Il y a quelques jours, sur le port de Toulon, un groupe de militants "nationalistes" ouvertement xénophobes organisaient un funeste "apéro pinard-saucisson". La peste brune n'en finit pas de ressurgir alors qu'elle devrait depuis longtemps être éradiquée. Parmi ces sinistres néo-fascistes, se trouvaient certains, élus de la République, qui, lors de la dernière réunion plénière du Conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur, fin juin, ont aussi proféré des propos nauséabonds qui méritent que la Justice républicaine s'en saisisse.
Presque comme en réponse à cette nouvelle odieuse provocation, hier, ici, sur le port d'en face, à La Seyne, comme dans les autres villes de France, nous participions à la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État Français et d'hommage aux Justes de France. Mais déposer des gerbes suffira-t-il ?
J'ai prononcé une allocution :
"On ne sort de la nuit que par le rassemblement clair de la mémoire, que par l’obsession de transmettre, que par la lutte contre l’amnésie. En rendant hommage aux victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français, nous rendons justice à ces hommes et à ces femmes qui surent contre l’autorité garder leurs valeurs d’humanisme, de partage, de communion.
"Penser librement reste un acte subversif, il y faut du courage et de la détermination... et une âme juste.
"Dans la forêt de la collaboration, les Justes ont été ces arbres qui poussent beaux et droits vers la lumière. Ils nous ont montré que la fraternité est un recours définitif contre tous les racismes, contre toutes les exclusions.
"En somme, ils nous enseignent qu’il faut lutter, sans relâche ; lutter pour la préservation de l’esprit critique ; lutter pour la liberté de penser.
"Parce que le présent est gros de l’avenir, parce que le futur pourrait se lire dans le passé, n’oublions pas que la démocratie est sensible à la violence, et qu’il est très facile de la détruire en utilisant sa bienveillance, et la liberté qu’elle donne à chacun.
"Notre recours est la loi, mais les lois se changent, les pleins pouvoirs se donnent, des exemples nous sont donnés de par le monde et pas si loin de nous... notre vigilance réside dans le partage des responsabilités, dans une éthique que prônait déjà Montesquieu.
"Attention aux dérives, d’abord on les croit aux marges, ensuite on les pense utiles, dans des mains qui seraient, absolument, vertueuses, et au final on se retrouve avec des lois d’exceptions, un état policier, des libertés individuelles abolies.
"Lorsque les événements l’exigent, on peut faire le choix d’agir, sans pour autant renoncer au discernement, à la solidarité. Le droit humain n’est qu’une convention. Aucune assurance n’y est attachée. C’est pourquoi nous devons y être d’autant plus attentifs ! Nous devons être les acteurs de notre histoire.
"Heureusement pour nous, gens du XXIè siècle, il y eut les Justes du siècle d'avant.
"Remercions les de leur exemple de foi en l’humain.
"Ces femmes et ces hommes ont su appliquer, en toute simplicité, mais non sans danger, cette maxime de Thomas Jefferson :
"« Celui qui échange la liberté contre la sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre... et perdra les deux ».
"Ils nous ont redonné ce qui constitue le fondement d’une vie sociale.
"C’est sur cette fondation que les hommes et les femmes de la Résistance ont imaginé une nouvelle démocratie, une République laïque et sociale où la solidarité est l’affaire de chacun, non pas comme on fait l’aumône, non pas comme une charité, mais comme un devoir national.
"À des années-lumière de la crise morale de notre société qui va bien au-delà du scandale financier et bancaire permanent, du toujours plus pour les actionnaires et toujours plus d’efforts pour les salariés, au nom de la perpétuation d’un système que les mêmes s’acharnent à démonter pierre à pierre dans ce qu’un éditorialiste appelle un mal insidieux, la capitulation des esprits et le pourrissement des âmes.
"Oui, décidément, reprenons l’exemple de ces Justes et de leur foi en l’humain. Elle est plus que jamais nécessaire.
"Vive la France !"
En fin d'après-midi, j'ai pris la route de Signes pour honorer la mémoire des 38 résistants lâchement torturés et assassinés le 18 juillet 1944 par les nazis. Des hommes qui s'apprêtaient à accompagner la Libération de la Provence qui allait commencer moins d'un mois plus tard avec le débarquement du Dramont et qui ont chanté "La Marseillaise" jusqu'à la dernière minute où les barbares aux abois les ont mutilés ou enterrés vivants.
La République a su se rassembler hier, avec le représentant du Préfet, avec les associations d'anciens combattants, de déportés, de résistants, de victimes de guerre, avec Josette Pons, députée, avec mes collègues maires, de tous horizons politiques républicains, ceux de Signes, d'Évenos, de Riboux, de Cuges-les-Pins, d'Ollioules, de La Cadière, du Castellet, d'Oraison, et les représentants de ceux de Sanary et de Toulon.
Cérémonie poignante.
Mais ni la chaleur torride du Môle de la Paix de La Seyne, le matin, ni celle du Charnier de Signes, l'après-midi, n'ont pu faire cesser mes frissons dans le dos et calmer ma colère, après la pantalonnade ignoble commise l'autre jour à Toulon par ces graines de nazis qui déshonorent la France des Lumières.