Quel point commun y a-t-il entre l'une des communes les plus septentrionales du Var, le petit village de Trigance, et la plupart des quartiers populaires urbains du département, dont le plus méridional d'entre eux, le quartier Berthe à La Seyne ?
A priori, pas grand chose, si ce n'est que leurs habitants y ont placé les candidats du Nouveau Front Populaire en tête de leurs votes. Et significativement.
Ça vaut donc le coup d'analyser un peu dans le détail les choix des Seynoises et des Seynois...
Sauf erreur de ma part, seules deux des 153 communes varoises ont placé en tête des votes un candidat autre qu'un du parti fondé par d'anciens collaborationnistes de 39-45 et des Waffen-SS français : Rayol-Canadel-sur-Mer (Mme Mauborgne, macroniste, 45%) et Trigance (Mme Breffy, Nouveau Front Populaire, 54%). Ça n'est pas très glorieux pour les habitants d'un terroir qu'on appelait jadis « le Var rouge ». Mais il est d'autres lieux qui sont des poches de résistance sur lesquels les démocrates doivent compter...
Si l'on regarde les résultats des bureaux de vote dont les électeurs sont exclusivement ou très majoritairement des habitants des sites urbains d'habitat social, par exemple à Fréjus, Toulon ou La Seyne, on doit faire plusieurs constats qui constituent autant de points d'appui pour une résistance qui a commencé au soir du premier tour.
UNE MOBILISATION DÉMOCRATIQUE SPECTACULAIRE
Premier enseignement, les électrices et électeurs y ont beaucoup plus voté que lors des précédents scrutins. Il y a longtemps qu'on n'avait pas vu 39% de votants à La Gabelle (Fréjus), 48% à La Beaucaire (Toulon), 49% à Pontcarral (Toulon), 54% à Sainte-Musse (Toulon), 48% à Berthe (La Seyne), dont 56% en moyenne dans les trois bureaux où sont quasi uniquement inscrits des résidents des cités HLM. C'est encore loin des 66% de votants du Var, mais c'est environ une participation doublée par rapport aux législatives de 2022.
On le doit bien sûr à l'action remarquable d'éducation populaire des militants et sympathisants des partis les plus à gauche du Nouveau Front Populaire que le macronisme, les droites et l'extrême droite n'ont eu de cesse de stigmatiser, caricaturer et scandaleusement mettre au ban de « l'arc républicain ». Pour des soi-disant "parias", c'est une belle œuvre d'élévation des consciences citoyennes.
On le doit aussi aux acteurs du travail social, téméraires professionnels et bénévoles, animateurs, éducateurs sportifs, enseignants, médiateurs culturels, qui ont eu le courage de sortir de la réserve à laquelle ils s'astreignent habituellement par déontologie et éthique professionnelles et par crainte de représailles de leurs hiérarchies ou des pouvoirs politiques locaux qui, par leurs subventions, assurent la survie de leurs missions si essentielles. Ils l'ont fait pour la République, il ne faudra pas l'oublier.
LES PLUS HUMBLES FONT CONFIANCE AUX GAUCHES ET ÉCOLOGISTES LORSQU'ILS SONT UNIS AUTOUR D'UN PROJET PARTAGÉ
Deuxième enseignement, les électrices et électeurs des quartiers populaires urbains ont très majoritairement voté pour les candidats du Nouveau Front Populaire : 83% à La Gabelle, 41% à Sainte-Musse, 57% à La Beaucaire, 50% à Pontcarral, 52% à Berthe, dont 64% en moyenne dans les trois bureaux où les inscrits sont presque tous des résidents des cités HLM, et même 75% au Messidor.
Un rapide calcul montre que, si la participation dans les ensembles d'habitat social du nord de La Seyne avait été la même que celle de la circonscription (66,6%) et les répartitions des votes identiques, l'impact sur l'ensemble de la circonscription aurait été significatif, car c'est Claudie Cartereau, candidate écologiste du Nouveau Front Populaire, que j'accompagnais comme candidat remplaçant, qui serait qualifiée pour le second tour pour affronter le candidat du Rassemblement National. Mais, avec des "si"...
Je me garderai de conclusions hâtives, mais ça encourage à considérer que les victimes les plus blessées par les politiques ultralibérales que mènent les gouvernements et certaines collectivités locales depuis des années font confiance, en vue d'une vie meilleure, aux gauches et à l'écologie, lorsque celles-ci s'entendent, unies sur un projet partagé.
Ce sont nos quartiers fragiles qui pourraient bien contribuer utilement à sauver la démocratie républicaine. Ça non plus, il ne faudra pas l'oublier. Ni les gens qui craignent pour le modèle social français, ni les institutions qui pourraient bien être bientôt ébranlées...