8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 20:08

http://mimi40.m.i.pic.centerblog.net/xxnlyb2u.jpgJ'ai prononcé une allocution ce samedi matin, 8 mai, pour la commémoration de l'armistice de 1945, en présence de mes collègues élus de La Seyne, du secrétaire général de la préfecture, des représentantes du député, de ceux de nos armées et de nos forces de sécurité, de la conseillère régionale représentant Michel Vauzelle, président de Région, du conseiller général de La Seyne, des associations d'anciens combattants, résistants, déportés, victimes de la guerre, des élèves du collège Henri-Wallon avec leurs professeurs, des musiciens de la clique seynoise et de notre Philharmonique, et du "Groupe Military Conservation" qui a fait défiler sur le port ses véhicules militaires d'époque joliment rénovés.

Ce que j'ai dit...

La semaine dernière, nous honorions la mémoire des victimes des camps de la mort nazis ; hier les combattants de Dien Bien Phu ; et aujourd’hui, 8 mai 2010, voilà donc le 65ème anniversaire de la victoire des Alliés sur l’Allemagne de Hitler.

Dans le pays, des voix critiques s’élèvent concernant ces commémorations dont certains pensent qu'il y en a trop. Mais, une évidence est que l'on ne peut défendre et faire prendre conscience des valeurs défendues par la République et par son peuple que lorsqu'on se met en situation de prendre la mesure de l'Histoire, dans ses aspects tragiques comme dans les moments plus heureux.

Il n’est pas d’usage de profiter de cette tribune pour faire de la politique. Et je n’en ferai pas. Mais vous permettrez que je redevienne, un instant, l’éducateur, le professeur que je ne cesserai jamais d’être.

Il s’est passé, la semaine dernière et lors de la commémoration de la déportation, trois faits qui résonnent douloureusement.

Dans une commune des Deux-Sèvres, un empêchement d'un maire à lire un témoignage d’une déportée.

Le 28 avril, la diffusion par France 2 d'un reportage mettant au jour l’antisémitisme et l’endoctrinement de jeunes élèves dans une école traditionaliste hors contrat de la région de Bordeaux.

Enfin, la mise au grand jour par un hebdomadaire de quelques archives de la police de Vichy montrant qu’il fut un temps où ce n'était pas à des polygames que la France menaçait de retirer la nationalité, mais à des hommes et des femmes qui s’appelaient Chagall, Ginsburg, Apollinaire, Drucker, Vartan, Cavanna, Montand ou Domenech. Ils venaient de l'Est ou du Sud de l'Europe, chassés par les pogroms, par le stalinisme, par les fascismes, ou par la misère. À l'époque, ils n’étaient que des réfugiés anonymes, dans la foule des immigrants en quête d’une vie meilleure. Mais, malheureusement, en ce 8 mai 2010, chacune de ces histoires singulières en raconte mille autres et, ô combien, actuelles. Antifranquistes des années 30 ou Afghans d’aujourd’hui, mineurs polonais, sans-papiers maliens ou Roms bosniaques réfugiés, tous les exils, au fond, se ressemblent.

Oui, c’est cela qui me fait réagir, alors que nous commémorons le 8 mai 1945.

Aussi, je veux évoquer, en dénonçant ces pratiques, ce qui nourrit le vrai patriotisme français : le patriotisme d'une République qui a proposé au Monde un modèle d'émancipation, de justice et d'égalité.

Et même si ce n’est pas parfait, même si on devait n'en rester qu’aux déclarations de principe, des hommes et des femmes se sont battus pour les défendre au sacrifice de leur vie.

Que disait la lettre écrite par Ida Grinspan, ancienne déportée, qui aurait dû être lue dans le cadre de la Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation ?

"J’ai été arrêtée le 31 janvier 1944 par trois gendarmes, … , moi, si jeune, si innocente, qui avais la malchance d’être née Juive ! Alors que les armées alliées sont en train de délivrer l’Europe des Allemands, trois gendarmes français ont obéi aux ordres de m’emmener à Niort pour connaître le pire : d’abord le camp de Drancy, puis l’enfer d’un voyage de trois jours dans un wagon à bestiaux, plombé, avec des hommes, des femmes et des enfants, pour arriver aux camps de la mort."

Sommes-nous une société qui ne peut plus entendre ces vérités ? Est-ce jeter l’infamie sur l’ensemble de notre gendarmerie ?

Bien sûr que non !

Je dois toutefois à la vérité de dire que, quelques jours après, le maire qui avait interdit la lecture de cette lettre a estimé qu'il y avait eu un "quiproquo malheureux" et a accédé à la demande d'Ida Grinspan qu'elle fût enfin lue.

Que montre l’émission de France 2 tournée en caméra cachée dans cette école privée catholique fondamentaliste ?

- Qu'on y enseigne que Pétain était un héros, pas celui de Verdun, mais bien le Maréchal de l’État français collaborateur !

- Que De Gaulle était un déserteur !

- Que les SS étaient finalement l’équivalent de nos CRS avant de devenir une simple armée d’élite !

- Que l’occupation allemande, c'était "un prêté pour un rendu" après l'occupation de la Rhénanie au lendemain de la guerre de 14-18 !

Pardonnez un jugement de valeur : s'il n'y a pas eu de trucage dans cette émission, c'est abominable !

Et, là aussi, je dois à la vérité de dire qu'au lendemain de la diffusion, l’archevêché de Bordeaux a fait savoir dans un communiqué qu’il condamnait les propos tenus par des professeurs et des parents d’élèves : « Certaines séquences rapportent des propos intolérables, scandaleux et que nous dénonçons comme inacceptables »

Tout cela pour quel résultat ?

« Mes élèves ne participeront plus au devoir de mémoire et aux cérémonies commémoratives. Je renonce à souscrire à ce que j'appelle une forme de censure », a déclaré le professeur d'histoire-géographie dans les Deux-Sèvres.

Et Ida Grinspan a pour sa part déploré : « Dans un pays démocratique comme le nôtre, c'est triste de penser qu'on ne peut pas raconter l'histoire telle qu'elle s'est passée », en ajoutant : "C'est une forme de révisionnisme".

Les faits sont pourtant établis.

Frissons rétrospectifs !...

Car, jusqu’à la fin, et il appartient à l'Histoire de les juger, certains des fonctionnaires de l’administration française de l'époque ont accompli leur tâche.

Un avis de recherche de Joseph Ginsburg – le père de l'autre Gainsbourg que tout le monde connaît - a ainsi été émis le 22 juin 1944 à Limoges. Après le Débarquement !

C’est sans doute ce zèle tenace qui effraie le plus.

Le dossier du père de Jean Ferrat, Mnacha Tenenbaum, naturalisé en 1928, est ainsi passé deux fois en commission. À l’automne 1943. Et au printemps 1944. Un rapport de la préfecture établi en 1944 résume à son propos : "Juif russe marié à une Française aryenne. Parti sans laisser d’adresse." Et pour cause. Mnacha Tenenbaum était du convoi numéro 39, parti le 30 septembre 1942 de Drancy, presque deux ans auparavant. Il n’est jamais revenu.

Mesdames, Messieurs, vous les collégiens qui continuez avec vos professeurs à assister à ces nécessaires commémorations, retenez ceci :

Dans l’adversité d’une forêt dense, les arbres poussent beaux et droits parce que tous recherchent la lumière. En revanche, les arbres qui poussent à l’écart des autres lancent leurs branches n’importe comment, ils en sont tordus et rabougris.

Toute culture, tout art dont se pare l’humanité, est le fruit d’une règle commune à tous, une Loi qui établit les obligations mutuelles entre les citoyens.

Ne pas être indifférents les uns aux autres, dans une responsabilité des uns pour les autres, dans le recours des uns au secours des autres.

Être responsable ! Responsable est le nom de celui qui peut répondre de lui-même, capable de faire des promesses et de s'efforcer de les tenir.

Être libre ! Être libre est la capacité à répondre de sa personne en tant qu’avenir, et donc de toujours préserver le présent.

Oui, c’est cette leçon que nous honorons ici. Garder une capacité à nous dresser devant l’arbitraire, garder notre dignité, nous comporter en citoyens : même si je dois faire mentir un peu notre Constitution, on ne naît pas vraiment libre, mais on le devient.

Honneur à ceux qui ont donné leur vie pour tout cela pendant cette deuxième guerre mondiale !

Honneur à la démocratie, ferment de la patrie française, qui a guidé leurs choix !

Vive l'Europe de la Paix et de l'amitié entre les peuples que nous allons fêter demain !

Et vive la France républicaine !

 

 

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire