Je comprends bien sûr les réticences que peuvent avoir des partis républicains de droite comme de gauche dont les candidats ont été éliminés au premier tour d'une élection à inviter leurs électeurs à faire tel ou tel choix pour le second. Il est vrai qu'on entend beaucoup dire que les citoyens n'ont pas besoin qu'on les guide. Et qu'on ne peut pas effacer de la tête des stratèges politiques les perspectives à long terme qui pourraient souffrir de telle position avancée.
Sauf qu'il ne se passe pas une élection sans que nombre de mes concitoyens me demandent pour qui voter et, surtout, qu'il est des circonstances où l'analyse tactique en forme de billard à trois bandes me semble devoir être laissée de côté...
Ça a toujours été ma posture lorsque le danger existe de l'élection d'un candidat d'extrême-droite.
EST-CE SUFFISANT DE DIRE NON AU FASCISME ?
Contrairement à d'autres, et parfois à l'encontre de mon propre parti, j'ai toujours explicitement appelé à voter pour le candidat du camp de la démocratie et de la république, fût-il mon adversaire d'hier et de demain, en position de faire obstacle au choix d'une personne se réclamant d'une idéologie fasciste.
Moins le RN aura de députés et mieux ce sera. Si notre 7ème circonscription de l'Ouest-Var pouvait contribuer à éviter que l'extrême-droite dispose d'un nombre suffisant de parlementaires pour constituer un groupe à l'Assemblée Nationale, donc de moyens significatifs pour pousser ses idées nauséabondes, elle aurait rempli sa mission. En outre, une légitimité accrue conférée aux militants néofascistes dans un territoire peut laisser augurer de bien mauvaises surprises pour d'autres échéances locales, surtout quand les gauches y sont affaiblies par des choix discutables et les droites républicaines s'y déchirent. Suivez mon regard...
MOI, J'ASSUME D'INVITER À VOTER POUR UNE CANDIDATE QUI, A PRIORI, RÉPRIMERA MOINS DUREMENT QUE LES FASCISTES LORSQUE JE MANIFESTERAI CONTRE LA POLITIQUE NÉFASTE DE L'ÉTAT QU'ELLE SOUTIENT
J'ai donc communiqué mon analyse et ma position d'ancien maire dès dimanche soir (les renvois numérotés en bas d'article n'ont pas été publiés, mais permettent d'expliquer mes réflexions)...
« Le résultat du scrutin du premier tour des élections législatives dans l’Ouest Var était prévisible.
« À gauche, alors que l’unité prévaut dans les conseils municipaux de nos communes et que l’Union populaire a été saluée par son électorat, des instances de certains partis n’ont rien trouvé de plus malin qu’adouber une candidate qui, élue communale de La Seyne, a fait scission d’avec le groupe municipal d’union des gauches et de l’écologie, a voté les budgets de la droite locale, et n’a promu que du bout des lèvres le projet de la NUPES ( 1 )...
« Cela a inévitablement entrainé une regrettable mais compréhensible candidature concurrente d’une autre élue seynoise du groupe unitaire des gauches et de l’écologie.
« Le résultat est, comme c’était à craindre, très décevant, y compris à La Seyne ( 2 ). Beaucoup d’électeurs décontenancés, dont ceux des quartiers populaires, ne sont pas allés voter ( 3 ). La gauche ne sera pas présente au second tour.
« Le candidat de la droite républicaine, ancré dans le terroir et connu pour son sérieux, mais peu et mal soutenu par ses propres « amis » divisés de La Seyne, plus grande commune de la circonscription, subit aussi un revers.
« Et l’extrême-droite réalise un score effrayant pour la démocratie.
« Face au danger de haine et d’exclusion que représente le Rassemblement National, on ne peut s’accommoder d’un non-choix ou d’une orientation floue pour le second tour. Même si on exècre l’arrogante politique antisociale de M. Macron, il est nécessaire de voter pour Cécile Muschotti, seule rescapée du camp républicain. Une fois à l’Assemblée Nationale, elle ne devra toutefois pas oublier que les classes populaires et moyennes de l’Ouest Var auront contribué à son élection, et que, Seynoise et ancienne élue d’une équipe de gauche ( 4 ), elle porte en elle le caractère rebelle de ses concitoyens qui lui commandera de contester la politique gouvernementale chaque fois qu’elle sera néfaste au peuple ( 5 ). »
NOTES EXPLICATIVES DES RÉFLEXIONS DE MON COMMUNIQUÉ
( 1 ) : Il ne faut bien sûr blâmer personne, mais, si la profession de foi de la candidate reprend les grands thèmes du beau projet de la NUPES, pourquoi ne l'a-t-elle pas défendu avec plus d'ardeur auprès des populations des classes populaires et moyennes qui ont placé leurs espoirs dans la dynamique résultant de l'élection présidentielle et, du coup, ne se sont pas déplacés pour voter ? Comment, par exemple, expliquer son « oui » en réponse, lors d’un débat sur France 3, à un représentant d'un syndicat de policiers qui sollicitait son accord sur l’instauration pour les forces de l'ordre d’une « présomption de légitime défense » ? Surtout que, recevant Zemmour dans le cadre de l'élection présidentielle, l'assistance composée de membres de ce syndicat a applaudi lorsque le candidat d'extrême-droite a affirmé vouloir mobiliser les policiers dans un « combat de civilisation » contre les banlieues qui seraient des « enclaves étrangères » abritant « une autre civilisation avec laquelle on ne peut pas coexister pacifiquement »...
( 2 ) : Aux législatives de 2017, avec 3.000 votants de moins que ce dimanche, les candidats des gauches et écologistes recueillaient à La Seyne plus de voix que la candidate NUPES n'en a obtenues cette fois-ci. L'effet "unité", évident et encourageant partout ailleurs dans le pays, n'a pas existé chez nous. Et, tandis qu'aux élections présidentielles d'il y a quelques semaines les candidats des gauches et de l'écologie totalisaient à La Seyne 30% des suffrages, les candidates aux législatives n'en ont recueilli que 23 % ce dimanche, dont seulement 20 % pour la candidate officielle de l'union. Dix points de moins. Qu'on ne me raconte pas qu'il n'y a pas eu un problème de "casting"...
( 3 ) : Il suffit de comparer les taux de participation au scrutin dans les bureaux de vote des résidents des deux "quartiers populaires vulnérables" seynois (Berthe et le centre-ville) entre la présidentielle et la législative : 60 % en avril contre 25 % ce dimanche. Les votes s'en sont ressentis. Mélenchon y avait obtenu 44 % (dont 60 % à Berthe) et l'ensemble des candidats des gauches et écologistes 49 % (dont 64 % à Berthe). La candidate NUPES n'a recueilli dimanche que 28 % des voix, et l'ensemble des candidats des gauches seulement 35 % (et encore grâce aux scores très honorables de la candidate "dissidente" socialiste qui obtient 7 % des voix, et même 11% à Berthe). Ces données corroborent bien l'idée que les quartiers populaires attendaient un candidat clairement à gauche et effectivement reconnu comme unitaire.
( 4 ) : C. Muschotti, Seynoise depuis sa naissance, a été en 2008 conseillère municipale dans l'équipe majoritaire "La Seyne dans le bon sens" d'union des gauches et de l'écologie que j'animais alors. Elle ne peut pas avoir complètement renié les valeurs qui ont guidé, très jeune, son engagement politique...
( 5 ) : Si elle est élue, elle sera notamment attendue chez nous, outre sur les sujets nationaux des salaires, des retraites, de l'éducation, de la santé, des services publics, sur des enjeux localement essentiels : l'accès au logement pour tous et le rôle de l'État pour imposer de l'habitat social, le devenir de CNIM lamentablement géré par l'État et les politiques locaux et le maintien de l'industrie, les transports, ou la rénovation urbaine et l'accompagnement social des quartiers fragiles. Il faudra, lorsque ce sera nécessaire, qu'elle ose dire « non » au président de la République et à ses collègues « renaissants ». Et il y aura hélas maintes occasions que je ne manquerai pas de lui rappeler.