Ce sera toujours la faute des autres. Les abstentionnistes, la gauche, la droite, le mode de scrutin, le parachutage, la dissidence, la tactique, les coups de billard à mille bandes, les mauvais entourages, les crocs-en-jambe entre copains qui se veulent du bien, les jeunes, les pauvres, la canicule, la fête des pères, et le reste, tout peut y passer pour expliquer l'élection d'un député d'extrême-droite dans l'Ouest Var.
C'est sûrement surtout le triple facteur du rejet de l'arrogante politique ultralibérale de M. Macron ne pouvant, pour certains électeurs, s'exercer, du fait de nos institutions, que par le vote en faveur de l'unique candidat adverse, de l'impact du déficit, depuis des décennies, d'éducation à la citoyenneté, aggravé par le choix délibéré de M. Macron de ne pas faire campagne projet contre projet, voire pas campagne du tout, et du mensonge éhonté de Mme Le Pen qui, sur la retraite, le pouvoir d'achat, les libertés ou les services publics, a vendu un projet strictement contraire aux orientations de son camp qui sont aussi libérales que celles de M. Macron, l'exclusion en plus. Tous ingrédients qui, mélangés et montés en émulsion, font dangereusement vaciller la démocratie.
Tout ça est vrai en bien des endroits du pays et de notre région. Mais, si l'on entre dans le détail de l'élection dans notre circonscription des cinq communes de l'Ouest Var (Bandol, Saint-Mandrier, Sanary, La Seyne et Six-Fours), c'est encore plus évident.
L'ABSTENTION, UN ACTE PEUT-ÊTRE PAS SI INVOLONTAIRE
Le taux d'abstention du second tour (56,5 %) y est plus important que dans le Var (55,1 %) et le pays (53,8 %). À La Seyne, il atteint même 60,3 %, avec des taux record dans nos quartiers populaires vulnérables (68,8 % en centre ville et 83,3 % à Berthe). L'accroissement de l'abstention entre les deux tours (+ 4,8 %) dans notre commune, qui est celle au plus fort taux de pauvreté et au plus faible potentiel fiscal, est tout de même significatif d'un acte volontaire des couches populaires et classes moyennes, marquant leur décision de ne pas choisir entre la candidate incarnant le macronisme et celui d'extrême-droite. On les comprend. Et c'est d'autant plus vrai dans nos quartiers fragiles où cette augmentation de l'abstention entre les deux tours est presque le double du reste de la ville (+ 8,3 %, dont + 6,6 % au centre ville et + 9,4 % à Berthe, là où résident les plus humbles de nos concitoyens).
LE VOTE BLANC ET NUL, PEUT-ÊTRE PAS SI INVOLONTAIRE NON PLUS
Ceux qui, malgré tout, ont fait effort de se déplacer sont aussi significativement plus nombreux à avoir opté pour un vote blanc ou nul entre le premier et le second tour, manifestant également leur rejet à la fois du libéralisme macronien et du libéralisme totalitaire. Avec la 1ère circonscription de Toulon, la nôtre est celle du Var où le nombre de "votants sans choix" croît le plus entre le 12 et le 19 juin (multiplié par 2,8). Là encore, il faut y voir le même acte politique que pour l'abstention. C'est corroboré par le résultat de La Seyne, commune de la circonscription qui est celle dont les habitants votent traditionnellement le plus à gauche et n'avaient plus de candidat au second tour, où c'est même 3,01 fois plus de "votes sans choix" qu'au premier tour qui ont été émis.
UN ACTE DE REJET, FÛT-IL DANGEREUX, DE LA POLITIQUE MORTIFÈRE DE L'ÉTAT LIBÉRAL
Dans la circonscription, l'extrême-droite progresse de 9,5 % entre les deux tours (+ 4077 voix), bien moins que dans le Var (+ 16,5 %), mais elle accroît son score de + 27,2 % à La Seyne (+ 1874 voix), et même de + 44,1 % dans les quartiers vulnérables (+ 37,3 % au centre ancien et + 51 % à Berthe). C'est assurément là un indicateur d'un très grave rejet de la politique du gouvernement, les (rares) votants de nos sites paupérisés, se sentant abandonnés par la puissance publique, ayant saisi le seul bulletin à leur disposition, au risque de se brûler, pour exiger un coup d'arrêt des inégalités.
La candidate macroniste, pourtant issue de la gauche et se revendiquant toujours social-démocrate, n'a enfin pas bénéficié d'un report de voix de l'ensemble des électeurs des gauches, de l'écologie, mais pas plus de ceux de la droite républicaine et des "sans étiquette". On observe sur l'ensemble de la circonscription une déperdition significative de – 16,7 % des suffrages (– 7145 voix) entre l'ensemble des votes du premier tour pour des candidats autres que ceux de l'extrême-droite et son score du second. Mais cette perte de voix de "front républicain" est double à La Seyne (– 3805 voix, soit – 32,3 %). Elle atteint même – 42,6 % dans les quartiers populaires (– 46,1 % au centre-ville et – 40,7 % à Berthe). Malgré les appels plus ou moins explicites à voter contre l'extrême-droite, dont le mien, que certains, à tort ou à raison, m'ont reproché, la détresse est telle que... trop, c'est trop.
HEUREUSEMENT, UN ÉCLAT D'ESPOIR DANS LE PAYS
C'est un cataclysme démocratique que nous vivons sur notre territoire et en particulier sur notre commune. Il ne sert à rien de se dire « si on avait fait comme ci », « si on n'avait pas opté pour ça » et « si, si, si... », et de chercher des causes tactiques localo-locales. Depuis quelques années, élection après élection, nos concitoyens envoient des signaux d'alerte. Leurs choix attestent qu'il ne sont finalement pas si « dépolitisés » que certains voudraient le laisser croire. Ils ont commis de vrais actes politiques tangibles, certes très périlleux pour eux-mêmes, pour dire non au capitalisme.
Dans beaucoup d'endroits du pays, heureusement, ils se sont saisis de l'offre d'alternance de l'unité des gauches et de l'écologie. C'est très bien. Les ultra-libéraux n'ont qu'à bien se tenir. La lutte démocratique ne fait que commencer. Et, s'il leur venait à l'idée de tenter de mettre en œuvre leurs projets mortifères pour notre peuple, ils auront fort à faire entre l'opposition écologique et sociale de l'Assemblée et la voix de la rue. La conscience populaire est avivée. Mèfi !
LA SEYNE RATERA-T-ELLE LE TRAIN DE L'ESPÉRANCE ?
La droite républicaine fera ce qu'elle voudra (chez nous, elle semble avoir d'autres chats à fouetter...). Mais, dans le camp des écolos, des gauches et des humanistes, il faudrait peut-être que, chez nous, et à La Seyne en particulier, l'heure ne soit pas aux règlements de comptes, mais que, conjuguant les forces politiques aux forces sociales, syndicales qui mènent les mêmes combats, associatives qui seraient peut-être bien inspirées de sortir d'une certaine réserve qu'elles s'imposent, et même économiques au regard de leur responsabilité sociétale, dans un élan d'éducation populaire, notamment des jeunes et des plus démunis, on ne rate pas le train vers un avenir plus heureux.
Avec peut-être à la clef un futur vers une VIème République plus démocratique et donc plus mobilisatrice.