Ce coup-là, il fallait oser. Condamner à mort un service public, exécuter la sentence, être contraint à le ressusciter, du moins en partie, devant la pression populaire, politique, syndicale, et l'incitation de l'État, puis avoir le front d'inviter à son inauguration, en ayant juste changé son nom, comme si on était à l'initiative de la création d'un nouvel outil en faveur des usagers, tout ça révèle un grand art de l'illusionnisme...
On s'est habitué à la récupération à son propre profit politicien par la maire de La Seyne de ce que d'autres font pour notre ville, comme la Métropole ou d'autres collectivités, mais aussi des acteurs économiques, des associations, ou encore l'Université de Lyon (pour l'Institut Michel-Pacha). On s'est résigné à voir la municipalité faire main basse sur ce que d'autres ont réalisé avant elle, donnant à croire par une impressionnante communication qu'elle en est l'artisane. On s'est aussi accoutumé aux effets de passe-passe consistant, par exemple, à annoncer la création de services nouveaux, telles les nombreuses "brigades" en tous genres dont la presse se fait régulièrement l'écho, alors que, par de nouvelles dénominations de services et des jeux de chaises musicales des agents communaux, on ne fait que mettre en exergue des missions qui existent déjà depuis des lustres.
ACTE 1 : ON CONDAMNE À MORT
Mais il y a désormais plus fort. On se souvient que la maire de La Seyne a confié à son adjoint chargé de la politique de la ville le soin de fermer la Maison des Services Publics qui, depuis 1999, était indispensable à ses quelques 44.000 usagers de tout l'Ouest Var (à moins que cet adjoint en ait pris lui-même l'initiative). Alors que partout ailleurs naissent ce qu'on appelle désormais des "Maisons France Services", La Seyne s'est singularisée en supprimant un tel outil, le plus important du Var par le nombre de ses bénéficiaires, rodé depuis un quart de siècle, dont la performance était citée en exemple par l'État et louée par la presse spécialisée.
C'était sans compter sur les mobilisations des usagers, de partenaires sociaux, des élus et formations politiques des gauches et de l'écologie, des personnels eux-mêmes, et le désaveu de l'État qui, tout en démantelant avec méthode l'ensemble des services publics, incite les territoires à maintenir une présence de certains de ceux-ci au sein de Maisons France Services, fût-elle seulement numérique, au plus près des habitants, notamment dans les campagnes et les quartiers urbains fragiles, dont notre quartier Berthe. On pourra se remémorer les enjeux et mobilisations en cliquant ICI, ICI ou encore ICI
ACTE 2 : ON COMMUE LA CONDAMNATION EN BANNISSEMENT
La maire et son adjoint ont dû reculer. Arguant d'une soi-disant nécessité de disposer de locaux mieux adaptés, de la perspective – non confirmée par l'office d'HLM Toulon Habitat Méditerranée, propriétaire des espaces – d'une dénonciation de bail, et autres arguments tirés par les cheveux, voilà ressuscitée la Maison des Services Publics, certes en un lieu différent. On aurait pu s'en tenir là, même si n'est pas – pas encore – résolue la question de certains personnels injustement licenciés sur laquelle les syndicalistes qui les accompagnent ont bien raison de ne rien lâcher. La maire et son adjoint auraient fait le dos rond, les acteurs des mobilisations pour le sauvetage n'auraient pas spécialement crié victoire, et l'État, neutre comme il se doit, n'aurait rien commenté.
ACTE 3 : ON ARROSE LA RENAISSANCE DU RESSUSCITÉ
C'était sans compter avec le besoin irrépressible de communiquer à tout va qui anime la municipalité, même sur un non-événement. Voilà qu'on va inaugurer ce qu'on a voulu démolir. Et juste en changeant son nom, la Maison des services publics devenant l'Agora des services. C'est jouer de la crédulité supposée des Seynoises et Seynois dont on postule qu'ils goberont qu'on a créé de toutes pièces un nouveau dispositif à leur service. Mais ce n'est pas très malin. Ça l'est d'autant moins que le carton d'invitation à l'inauguration de ce faux nouvel outil est adressé non seulement au nom du Conseil municipal (propriété de la maire, si l'on en croit l'utilisation de l'adjectif possessif "son"), mais aussi du président du Conseil départemental du Var, celui-là même qui a été désigné par la Ville comme la cause de la fermeture de l'historique Maison des Services Publics, ayant dénoncé la convention qui le liait depuis vingt-cinq ans à la Commune pour faire vivre cet espace indispensable.
Là, on a atteint le sommet du Grand Guignol et de la supercherie politicienne organisée. C'est bien triste. Mais heureusement que l'orthographe de l'invitation prête un peu à sourire en trahissant l'amateurisme de ces élus charlatans farceurs municipaux et départementaux, persuadés, à les lire, que le terme "Agora" est un substantif masculin.