Comme calque du castillan “Reconquista”, désignant « la reprise sur les Maures des terres espagnoles perdues par les chrétiens », il semble que le terme français de “Reconquête”, avec une majuscule, est attesté pour la première fois en 1908 dans le “Tableau de la géographie de la France” de l'historien et géographe Paul Vidal de La Blache.
Ça semble avoir donné des idées à d'autres. Le quotidien “Libération” dresse un parallèle entre cette période de sept à huit siècles de l'histoire de l'Espagne et le répugnant projet d'un candidat d'extrême-droite à l'élection présidentielle qui crée un parti appelé... “Reconquête !”.
Heureusement, pour contrer cette funeste perspective de "Reconquista“, deux des cinq candidats de gauche et de l'écologie viennent de proposer aux autres de s'atteler à une "Remontada“ commune par une unité de projet...
LA SÉMANTIQUE DE LA RECONQUISTA CONTRE LE SENS DE LA RÉPUBLIQUE
En sous-titrant ainsi son article : « Le nom dévoilé dimanche par le candidat d’extrême droite pour son parti politique s’inspire directement de la “Reconquista”, cette période historique qui, du VIIIe au XVe siècle chez nos voisins, marque l’expulsion de la péninsule ibérique des juifs et des musulmans... », puis en détaillant des éléments d'histoire, le journal Libération expose que le candidat en question a bien en tête ce qu'il n'hésite d'ailleurs pas à affirmer : lui Président – puissent la providence et les électeurs nous en préserver ! –, il entend bien mettre à mal les fondements égalitaires, fraternels, de liberté et de laïcité, qui caractérisent notre modèle républicain en menant la vie dure à des boucs émissaires.
Et ils sont au moins cinq candidats déclarés à promouvoir, peu ou prou, plus ou moins explicites ou masqués, les mêmes orientations : Dupont-Aignan (Debout La France), Le Pen (Rassemblement National), Martinez (Volontaires pour la France), Philippot (Les Patriotes) et désormais Zemmour (Reconquête !).
Et, si j'écris « au moins », c'est que, ainsi que je le racontais dans un récent article, le virage à droite toute du principal mouvement de la droite républicaine, Les Républicains, n'est pas moins inquiétant. Les Ciotti et autres Peltier, ancien du Front National, ne se contentent pas de ce que leur candidate à la présidentielle a déjà annoncé : suppression de 200.000 fonctionnaires, report de l'âge de la retraite, fin des 35 heures, diminution des allocations-chômage, sans compter ce qui pourrait ressurgir après ses prises de position et ses actes sur d'autres sujets (proposition de l'établissement d'un "concordat avec l'islam“ supposant une remise en cause de la loi de séparation des cultes et de l'État, participation à la Manif pour tous, demande d'un dépistage obligatoire du cannabis dans les lycées, souhait d'exclusion des aides sociales des personnes vivant en France depuis moins de cinq ans, etc.).
Ça fait beaucoup, dans l'esprit de la "Reconquista"...
LA RECONQUISTA À DÉFAUT DE SIGNIFIANT CRÉDIBLE D'UNE REMONTADA ?
C'est à croire que cette droite qui se "surdroitise“ considère que les Marcheurs n'en font pas assez pour satisfaire les appétits des capitalistes financiers, dont les humains et leur planète font les frais. Pourtant, ils sont sacrément à la manœuvre. Le gouvernement et le Législateur d'aujourd'hui sont tout de même franchement actifs comme fossoyeurs de conquêtes sociales (réforme de l'assurance-chômage, des services et de la santé publique, bientôt celle des retraites, ...), sans parler des reculades majeures quant aux grands enjeux environnementaux.
Malgré ce, la cote de popularité de Macron, si l'on en croit les sondages, paraît plus favorable que celles qu'ont connues ses prédécesseurs. Il le doit sûrement au fait que, malgré les pertes de libertés imposées, il incarne pour un assez grand nombre le "gestionnaire en chef" d'une crise sanitaire et sociale inédite.
Et donc il est à craindre que, une nouvelle fois, le choix du second tour se borne à un duel entre deux tenants de l'extrême-droite, de la droite extrême, de la droite radicale ou de la droite ultralibérale.
UNE "REMONTADA“ DE LA FRANCE PAR L'UNITÉ DES GAUCHES ?
Cependant, en toute logique, les aspirations populaires, alors que tous les indicateurs témoignent d'un accroissement accéléré des inégalités sociales et économiques, devraient tendre à l'espérance d'une société plus juste, plus humaine, plus égalitaire, plus solidaire, plus émancipatrice, plus protectrice de l'Humain dans un environnement durable. L'espérance que, de tous temps, les gauches ont portée.
Ce pourrait être l'espérance légitime des Français autres que les 10% les plus riches d'entre eux qui se partagent le tiers de l'ensemble du patrimoine. Ce devrait au moins l'être pour les 50% de ménages qui ont un niveau de vie inférieur au revenu moyen du pays. Or, faute d'unité, l'éparpillement des gauches (et de l'écologie) n'offre aucune perspective lisible de ce qu'un des candidats de cette famille politique (Montebourg) qualifie d'un autre terme aussi emprunté au castillan espagnol (ou à l'occitan provençal, mais ça m'étonnerait de Montebourg...) : la Remontada.
Il est encore temps de bien faire. Les 25% cumulés des intentions de vote en faveur des candidats pouvant porter cette espérance pourraient changer la donne du second tour si un seul d'entre eux portait un projet qu'ils auraient en partage. Moi, je crois que c'est possible. Comme ça l'est dans de très nombreuses communes, départements et régions où l'unité des gauches et de l'écologie s'est réalisée.
Mais il faut peut-être qu'une poussée populaire amène les réticents à entamer des discussions. Nous sommes déjà près de 270.000 à avoir signé l'appel pour une "Primaire populaire“. Continuons ! Cliquez sur l'image ci-dessous pour accentuer la pression !