Ce samedi, sous les toiles des Chapiteaux de la Mer, j'ai présenté comme tous les ans mes vœux à la population seynoise. On m'a demandé de communiquer le propos que j'ai tenu. Je le fais bien volontiers...
« Ce moment est toujours, pour moi, un plaisir simple malgré ce rien de solennité dû à la tradition et au fait d’être entouré des membres du Conseil municipal. Solennité vite oubliée, et c'est heureux, par la convivialité de la situation et la sincère satisfaction de vous rencontrer.
« Un petit mot d'abord pour évoquer le lieu où nous trouvons. Rappeler. En janvier 2017 et en 2018, en centre ville, nous nous sommes retrouvés dans la salle du casino, établissement qui avait ouvert ses portes en janvier 2016.
« Puis, l'an dernier, ce fut au nord, au cœur du quartier Berthe, au Centre culturel Henri-Tisot, entièrement rénové.
« Nous voici revenus dans un autre espace de culture, d'animation et d'éducation, au sud de la commune.
« Ici est né en 2015 le mouvement "Ocean Nation" pour la défense des biens communs de l'humanité, en particulier les mers. Un symbole, je crois, que La Seyne ait été choisie...
« Et le site, ses espaces extérieurs, accueillent divers événements, notamment le festival "Couleurs urbaines".
« Mais l'âme de ce lieu, c'est le cirque contemporain. Marqué pendant près de 20 ans par le festival "Janvier dans les étoiles" hélas disparu, il accueille désormais une programmation portée par le "Pôle jeune public", soutenu – c'est un signe des temps de fructueuse coopération intercommunale – à la fois par la Métropole et par la Ville.
« Mais certains d'entre vous se souviennent sans doute que les premiers chapiteaux de "Janvier dans les étoiles" ont été dressés au seuil des années 2000, sur le site des anciens chantiers navals qui était alors un terrain vague, désolé, en bord de rade... Que de changements, sur un espace où se sont retissés le tissu urbain et des activités !
« Les succès populaires des festivités d'été, cette année encore, ou, plus récemment, celles de la fin de l'année 2019 sur le Parc de la Navale, à proximité immédiate du centre ancien, permettant aux commerçants d'en tirer un certain profit, à ce que plusieurs d'entre eux m'en ont dit, en font un utile et dynamisant pôle festif du cœur historique.
« Mais revenons à ce qui nous réunit aujourd'hui.
« L'un des messages délivrés par les images que nous venons de regarder ensemble, est qu'une commune, c'est d'abord une communauté humaine. Au moins autant qu'elle est une institution. La commune a été, est, et sera un espace d'action et de décision.
« Oui, c'est précieux, la commune.
« Depuis la loi fondatrice de novembre 1789, la commune, succédant à la paroisse de l'Ancien Régime, est un irremplaçable maillon de rapprochement entre citoyen et pouvoirs publics, proches ou lointains. Autant dire un indispensable espace de démocratie vivante.
« « Bien sûr, tout ne se résout pas au plan local. C'est bien pourquoi, et je sais de quoi je parle, étant le président de l'association nationale des communes ayant des quartiers fragiles sur leurs territoires, les maires, de toutes sensibilités, estiment important d'agir, de plaider, de défendre, au plus près de la puissance publique nationale.
« « Et les maires ont eu une saine réaction, très digne, fût-elle empreinte de colère, en 2018, alors que le pouvoir central repoussait, d'un revers de la main du Président de la République, le rapport, pourtant commandé par lui-même, qui avait été élaboré, autour de l'ancien ministre Jean-Louis Borloo, par 200 rédacteurs, élus locaux, maires et acteurs économiques et associatifs de terrain, et qui proposait un plan d’actions pour que l'État vienne en aide aux plus de 5 millions d'habitants fragiles de nos quartiers populaires en déshérence.
« Tout cela a permis de constater, en 2018 et 2019, le haut degré d'attachement des Français pour cette instance locale qu'est "la mairie". Et, d'ailleurs, il faut le reconnaître, nos gouvernants sont revenus, grâce à l'écoute de la parole des maires, à de bien meilleurs sentiments vis-à-vis des territoires.
« Plus proche de nous, lorsque Jean-Mathieu Michel, le maire de Signes, a payé de sa vie le simple exercice de son mandat, il est devenu criant aux yeux de tous que vouloir contourner les territoires, et s’en remettre à une technocratie qui croirait savoir mieux que les gens, est non seulement inopérant, mais suicidaire pour notre démocratie.
« Est-ce un problème franco-français ? Je ne le crois pas. Le monde, à l'évidence, nous le ressentons tous, depuis un bon moment, est malade d'une globalisation uniformisante.
« L'idée, portée par certaines des "élites" (vous ne voyez pas les guillemets, mais j'en ai mis), selon laquelle l'exigence démocratique relèverait du passéisme, est, au mieux, du temps perdu, et, au pire, un empêchement à un type de croissance qui n'aurait pas à s'embarrasser de respect de la planète, d'humanisme et de solidarité sociale.
« Tout cela est extrêmement dangereux. Nous sentons bien, partout dans le monde, les dérives autoritaires d'une économie prétendument libérale. Ce libéralisme-là a le plus souvent perdu le contact avec les difficultés triviales mais constantes de tous les jours que vivent les gens. Souhaitons que cette distance ne fasse pas le lit d'une sorte de nouveau régime d'exception, excluant et totalitaire, semblable à ceux que le XXe siècle a connus en Europe, qui, lui, s'assume, utilisant sans vergogne les situations de violence et d'insécurité sociale, les failles d'une République dématérialisée, plus financière et virtuelle que citoyenne.
« La dérive ne date pas d'hier. Les normes et les réglementations dictées à l'échelle européenne entrainent plus de maux que de facilitation. Chacun le reconnaît aujourd’hui. Ce que nous avons vécu avec la fermeture de notre maternité et les décisions incompréhensibles de l'Agence régionale de santé fut, localement, un cas d'école. Reproduites partout sur le territoire, elles entrainent en tous lieux rejet et incompréhension, et illustrent tristement le sort promis à notre système public de santé.
« Alors, oui, il est urgent d'entretenir une démocratie vivante.
« Et, justement, tout en observant une rigoureuse réserve en cette période proche d'une élection municipale et intercommunale, puisque je ne dois ni vous parler bilan, ni évoquer d'éventuelles perspectives, je pense utile que nous nous souvenions, à la lisière du temps de consultation démocratique de mars prochain, que la qualité, le ton de l'échange politique, au moins par égard pour nos concitoyens, doivent être irréprochables.
« Ce temps doit être un temps de clarification des enjeux, un temps serein et sincère d’information comme de conviction.
« Heureusement, la globalisation sauvage possède un peu partout des contre-pouvoirs, et notamment à l'échelle communale. Les acteurs du local, qui restent en éveil constant, en font partie. Ces acteurs, c'est vous, les citoyens impliqués dans le vivre-ensemble, dans la vie associative. Et nous savons combien elle compte, à La Seyne.
« Vous, citoyens impliqués, dans le cadre de votre profession comme par l'engagement bénévole. Dans cette action collective, quotidienne, patiente et déterminée, il y a une source intarissable d'espoir.Mais espoir ne signifie pas optimisme béat, et l'alerte est donnée.
« Ainsi, les jeunes générations, révoltées par l’injustice et par l'indifférence coupable aux périls planétaires, portent en elles une force nouvelle. Le monde scientifique, comme celui des artistes et des créateurs, recèlent aussi tellement d'alternatives au système actuel.
« Et – tant de chefs d’entreprises me le disent lors de nos fréquentes rencontres – combien d'acteurs économiques, notamment locaux, au-delà de prises de position politiques ou philosophiques, sont conscients que les bénéficiaires des emplois qu'ils créent ne peuvent réellement s’épanouir que dans un monde où les besoins premiers sont satisfaits, où la part de bien-être et de dignité qui échoit à l'État et aux collectivités, au travers de leurs services publics, est pleinement assurée à chacun.
« C’est, à mon sens, l’explication des oppositions à la réforme des retraites, et du soutien de l’opinion malgré les gênes occasionnées par la grève. Cet avenir, promis par ce monde global qui nous est vendu, est plus redouté qu’attendu, tant il met en péril l’esprit de notre système social, lequel repose sur l’équité et la solidarité qui sont, avec la liberté, les piliers fondateurs de notre République qu'ont sauvée et réinstallée il y a trois-quarts de siècle ceux de la Résistance.
« Des policiers aux cheminots en passant par les hospitaliers et les enseignants, des salariés de la grande distribution aux routiers, du corps de ballet de l'opéra de Paris aux sapeurs-pompiers... tout notre corps social est fort inquiet.
« En tant que citoyen, j'assume de participer à ce mouvement, j’en comprends les raisons, et me garde bien d'accuser quiconque de défendre je ne sais quels privilèges. Ce n’est pas un "caprice de populations de pays riches", mais la traduction d'un état de tant de gens se vivant dégradés. La régression sociale n'a d’autre résultat qu'une misère profonde, c'est vérifié partout dans le monde où, comme le déploraient tant le président de la Libre Pensée dans un récent éditorial que le pape actuel en visite au Kenya, les inégalités ne cessent de croître.
« C’est pourquoi je n’ai de cesse, fût-ce contre le courant dominant, de valoriser la vie des services publics et le travail de leurs agents. Et je profite encore de ce moment, comme je l'ai souligné lors de la canicule, l'été dernier, et de nouveau lors des intempéries de la fin 2019, pour rappeler à quel point le service public est essentiel et vital.
« Je veux solennellement les remercier et saluer leur sens du devoir, eux... les professionnels et les volontaires des pompiers du Var, les réservistes communaux et notre service de sécurité civile, les services d'urgence de notre hôpital, les urgentistes du gaz et de l'électricité, tous en première ligne lors des accidents, y compris climatiques de plus en plus fréquents du fait de la folie du soi-disant progrès des hommes, les bénévoles solidaires et services sociaux qui font face aux drames de la misère, les forces de sécurité publique d'État et notre police municipale, qui luttent pied à pied contre le mal mortel du narcotrafic qui, surfant sur la pauvreté, gangrène depuis deux ans trop de nos quartiers populaires de La Seyne, d'Hyères, de Toulon, et même de notre si paisible voisine, la ville d'Ollioules.
« Et, au-delà de tous ceux-ci, l'ensemble de nos fonctionnaires territoriaux, dont certains voudraient... quoi ? Qu'ils soient encore moins nombreux ? Encore moins bien payés ?
« Oui, sans doute faut-il réformer et moderniser nos services publics. Mais réformer pour renforcer et rendre plus efficaces, en misant sur l'humain. Pas pour affaiblir en régressant.
« Mesdames, Messieurs, à mes yeux, préserver tout cela, c'est tout simplement préserver en nous notre part d'humanité.
« C'est, au fond, le vœu que je formule.
« Et sur mon blog personnel, pour marquer la nouvelle année quelques jours avant qu'elle ne s'ouvre, je citais récemment cette formule à la fois sévère et savoureuse du pasteur américain Martin Luther King, qui nous enjoignait - je cite - d' "apprendre à vivre ensemble en tant que frères, sinon nous périrons ensemble en tant qu'idiots."
« Vivre ensemble en tant que frères... et sœurs... Eh bien oui, c'est de fraternité dont on parle. Et si je m’adresse aux vivants, je ne peux m'empêcher d'y associer la mémoire de fraternels, de bons, et de très attachants citoyens seynois que nous perdons, hélas, chaque année.
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