Ce mercredi, avait lieu comme chaque année l’hommage national aux Harkis et autres membres des formations supplétives. J’ai prononcé une allocution à cette occasion...
« Je vous disais l’an dernier que les harkis n’étaient ni des héros, ni des traîtres, mais des gens ordinaires. Et que, Français, ils ont cru l’être à part entière. Mais que ceux qui furent rapatriés en 1962 après l’indépendance de l’Algérie, ne furent pas les bienvenus. Ils ont séjourné dans des camps, des hameaux forestiers, des cités de transit qui ne leur ont pas permis une intégration convenable au sein de la société française. Et que cette situation a été vécue avec beaucoup d’amertume et de rancœur.
« Aujourd’hui, on ne peut se satisfaire d’incriminer la crise économique, le chômage, les insécurités locales et internationales, pour expliquer le regain du rejet de l’étranger. On ne peut ni s’en suffire, ni se résigner.
« En France pourrait renaître de ses cendres l’idéologie nauséabonde des années 1930, lorsque l’extrême-droite (la Cagoule, l’Action française) faisait le lit du nazisme, et préparait la défaite de la France, en utilisant la xénophobie et l’antisémitisme.
« Car ces thèmes courent à nouveau, de moins en moins à couvert : le visage de l’antisémitisme est aujourd’hui complété de celui de ce que certains appellent l’islamophobie, la propagande utilise les mêmes termes, les mêmes slogans, les mêmes obsessions : l’invasion des étrangers, la perte des repères chrétiens, la priorité à donner au « vrai » Français.
« Ces thèmes, ces obsessions, sont malheureusement exploités par une partie de la classe politique. Ce sont des arguments qui se nourrissent de mensonges et de peurs. C’est une idéologie de la pensée banale qui s’alimente aux instincts les plus bas.
« La question du multiculturalisme semble obséder ces personnes. C’est une question caduque. Nous vivons dans un monde de rencontres, de mélanges et de remise en cause. Les mélanges et les flux migratoires existent depuis que le Monde est Monde. La Seyne en est un exemple avec l’immigration des Italiens, des Polonais, des Chinois et Indochinois qui y ont fait souche, avec l’immigration tunisienne, algérienne, marocaine, ensuite, l’Afrique subsaharienne, l’est de l’Europe. Je vous renvoie volontiers vers le film et le catalogue que la ville et l’association Histoire et Patrimoine Seynois ont édité suite à l’exposition visuelle et sonore réalisée début 2013, « Nous, venus d’ailleurs, immigrer vivre et travailler à La Seyne-sur-Mer de 1945 à nos jours ».
« L’anthropologie a montré depuis longtemps que la migration, les mélanges, sont à l’origine de la race humaine moderne, l’homo sapiens sapiens : la seule race.
« Le multiculturel, tel qu’on le nomme en ce moment, n’est plus suffisant. Il fabrique des ghettos, isole les cultures et favorise le durcissement de leurs radicalismes.
« Le seul espoir que nous ayons n’est pas dans une nostalgie d’on ne sait quelle pureté originelle – complètement illusoire – mais dans l’ouverture vers l’interculturel. Rêver d’une identité nationale figée est un leurre. Dans la rencontre des cultures et des civilisations, chaque apport à son importance, et nous ne pouvons demander à personne de renoncer à la moindre part de son héritage. En organisant cette journée, nous montrons notre capacité à regarder sereinement l’avenir, à regarder l’histoire, dans tous ses aspects. Vous le savez, il ne peut y avoir d’humanité sans mémoire, sans l’oubli des douleurs mais dans l’atténuation des rancœurs.
« Nous souvenir doit nous ressouder, au-delà de la mémoire du drame des harkis et des rôles qu’ils ont joué avec les autres supplétifs, c’est le but de cet hommage rendu à toutes les victimes, à toutes les composantes de la population française.
« Ainsi, de toutes nos forces, nous lutterons contre la propagation du racisme et de la xénophobie. Pour nos enfants. Pour demain. »