leur ai dit que je partage leur volonté que ce soit le 19 mars qui honore les victimes de ce conflit, car cette date à un sens, et non le 5 décembre, jour qui n'a aucun fondement historique. Le président départemental de la F.N.A.C.A. m'a rappelé les termes du décret instaurant cette date commémorative officielle :

Article 2
Chaque année, à cette date, une cérémonie officielle est organisée à Paris.
Une cérémonie analogue a lieu dans chaque département, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, dont l'organisation est laissée à l'initiative du représentant de l'Etat.


Il est bien écrit "dans chaque département". Rien n'oblige donc une commune à organiser une telle manifestation. Et, si je me devrai, le 5 décembre prochain, d'assister comme élu de la République à la cérémonie que le préfet organisera conformément aux textes quelque part dans le Var, je vais demander aux élus de la majorité municipale de discuter avec les anciens combattants de l'opportunité d'en organiser une à La Seyne.

Et, bien sûr, comme chaque année, je serai présent aux côtés de la F.N.A.C.A. et des autres associations patriotiques à la cérémonie associative organisée le 19 mars.

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire
19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 15:38

11 septembre... 1973 : coup d'État de Pinochet contre le régime démocratique d'Allende au Chili, avec l'appui des États-Unis. Je pense à Victor Jara, chanteur communiste chilien, enfermé avec des milliers de défenseurs de la Liberté au Stade National de Santiago, à qui les militaires de la junte ont tranché les doigts avant de lui ordonner de jouer de la guitare puis de l'assassiner.

11 septembre... 2009 : Molineris, peintre seynois de talent, expose à la Villa Tamaris. Un homme engagé pour donner à voir le monde qui court à sa perte, le sang, la sueur et les larmes. Les pierres et les fusils. Les enfants soldats et les tombes. Un homme aussi qui éveille sans relâche à l'art les habitants, jeunes et adultes, de nos quartiers populaires. Un homme qui fait pousser des doigts.




La chanson "Lettre à Kissinger" (Julos Beaucarne), qui conte le martyr de Victor Jara...


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