9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 03:34

photo-5.jpgMon discours à l'occasion de l'armistice du 8 mai 1945...

"Le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie déclenchait la Seconde Guerre mondiale en envahissant la Pologne. Deux jours plus tard, la France et la Grande-Bretagne s’engageaient dans ce conflit.

"Le Reich, encouragé par la faiblesse des démocraties, avait insolemment réarmé, développé des théories nationalistes, racistes, annexé des territoires en toute impunité et, enfin, franchi son Rubicon ne laissant plus le choix aux démocraties trop poltronnes.

"Ce furent alors la « drôle de guerre » ; l’évacuation de Dunkerque ; l’exode du nord du pays ; l’appel du 18 juin du général De Gaulle ; les pleins pouvoirs accordés à Pétain ; Pearl Harbour et l’entrée en guerre des Etats-Unis ; la création du Conseil National de la  Résistance en mai 1943 ; Jean Moulin, fédérateur des réseaux de résistance ; Stalingrad ; la France libre en Afrique, les deux débarquements de 1944, en juin en Normandie et en août en Provence.

"Et, après plus de cinq années de guerre, les 8 et 9 mai 1945, le Reich capitulait sans condition.

"Ça, c’est un rapide survol de quelques faits. Il n’est pas exhaustif, les professeurs complètent dans leurs leçons d’histoire.

"Maintenant, nous pouvons nous interroger, au-delà de la commémoration de la victoire des Alliés sur les forces de l’Axe et l’Allemagne nazie, sur ce que représente aujourd’hui ce 8 mai.

"Sans doute la victoire sur des idées monstrueuses de haine et de rejet.

"Sans doute l’avènement d’un projet national généreux élaboré par le Conseil National de la Résistance, appelé « Les jours heureux », qui a fondé nombre des acquis sociaux de la deuxième moitié du XXe siècle, et que certains veulent aujourd’hui, je les cite, « défaire méthodiquement ».

"Sans doute la réconciliation des peuples au sein de l’Europe. Une Europe aujourd’hui à la fois formidable parce que cette association libre de pays souverains est originale dans l’histoire du monde, et à la fois très en difficulté parce que trop centrée sur la seule économie et trop souvent oublieuse de ses réflexes solidaires imaginés voilà plus de cinq décennies par les Schuman, les De Gaulle et autres Adenauer.

"Car 68 ans ont passé et l’effroi des peuples, découvrant l’enfer des camps, la folie des hommes, l’exclusion terrible que portent les nationalismes étroits, l’effroi, oui, l’effroi retombe avec le temps.

"Il y a quelques semaines, un chroniqueur posait la question : Finirons-nous [avec les évènements sociaux et sociétaux que nous vivons] par entrer dans une séquence « préfasciste » ?

"Poser cette interrogation est en soi un signe… Il y aurait quelque chose d’empoisonné dans l’air que nous respirons. Ce quelque chose pourrait bien être le « vivre ensemble », et le poison le refus de celui-ci. L’antithèse étant le « vivre entre soi ».

"Certains, - ce ne sont pas, encore, heureusement, les plus nombreux - nourrissent leur haine de la haine de l’autre, et la figure diabolisée de cet autre finit par anéantir les efforts de coopération et d’intégration.

"La grande erreur, c’est de ne plus se battre POUR quelque chose, mais – avec acharnement – contre quelque autre. De façon anthropologique, le phénomène est bien connu : comme on ne peut pas vivre longtemps une telle situation d’hostilité, la solution est souvent trouvée dans la désignation d’un bouc émissaire. Je dis « souvent » parce que parfois l’alternative est encore plus radicale, c’est la guerre !

"Le bouc émissaire réconcilie tout le monde dans la commune détestation d’un pseudo-coupable. La guerre de 39 – 45 a désigné son bouc émissaire dès le début des années 30, le Juif, mais n’a pas pour autant évité la guerre.

"Quel sera le nouveau bouc émissaire ? Chacun a une idée ; attention à ce que ce ne soit pas simplement la pauvreté.

"Nous avons un libre arbitre, nous revendiquons notre liberté individuelle, sachons l’utiliser. N’oublions pas que la liberté – au nom de laquelle la Résistance s’est levée – est un commandement que l’on se donne à soi-même. Cette bonne intelligence est en celui qui… connaît ET reconnaît.

"Et la Connaissance n’a qu’une légitimité : c’est de mener à la sagesse. La connaissance de la vérité – cette transparence réclamée – implique la compréhension du monde, des situations, des complexités, une justice. L’intolérance que nous observons et qui gagne malheureusement les esprits ne véhicule jamais le bien, ni en politique ni en morale.

"Alors, oui, le 8 mai, devant vous, anciens combattants, porte-drapeaux, élus, corps constitués, citoyens, devant les enfants du collège, je rappelle que des hommes et des femmes que rien ne prédisposait à travailler ensemble, issus de partis politiques différents, de convictions religieuses exclusives, de racines sociales, culturelles, philosophiques diverses, parfois adversaires, ont su se rassembler sur des valeurs communes de solidarité, d’entraide, de préservation des libertés.

"Ils ont réfléchi sur l’éducation, sur le partage, l’économie, la santé, le transport, sur la conscience d’être un groupe qui avance ensemble.

"Oui, le 8 mai, nous célébrons la réconciliation, le partage, les échanges culturels. Je souhaite que ce soit l’œuvre de tous et de chacun. Il suffit d’en avoir la volonté individuelle.

"C’est pourquoi vous permettrez, pour finir, que je cite un poète allemand que vous connaissez tous, au moins par son nom, Johann Wolfgang von Goethe : « Il reste toujours assez de force à chacun pour accomplir ce dont il est convaincu ».

"Alors soyons convaincus que vivent l’Europe et le Monde de l’amitié entre les peuples, et que vive la France de la République."

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire