Ce soir s'est tenu à La Seyne un rassemblement patriotique à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie. Le propos que j'ai prononcé à cette occasion...
"Le 19 mars 1962, à midi, prend officiellement effet un cessez-le-feu qui aurait dû mettre fin à huit ans de guerre en Algérie. La veille, à Évian, le gouvernement français a cédé au gouvernement provisoire de la république algérienne ses pouvoirs sur l'Algérie et le Sahara. Les Algériens prononceront l'indépendance officielle de leur pays le 4 juillet 1962. Les combats et les massacres vont se prolonger jusqu'à cette date, et le lendemain même, avec une violence redoublée. Les principales victimes des derniers massacres d’après le cessez-le-feu seront les Pieds-noirs et les harkis.
"La Nation avait décidé il y a quelques années d’associer, également, dans le même hommage, à une autre date, les victimes de cette guerre, soldats, appelés du contingent, rapatriés d'Afrique du Nord et les personnes disparues, les populations civiles, victimes de massacres ou d’exactions commis avant et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Evian, ainsi que les victimes civiles des combats de Tunisie et du Maroc.
"Elle - la Nation - a aujourd’hui souhaité que le jour officiel soit le jour du cessez-le-feu. Cela répond notamment à un vœu de la fédération des associations des anciens combattants d’Afrique du Nord, dont Jo Pentagrossa, notre adjoint aux finances et aux anciens combattants, fut l’un des fondateurs nationaux.
"Cela n’enlève rien, quel que soit le jour officiel, à l’importance du devoir de mémoire. Des hommes, des femmes, des familles, des enfants et des jeunes gens d’alors, cinquante et un ans après, gardent leurs âmes meurtries. Comme j’ai été présent à vos côtés depuis 5 ans les 19 mars et les 5 décembre, je le serai encore demain si les deux commémorations perdurent.
"Pour le gamin que j’étais à l’époque et l’homme que je suis aujourd’hui, maire d’une ville peut-être plus riche de ses diversités qu’aucune autre, et dussé-je blesser certains en disant cela, peu m’importent les dates. Ce qui est indispensable, c’est que, dans un Monde où les Hommes se déchirent encore aujourd’hui ici ou là, et en particulier sur les pourtours de notre Méditerranée, nous puissions avec solennité, chaque fois que possible, dire notre volonté de Paix, d’Humanité, et de respect des autres.
"Ce qui s’est passé sur ces terres d’Afrique du Nord, depuis 1830, a ouvert une blessure profonde dans l’Histoire de France. Beaucoup de femmes et d’hommes gardent au cœur le souvenir douloureux de ces années. Ceux qui combattirent autant que ceux qui furent arrachés à cette terre et conservent en eux le soleil de leur pays perdu et le regret de ceux qu’ils ont laissés là-bas.
"De 1952 à 1962, sur ces terres de lumière, plus de deux millions d’hommes ont servi sous les drapeaux. Plus de vingt mille y ont laissé la vie. Ils avaient vingt ans, ils crapahutaient sous le soleil qui brûle les djebels, dans les Aurès, en Kabylie ou ailleurs.
"A cet instant, nos pensées ne doivent pas s’arrêter sur l’acte de ceux - qui ne sont d’ailleurs pas d’ici et ne savent rien du respect mutuel que se témoignent les anciens combattants seynois, dans leurs diversités, au sein de leur comité de coordination - de ceux, donc, qui ont cru, samedi dernier, devoir faire acte de discorde en choisissant, pour dire leur regret du choix d’une date, une des rares communes de la région à commémorer avec une même ferveur, au début comme à la fin de l’hiver, la mémoire des victimes de ces heures douloureuses de notre histoire partagée.
"Nos pensées à tous vont, au contraire, j’en suis certain, dans un esprit républicain rassembleur, vers les victimes, de toutes origines et de toutes confessions, vers toutes les familles endeuillées et meurtries par ces années d’un long conflit entre des peuples qui avaient pourtant partagé tant d’épreuves, notamment en combattant côte à côte pour la liberté au cours des deux conflits mondiaux de 14 et de 39.
"A tous, anciens combattants, rapatriés, harkis, civils, je renouvelle l’expression de notre estime. La fraternité, c’est la compréhension, le respect, la solidarité. Nous le devons, pour l’idée que nous nous faisons de la communauté nationale. Nous le devons à ceux qui ont démontré leur attachement à notre pays républicain.
"Pour nos enfants, pour ceux qui n’ont pas vécu tout ça dans leurs âmes et dans leurs chairs, osons l’affirmer : Oui, vive la France républicaine. Et vive l’amitié entre les peuples, ici, et partout dans le Monde."