Certains trouvent "ringarde" la multiplication des cérémonies commémoratives des grands faits et des grands hommes qui ont marqué l'histoire chaotique de notre XXè siècle. "La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas", chantait un grand monsieur libertaire à la mauvaise réputation...
Pour dire vrai, j'aurais eu un peu tendance à être de ceux-là qui, outre fredonnent cet air, ont aussi envie de le mettre en pratique. Mais, d'abord conscient des responsabilités qui incombent à ma charge, je me prête au jeu depuis ma première élection au conseil municipal, en 1993. Et puis je réalise au fil des ans combien, derrière le cérémonial, et au fil des jalons qui sont posés dans l'année par le rythme des célébrations patriotiques, il y a peut-être matière à se questionner sur ces valeurs de la Paix, de la République, dont l'universalité reste largement à parfaire, si l'on regarde ce qui se passe dans le Monde. Et chez nous.
C'est la présence des gamins du collège de mon quartier Berthe où j'ai exercé presque trente ans, chantant régulièrement La Marseillaise avec leurs profs au pied du Monument aux Morts, qui m'a fait réaliser que, peut-être, les mots récurrents, les symboles, les rituels républicains, pouvaient aider à la construction de valeurs qui, loin d'être passéistes, peuvent aider à conforter les efforts d'éducation citoyenne. Ça ne fait de mal à personne et, par les temps qui courent, avoir quelques références à celles et ceux qui ont marqué l'histoire récente par des faits qui nous permettent aujourd'hui de vivre en un espace libre du Monde, ça ne peut que nous encourager à tenter de le maintenir tel, voire à en promouvoir les valeurs là où elles font défaut...
C'est comme ça que j'ai pris part dimanche à la cérémonie en mémoire de Jean de Lattre de Tassigny, aux armées duquel La Seyne doit d'avoir été libérée de l'oppression nazie le 26 août 1944.
Monsieur Raymond Borla, président de l'association seynoise "Rhin et Danube", a détaillé la vie de cet homme marquée, comme celle de chacun d'entre nous, de bons et de moins bons côtés.
Quant à moi, j'ai tenté dans mon propos de faire acte de pédagogie et relier les faits historiques à quelques idées républicaines qui valent plus que jamais d'être défendues...
"Tout aura été dit sur le soldat d'exception que fut Jean de Lattre, et il est toujours difficile d'intervenir sur un tel homme sans lasser son auditoire par la redite.
"La République lui aura été reconnaissante en lui décernant, pour ses faits d'armes au cours de l'une ou l'autre des guerres où il s'est illustré, pas moins de 10 décorations prestigieuses. Ce qu'on sait moins, c'est que le maréchal a aussi été honoré comme civil et qu'il était aussi titulaire de la médaille d'or de l'éducation physique et de la médaille d'or de la santé publique.
"Et les autres nations du monde ont aussi su reconnaître en lui l'un des artisans déterminants de la Paix et de Liberté, ces biens de l'humanité qui devraient être universels. Et qui ne le sont toujours pas.
"Peu d'entre nous savent que Jean de Lattre fut aussi honoré des plus hautes distinctions de l'Argentine, de la Belgique, du Brésil, du Bénin, de Cambodge, du Chili, de Cuba, du Danemark, du Laos, du Maroc, du Mexique, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Pologne, du Royaume-Uni, de la Tchécoslovaquie, de la Tunisie, des Etats-Unis, de l'Union Soviétique.
"Et même, bien qu'il fut haut-commissaire et commandant en chef du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient de 1950 à sa mort, qu'il mit sur pied une armée nationale vietnamienne contre le Vietminh, et qu'il eut remporté trois victoires contre les hommes du général Giap, et même, donc, de la part du Vietnam qui se battait pour la liberté de son peuple et a néanmoins reconnu la valeur de l'homme en l'élevant à la dignité de Grand Croix de son ordre national.
"Il est bien normal que La Seyne, qui doit sa liberté aux troupes qu'il commandait, lui rende chaque année hommage, aux alentours de ce 11 janvier où sa vie s'est arrêtée il y a près de 60 ans.
"Car, sur quelque terrain d'action que ce soit, de Lattre a su jusqu'au bout faire rêver ses hommes, aussi disparates que furent ses armées, des soldats de la métropole aux troupes coloniales jusqu'aux Forces Françaises de l'Intérieur entre lesquels il avait réussi ce qu'on a appelé "l'amalgame", les faire rêver à la victoire de la volonté sur la fatalité en leur léguant la plus belle de ses devises : "Ne pas subir."
"Que la jeunesse contemporaine sache s'inspirer des gestes d'un tel homme. Et il avait lui-même pressenti l'importance de la mémoire pour que ne s'éteigne jamais le devoir de vigilance pour la Paix et la défense des valeurs de la République, en écrivant à ses hommes, à Berlin, le 9 mai 1945, au lendemain de la signature de la capitulation allemande : "Soldats vainqueurs, vos enfants apprendront la nouvelle épopée que vous doit la Patrie". Alors, nous aussi, souvenons-nous, et parlons-en inlassablement aux enfants de notre République."