9 mai 2018 3 09 /05 /mai /2018 05:05

Dans deux ans, trois quarts de siècle se seront écoulés depuis le 8 mai 1945, jour où, a été signée la capitulation de l'Allemagne nazie, que j'ai d'ailleurs, comme d'autres, qualifiée par erreur “d'armistice” dans l'allocution que j'ai prononcée ce mardi devant notre Monument aux Morts.

 

Merci aux nombreuses personnes présentes pour cette nécessaire commémoration : les élus, les associations d'anciens combattants, les cadres de nos forces armées (marine, régiment de transit, gendarmerie), de nos polices nationale et municipale, et de nos sapeurs-pompiers, les jeunes de la Préparation Militaire Marine dont La Seyne est la marraine, ceux du collège Marie-Curie et ceux de l'association Univers Cité, les musiciens de notre philharmonique La Seynoise et ceux de la La Clique Seynoise, et nos nombreux concitoyens et visiteurs présents.

 

Voici donc mon propos...

 

 

« Le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie déclenchait par l’invasion de la Pologne l’une des guerres les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité.

 

« Le mois de mai 40 voyait la débâcle des troupes françaises. Dans la déroute, celles qui le pouvaient s’embarquaient pour l’Angleterre. Pétain, Président du Conseil, demandait à l’Allemagne l’arrêt des hostilités et signait l’armistice.

 

« Mais tous les Français n’allaient pas se résigner. Dès le 18 juin, De Gaulle lançait depuis Londres un appel radiodiffusé à reprendre la lutte. Des groupes de résistance s’organisèrent dans chaque région. En mai 1943, Jean Moulin prenait la tête du Conseil National de la Résistance qui coordonnait les différents réseaux. Leur action préparera le terrain aux troupes de libération qui organisèrent en grand secret les deux débarquements, le 6 juin 44 en Normandie, l'opération Overlord, et le 15 août en Provence, l'opération Dragoon. L’épilogue, nous le fêtons aujourd’hui en souvenir du 8 mai 45, jour de la capitulation de l’Allemagne nazie.

 

« Nous retiendrons que, durant ces mêmes mois d’occupation, beaucoup ont entretenu la flamme de l’espérance par leur courage insensé et souvent leurs vies sacrifiées ; et que la haine, la xénophobie, le racisme, ont été dénoncés trois ans après par les nations assemblées dans une Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

 

« Nous soufflons, cette année, les bougies du 73ème anniversaire de l'armistice de 45.

 

« Mais 2018 est aussi l'année des commémorations : la Ve République fête ses 60 ans et ce sera le centenaire de l’armistice de la Grande Guerre… dont le cinquantenaire fut célébré en 1968… il y a 50 ans !

 

« 50 ans... mai 68 ! Que de fantasmes, d’adhésion ou de rejet. L’expression “fake news”n’était pas de mode et pourtant que de clichés circulent, de la France qui ”s’ennuie“à “la plage sous les pavés”. Plus prosaïquement, le fait est, pour reprendre les mots d’un éditorialiste, “que la nuit, il y avait les yéyés, Johnny et France Gall, et le jour, l’uniforme gris d’une société d’obéissance.”

 

« Il faut bien le dire, enfants de ceux qui ont vu leur jeunesse traverser la guerre de 39-45, pourtant premiers bénéficiaires du Programme du Conseil National de la Résistance, les jeunes des sixties ressentaient la vacuité de cette promesse d’apporter le bien-être par le confort ménager ! Elle rejetait cette vie tracée de trois mots : métro boulot dodo. C’est pourquoi elle s’éclatait dans la musique et brassait, l’air de rien, les idées qui couvaient aussi bien en Californie (the summer of love) qu’à Prague (le socialisme à visage humain).

 

« La réalité est que mai 68 fut un événement sans précédent, à multiples facettes, où l’on s’inquiétait du déclassement des ouvriers et où les étudiants se révoltaient contre le conformisme et l’immobilisme.

 

« Ainsi ce fut, à la surprise générale, une contagion en chaîne, de Nanterre au Quartier Latin, aux universités de province, aux usines, aux administrations. Au total, près de 7 millions de salariés entrèrent dans la grève la plus puissante de l’histoire de France.

 

« Toute la France s’est mise à réfléchir et remise en question. D’un coup, dans les rues, les gens qui ne se connaissaient pas se sont mis à se parler. Ce fut la grève générale, les accords de Grenelle, l'augmentation de 35% du SMIG, rétribution des plus dominés, les femmes et les immigrés.

 

« Pourtant, face à l’autoritarisme, aux notables snobs, aux brimades à l’école, au moralisme du XIXe siècle, au statut rétrograde des femmes, aux violences… il coexistait, paradoxalement, une sociabilité, des liens de solidarité entre les gens de condition modeste, de l’humour, de la gaieté, des chansons, la passion de la vie (soit dit en passant, en l’absence de tout réseau social numérique plutôt âpre à pointer son prochain).

 

« En rompant l’ordre institutionnel, en bousculant les hiérarchies, le projet était de se délester de son identité sociale pour élaborer ensemble le commun.

 

« Pourtant, en mai, rien ne change — De Gaulle passe une journée à Baden-Baden… et l’ordre politique est rétabli —. Rien ne change, mais... tout change, un processus est enclenché qui va bouleverser l’esprit du temps. Naîtront, par exemple, le MLAC pour la liberté de l’avortement et de la contraception, le MLF, des journaux comme ActuelLibération, les mobilisations de Lip ou du Larzac… 

 

« En 68, une jeunesse se découvrait une force politico-sociale. C’était le rejet de l’autorité du monde adulte, qu’elle soit professorale, familiale, ou institutionnelle.

 

« Ne nous leurrons pas, les évolutions des mœurs, les transformations de l’école, le naufrage de l’autorité, auraient eu le même destin sans mai 68...

 

« La mentalité du “tout, tout de suite” s’inscrivait dans l’avant 68 : la libération des mœurs, l’accès au collège, la tutelle diminuée des femmes mariées, l’autorisation de la pilule, la musique émancipatrice, le mouvement pacifiste hippie. Mais il fallait désigner des responsables. Et, pour certains, aujourd’hui encore, c'est rassurant. Vous comprenez pourquoi j'ai évoqué cette période, au-delà de son cinquantenaire...

 

« Parce que, rassurés, 73 ans après le 8 mai 45, nous ne le sommes pas ! Le monde d’aujourd’hui ne nous y invite pas.

 

« Aussi, les 8 mai, au-delà de la commémoration de la victoire des Alliés sur les forces de l’Axe et l’Allemagne nazie, nous voulons célébrer la lutte victorieuse contre des idées monstrueuses de haine et de rejet, qui, hélas, renaissent sans cesse ça et là.

 

« S'il nous faut lutter contre les odieux fanatismes, il ne nous faut céder ni à la phobie de l’immigration clandestine, ni à la paranoïa anti-islam, ni à l’antisémitisme. L’intolérance que nous observons et qui gagne malheureusement les esprits ne véhicule jamais le bien, ni en politique ni en morale.

 

« Face aux dirigeants qui, dans de nombreux pays, en Europe et ailleurs, désignent des coupables, incitent au repli et au rejet, attisent les haines, nous devons crier, comme Athéna le fit dans l’Iliade “Arès, Arès, fléau des hommes, buveur de sang”, et dire à nos enfants ce que Priam dit à Hector “Pour le jeune guerrier qui tombe sur le champ de bataille tout est beau, tout est convenable. Mais la mort, pour un vieillard comme moi, si toi tu succombes, sera horrible”.

 

« Je pense bien sûr aux familles du gendarme Beltrame et des 3 autres victimes de ce fanatique meurtrier, et à tous les oppressés qui subissent les délires de quelques-uns.

 

« Notre moteur doit être l’ambition d’un projet qui s’occupe des hommes et de leur avenir. 

 

« Alors, oui, le 8 mai, devant vous, anciens combattants, porte-drapeau, élus, corps constitués, citoyens, devant les enfants, les adolescents, les jeunes, je rappelle que des hommes et des femmes que rien ne prédisposaient à agir ensemble, issus de partis politiques différents, de convictions religieuses exclusives, de racines sociales, culturelles et philosophiques diverses, parfois adversaires, ont su se rassembler pour la Libération sur des valeurs communes de solidarité, d’entraide, de préservation des libertés. 

 

« Ça s'appelle la République, celle que l'armistice de 45 a réinstallée. Mais ne croyons pas que les idées généreuses qui l’ont portée à l’organisation politique de nos contrées soient définitivement acquises. Au contraire, parce qu’elles se soucient des autres, elles sont fragiles.

 

« C’est pourquoi, elles doivent encore être promues, enseignées, diffusées, défendues.

 

« Vive l’Europe et le Monde des peuples amis, vive la Paix, vive la France républicaine ! »

 

 

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Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire