Mon courriel de ce jour aux députés et sénateurs du Var, à l'exception de celui d'extrême-droite, à propos du projet de "loi travail"...
Mesdames et Messieurs les parlementaires républicains (donc hors FN) du Var,
En cette presque veille de 8 mai, anniversaire de la victoire sur le nazisme, comme citoyen d'une de nos circonscriptions varoises, à défaut de pouvoir solliciter un parlementaire du Var membre d'un des groupes socialistes de l'Assemblée Nationale ou du Sénat, puisqu'il n'y en existe plus aucun, je vous interpelle suite à la présentation en conseil des ministres, le jeudi 24 mars dernier, du projet de loi porté par ma camarade Myriam El Khomri, visant à « instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ».
Ce texte percute profondément mes convictions socialistes et républicaines, et, plus largement, au vu de ce que, comme maire, j'en entends au quotidien, celles du peuple, et pas seulement celui « de gauche » : tous ceux, républicains, qui se réclament d'être héritiers du Conseil National de la Résistance, sont pareillement heurtés.
Si ce projet débouchait sur une loi mise en œuvre demain, c’est le monde du travail, celui des citoyens que, républicains de toutes sensibilités, nous devons défendre, qui sera affaibli, précarisé, heurté. Le droit du travail a toujours été construit dans le sens de la protection des salariés du fait du lien de subordination à l’employeur qui caractérise le contrat de travail. Sa construction dynamique a toujours lié protection et souci de productivité.
Dans ce projet de loi, c’est le contraire qui est fait.
L’inversion de la hiérarchie des normes met fin au principe de faveur qui a toujours apporté plus de garanties aux salariés, qu’il s’agisse de la rémunération, du temps ou des conditions de travail. Faire prévaloir les accords d’entreprises sur les niveaux supérieurs, de branches et interprofessionnels, ce sera moins de droits pour les salariés.
Les heures supplémentaires pourront être aménagées avec accord sur 3 ans au lieu d’une seule actuellement, et il est prévu une augmentation du nombre de semaines d’aménagement sur décision unilatérale de l’employeur.
Dans le même temps, c’est au niveau de l’entreprise que la majoration sera fixée et la protection au niveau de l’accord de branche sautera. C’est le dumping social rendu possible au sein d’entreprises d’une même branche, avec comme levier le « travailler plus pour gagner moins ».
Les licenciements économiques sont facilités, puisque la simple baisse du chiffre d’affaires ou des résultats d’exploitation sur plusieurs trimestres suffira à justifier les licenciements. On facilitera tous les montages financiers possibles par les très grandes entreprises qui pourront mettre telle filiale en déficit artificiel en transférant ses ressources au sein d’une autre à l’étranger. En effet, alors que tout le droit applicable permet de regarder la réalité économique du groupe dans son ensemble, le projet de loi limitera le périmètre d’appréciation au seul territoire national. C’est une prime à la délocalisation.
Ce n’est plus le contrat de travail qui fixera dans les faits les conditions de travail. Les entreprises pourront signer un accord qui modifiera le temps de travail, et donc la rémunération. Ce sera le retour des accords « compétitivité-emploi » de M. Sarkozy que la plupart d'entre vous ont soutenus et contre lesquels, avec mes amis de gauche, dont Myriam El Khomri, j'ai fait campagne.
Les Français n'ont pas élu un Président de la République et des députés majoritairement de gauche pour répondre aux exigences du MEDEF, à savoir augmenter la durée du travail, baisser les salaires, et faciliter les licenciements.
Soyons francs entre républicains que nous sommes : si la majorité d'entre vous, parlementaires de droite, aviez porté ce projet, mes amis de gauche et moi serions tous dans la rue aux côtés des organisations syndicales, des salariés, des étudiants et des lycéens.
C’est pourquoi j'aurais tant aimé écrire ce jour à un Varois membre d'un groupe socialiste de l'une ou l'autre des deux chambres du Parlement afin de lui demander de faire pression sur le gouvernement pour que ce texte soit retiré, et s'il devait être maintenu, de le rejeter par son vote.
Je le demande toutefois à l'un de vous, mon ami Pierre-Yves Collombat, seul sénateur de gauche varois, siégeant dans le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Aux dix autres (puisque, je le répète, j'omets délibérément le sénateur varois d'extrême-droite), qui sont de droite et vont sûrement voter contre pour d'autres raisons, dont probablement des considérations sur le fait que le texte de Myriam El Khomri ne fait pas, selon eux, suffisamment la part belle à la dérégulation voulue par le grand patronat et le monde de la grande finance, j'ai juste envie de leur dire que je rêve de les voir simplement évoquer, dans le débat parlementaire, le fait qu'il existe sur leur territoire des hommes et des femmes d'autres sensibilités que les leurs qui, certes pour des raisons différentes que celles qui guideront leurs votes, ne peuvent non plus approuver ce qui sera une atteinte aux constructions républicaines du général de Gaulle et du Conseil national de la résistance, qui ont fondé un projet de société dont un des axes, autour du droit du travail, a soudé la communauté française dans la promotion d'une égalité sociale constitutive de l’identité nationale du pays qui se relevait.
Je vous prie d'accepter, Mesdames et Messieurs les parlementaires républicains du Var, l’expression de toute ma considération.
Marc Vuillemot, maire socialiste de La Seyne-sur-Mer