15 octobre 2024 2 15 /10 /octobre /2024 09:18

 

Depuis quelques jours, les analyses du projet de loi de finances de l'État pour l'an prochain se succèdent et on va de mauvaise surprise en grave inquiétude. Non seulement l'ensemble des collectivités locales vont "prendre cher", comme on dit, mais certaines vont "prendre beaucoup plus cher" encore, en particulier celles qui, plus que la moyenne, doivent apporter des réponses en accompagnement social à un pourcentage significatif d'habitants paupérisés.            

 

C'est le cas de La Seyne. Moi, si j'étais maire, ça m'exaspèrerait et me conduirait à mobiliser mes concitoyens et mêler ma voix aux protestations transpartisanes qui se font entendre pour tenter de faire reculer le gouvernement sur ses funestes intentions.

 

 

 Post-scriptum  : une information parvenue après la parution de ce billet minore l'impact évoqué trois alinéas plus bas à propos du “mécanisme de précaution”. La Seyne échappera à la mesure car, étant 137ème sur 860, elle se trouve dans les 250 premières communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine (DSU) qui en seront exonérées si la loi de finances est votée comme proposée par le gouvernement. Mais ça n'enlève rien à l'analyse générale.

 

 

Alors qu'ils ne sont pour rien dans le déficit public de la nation ( * ) puisque la loi les contraint à avoir des budgets en équilibre, les régions, départements, intercommunalités et communes vont voir les moyens que l'État leur alloue diminuer pour contribuer à la réduction du déséquilibre des comptes imposé à la France par les directives ultralibérales européennes. C'est déjà en soi un scandale qui conduira à la réduction de l'offre de service public local. Les associations nationales de collectivités, dont la puissante Association des Maires de France (AMF), ne mâchent d'ailleurs pas leurs mots. C'est d'autant plus consternant que, perdant des moyens, les territoires, qui assurent 70% de l'investissement public, vont en outre devoir réduire la voilure de leurs projets d'équipements et aménagements et fragiliser l'économie et l'emploi du bâtiment et des travaux publics.

 

Mais, pour une ville comme La Seyne, la situation qui résulterait d'un vote par le Parlement du budget de l'État tel que le lui soumet le gouvernement serait bien plus complexe encore que pour la moyenne des collectivités. Citons quelques exemples...

 

 

HOLD-UP GOUVERNEMENTAL SUR LES FINANCES COMMUNALES ET MÉTROPOLITAINES

 

La Seyne, avec un peu plus de 100 millions d'euros de budget de fonctionnement annuel, devrait être concernée par le sinistre “mécanisme de précaution” annoncé, qui consistera à confisquer 3 milliards d'euros de recettes aux collectivités dont le budget dépasse les 40 millions. Elle sera de plus impactée par le même mécanisme appliqué à la Métropole qui supporte la majorité des charges de centralité de l'aire toulonnaise. Celle-ci devra aussi "encaisser" (façon de parler !...) sa part de la réduction de 800 millions d'euros du fonds de compensation de la TVA, remboursement dû aux collectivités, qui va déséquilibrer a posteriori les plans de financement, alors que les investissements ont déjà été engagés. Ça va être chaud pour les programmes métropolitains annoncés pour La Seyne tels que la réfection de la Corniche de Tamaris ou les aménagements et équipements du plan de rénovation urbaine du centre-ville. Et est-ce que ça ne va pas remettre en cause les rares projets communaux déjà trop largement différés comme la nouvelle école Mabily-Verne ? Face à ce hold-up gouvernemental, on ne dit rien ?

 

 

COUP DE RABOT DE L'ÉTAT SUR L'ÉCOLOGIE CONCRÈTE ET SOCIALE DE PROXIMITÉ

 

La Seyne, grâce à la pression des élus de tous bords politiques des villes ayant des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) réunis au sein de l'Association des maires Ville & Banlieue de France, pouvait espérer mobiliser sa part du "fonds vert" pour la réalisation d'équipements écologiques dans le cadre de son programme de rénovation du centre ancien. Il avait en effet été obtenu de haute lutte que 15% de ce financement d'État soit consacré aux quartiers urbains vulnérables pour que ceux-ci ne soient pas les oubliés des « enjeux de la planification écologique », selon les propres termes du ministère concerné. Or voilà que le projet de loi de finances prévoit que le "fonds vert", annoncé en grande pompe par le gouvernement de Mme Borne en 2022, aura son enveloppe amputée de 60%, passant de 2,5 milliards d’euros à 1 milliard ( ** ). Face à ce coup de rabot sur l’écologie concrète et sociale de proximité, on ne dit rien ?

 

 

COUPE BUDGÉTAIRE DRASTIQUE SUR L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL

 

La Seyne, pour ses deux quartiers populaires, le cœur historique et Berthe, bénéficie d'un "contrat de ville" piloté par la métropole toulonnaise. C'est un dispositif permettant de financer des initiatives pour la réussite scolaire, des lieux de vie et associations de proximité menant des actions de prévention naturelle, des aides à l'insertion vers l'emploi, de l'appui aux familles monoparentales, aux femmes, aux anciens, aux jeunes, ou encore les dispositifs de découverte sportive, culturelle, scientifique ou environnementale. Décision rarissime et à la portée symbolique désastreuse, non seulement aucun intitulé ministériel ne mentionne la Ville, comme je le déplorais il y a quelques semaines dans un billet de ce blog, mais les inquiétudes de cette absence, manifestement voulue pour plaire à l'extrême-droite qui mène M. Barnier par le bout du nez, étaient fondées et se confirment avec une baisse massive des crédits dédiés à ces mesures indispensables. Ce sont 90 millions d'euros qui passent à la trappe, soit une baisse de l'ordre de 15% ( *** ). Face à cette coupe drastique sur un outil de compensation des inégalités, on ne dit rien ?

 

 

SAIGNÉE À BLANC SUR LES COTISATIONS DE RETRAITES DES AGENTS TERRITORIAUX

 

La Seyne, parce qu'elle est historiquement attachée au service public local et parce que sa population, la plus pauvre du Var, en a plus besoin que d'autres, dispose de services municipaux plus nombreux et plus développés qu'ailleurs où on a plutôt recours à des achats de services au privé. On a donc un effectif de fonctionnaires territoriaux plus important que la moyenne des communes de même strate démographique. Or voilà que le gouvernement prévoit, dans son projet de loi de finances de la sécurité sociale, une augmentation des cotisations patronales de la caisse de retraite des agents comunaux (CNRACL) étalée sur trois ans, ce qui infligera un surcoût de 5 milliards d'euros aux collectivités locales et au secteur hospitalier ( **** ). Pour notre commune, cet effort imposé d'environ 4 points supplémentaires par an sur le taux de cotisation devrait occasionner un surcoût annuel de l'ordre de 1,2 million d'euros ( ***** ). Face à cette saignée à blanc sur la capacité communale à assurer un service public efficient, on ne dit rien ?

 

 

VOLONTÉ COMBATIVE OU NON ASSISTANCE À ADMINISTRÉS EN DANGER ?

 

Et, bien sûr, à ces situations spécifiques à un territoire comme La Seyne, s'ajouteront toutes les misères que le projet de loi de finances 2025 promet à l'ensemble des communes. Quand on subit une agression, on se doit de réagir. On ne gagne pas toujours, mais les seules batailles perdues d'avance sont celles qu'on refuse de livrer. Nous ne le savons que trop à La Seyne, avec certes des fins malheureuses malgré les luttes, telles celles de nos chantiers navals ou de notre maternité, mais aussi avec des succès grâce aux combats pugnaces engagés qui ont permis au territoire de décrocher des moyens significatifs comme ceux obtenus pour l'accroissement des effectifs de notre commissariat avec nos labellisations de "zone de sécurité prioritaire" puis de "quartiers de reconquête républicaine", pour l'accompagnement des enfants et de leurs familles avec notre "cité éducative", pour la préservation de notre patrimoine naturel avec la classification du Domaine de Fabrégas au titre du "conservatoire du littoral", pour ne citer que quelques victoires obtenues, parfois avec difficulté, au cours du précédent mandat municipal.

 

Sauf à espérer l'attendrissement d'un riche monarque d'un État fortuné, comme celui d'une principauté voisine récemment accueilli par notre maire à Tamaris, dont on peut toujours rêver qu'il vienne au secours des finances de la commune, mieux vaut compter sur la combativité, en mobilisant si besoin la population, pour ne pas courir le risque de se voir accuser de non assistance à administrés en danger.

 

 

( * ) : la dette française atteint 110% du produit intérieur brut (PIB) en 2024, celle des collectivités locales représente moins de 9%, une part stable depuis... 1982 !

( ** ) :  début 2024, le gouvernement Attal avait déjà retiré 400 millions d’euros de ce fonds...

( *** ) : M. Barnier n'a fait que suivre la trace de M. Attal qui avait déjà prévu cette baisse dans ses "lettres plafond" de préparation du budget.

( **** ) : C'est proprement scandaleux car, si le déficit de la CNRACL est dû pour partie aux emplois de contractuels de plus en plus nombreux que l'État incite à employer au détriment de fonctionnaires statutaires et qui ne cotisent pas, il l'est aussi parce que ce même État impose depuis 50 ans à la CNRACL des transferts financiers destinés à combler les déficits d'autres caisses de retraite.

( ***** ) : avec une cotisation retraite portée de 31,65 à 35,65 %, on passerait de 9,45 millions d'euros (données du compte 6453 du budget primitif 2024 de La Seyne) à 10,70 millions.

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Publié par Marc Vuillemot - dans Finances - budget et impôts