Il y a tant de choses à souhaiter au soir de cette année 2016 que je suis bien en peine de faire le tri.
Ça ne mange pas de pain, je peux toujours formuler les meilleurs des vœux pour la paix dans le Monde. Mais les sales enjeux géopolitiques des capitalistes financiers faiseurs de guerres et de terreurs pour leurs propres intérêts risquent bien, une fois de plus, après qu'auront été portés les toasts généreux et charitables de Nouvel An, de maintenir fermés les regards et les actes que l'on se devrait pourtant de porter sur les lieux de la Planète où les uns et les autres de ceux qui s'y côtoient depuis des millénaires se massacrent encore et toujours pour des causes qui ne leur appartiennent pas. Et, par centaines de milliers, doivent s'enfuir dans d'abominables conditions vers des endroits du monde où l'on sait l'accueil glacial qui les attend...
LIBERTÉS...
Alors, recentrer mes espérances sur plus proche de chez nous ? L'Europe ? Dur de dur de choisir entre défendre les droits des femmes à disposer d'elles-mêmes, de leurs têtes et de leurs corps, dans cette Pologne du XXIe siècle qui ravale leurs places sociétales à ce qu'elles étaient en des temps médiévaux. Ou ceux des Roms, pourtant citoyens de cette Union européenne des traités rejetés par les peuples qu'on applique quand même, mais pauvres hères obligés de fuir leur petit bout de Vieux Continent, malvenus sur le reste de celui-ci qui s'assied allègrement sur l'urgence de sa propre Convention européenne des droits de l'homme. Ou encore ceux des Hongrois qui s'engluent durablement dans un magma puant où, comme le décrit Paxton, s'ancrent « la primauté du groupe, envers lequel les devoirs de chacun sont supérieurs à tous les droits, individuels ou universels, et la subordination à lui de l'individu ; la croyance que le groupe d'appartenance est une victime (…) ; la peur du déclin du groupe sous les effets corrosifs du libéralisme individualiste, des conflits de classe et des influences étrangères ; le besoin d'une intégration plus étroite, d'une communauté plus pure… ».
ÉGALITÉS...
Ou bien, faute de pouvoir agir sur le voisinage immédiat qu'est la communauté de nos vingt-huit pays européens, réduire le champ de mon ambition votive à celui de la nation ? Puis-je aspirer à ce que, plus jamais sur la terre de France, celle des Lumières, dans un groupe industriel jadis nationalisé mais dont l'État détient encore un cinquième du capital, il soit admissible que le PDG puisse s'octroyer des millions d'euros de plus-values quand, pendant des mois, il contraint son propre salariat à choisir entre perdre son emploi ou rogner sur son salaire et ses jours de congés. Ou, plus régionalement encore, ambitionner pragmatiquement et égoïstement que, si le rapport entre les revenus annuels des résidents de la plus riche des communes du Var et ceux des habitants de La Seyne est de plus du double, celui des dotations respectives de l'État à ces deux collectivités locales, supposées solidaires et compensatrices des inégalités, ne soit plus, toutes péréquations incluses et rapportées au nombre d'habitants, limité à un peu moins des deux tiers... ?
FRATERNITÉS...
Ou encore, si espérer à l'échelle nationale me paraît encore par trop ambitieux, rêver pour une vie locale meilleure ? Que, par exemple, tandis qu'un groupe industriel affichant, du haut de ses 32 milliards d'euros de chiffre d'affaires (2015), sa suffisance et son mépris d'une population, veut s'arroger le droit de traverser les communes du "Grand Toulon" en pourrissant la qualité de vie de leurs habitants pour transporter des pierres devant permettre la réalisation d'un quartier monégasque de standing dont les résidences coûteront des dizaines de milliers d'euros du mètre-carré, on obtienne à bon droit des garanties de sécurité environnementale et des contreparties aux désagréments, ce qui serait bien le moins quand, juste à côté, en permanence et depuis des décennies, des milliers de foyers de chez nous sont en attente d'un logement social auquel la solidarité nationale leur donne pourtant légalement droit...
TÉMÉRITÉS...
Ou enfin, si je n'ose même pas envisager, dans mon propre environnement local, d'avoir le courage de l'indignation et de la lutte, au moins formuler un vœu pour ma propre personne en mon logis ?...
Celui de ne plus oser me regarder dans le miroir, moi qui me dis républicain, démocrate, fraternel, si j'étais, malgré ce, disposé à accepter bras ballants tous ces indicibles scandales qui, de mon voisinage à l'autre bout de la Terre, constituent autant de hontes pour l'Humanité.