6 décembre 2011 2 06 /12 /décembre /2011 18:02

http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcQb7g3B7ezcpyfxVfwbKUGlRJH0scukdCdX12Z0Zi2Dq8ks7brjDwIl y a un moment où il faut que ça s'arrête. On ne va pas laisser une poignée d'ados et de jeunes gens continuer à se détruire socialement à l'aurore de leur vie, dégrader les biens communs, y compris certains qui viennent d'être tout juste rénovés, pourrir la vie de milliers d'habitants, faire baisser les bras aux entreprises qui oeuvrent pour la réhabilitation de nos quartiers populaires en saccageant leurs engins de chantiers et menaçant leurs employés, et, au bout du compte, générer un surcoût de la rénovation urbaine qui pourrait atteindre... le million d'euros !

Je ne suis pas un adepte de la manière forte, loin de là, mais lorsqu'on en arrive là, il faut "mettre le paquet". C'est ce que Jocelyne Léon, adjointe à la sécurité et l'action socio-éducative, et moi avons expliqué ce lundi aux sous-préfets responsables des services de l'État en matière de police, de prévention et d'accompagnement social.

Il faut pouvoir empêcher les incivilités et les délits par une présence policière préventive visible, mais aussi interpeller, disposer de preuves et juger les fauteurs de troubles. La confrontation à la Loi républicaine est nécessaire. Or, quoi qu'on me dise, je dis et redis que les effectifs de la Police Nationale de notre circonscription de La Seyne et St-Mandrier ne sont pas à la hauteur des besoins. Faisons une simple règle de trois : il a à Marseille un policier pour 305 habitants ; nous sommes 68.000 habitants (sur les deux communes) ; nous devrions donc disposer, si nous étions traités à la même enseigne, de 222 policiers, alors que notre commissariat n'en dispose que... d'un peu plus d'une centaine, auxquels on peut rajouter la vingtaine d'agents de la Brigade de Sécurité Territoriale que nous partageons avec le quartier toulonnais de La Beaucaire. On est très loin du compte ! Où est l'égalité républicaine entre les territoires ?

Et, je suis désolé, ce n'est pas le rôle de nos policiers municipaux de conduire ce travail. Chacun son métier.

Mais la police ne peut pas tout, et il faut aussi déplorer la baisse cruelle et inadmissible des moyens dévolus aux éducateurs de rue du service de prévention spécialisée de l'Association de Prévention Et d'Aide à l'insertion (APEA), dont les effectifs diminuent chaque année du fait des baisses de subventions, en particulier du Conseil Général du Var qui a pourtant en charge l'aide sociale à l'enfance mais qui semble l'oublier... ou, du moins, l'oublier sélectivement, car les équipes de prévention d'autres communes, telles Hyères et Toulon, sont plutôt mieux loties que ne l'est La Seyne. Allez savoir pourquoi... Vous avez dit (encore !) égalité républicaine des territoires ?...

Le monde associatif n'est pas mieux traité. Pourtant, par l'offre d'activités sportives et éducatives de tous ordres qu'il offrait naguère, il contribuait largement à la prévention naturelle des déviances découlant de l'inactivité. Les suppressions des financements publics ont conduit en moins de deux années à la disparition d'associations essentielles, comme la JSS, le club de foot de Berthe, et GASPAR, qui occupaient utilement des centaines d'enfants, d'ados et de jeunes adultes. D'autres associations "survivantes" sont sur la corde raide. L'association qui a pris le relais de "Sphinx" pour l'aide aux toxicomanes, implantée jadis au Vendémiaire, a refusé de s'installer au quartier Berthe sans que sa tutelle publique d'État n'y trouve à redire. Et, si la Ville, de son côté, a ouvert un Espace Accueil Jeunes à Berthe-Est, aide au maintien d'une partie des activités qu'offrait GASPAR au Germinal via d'autres associations, et s'efforce de maintenir ses subventions et moyens matériels aux associations de proximité, on est très loin du compte des besoins. Car les crédits d'État de la cohésion sociale baissent chaque année, et ceux, départementaux, du contrat éducatif local subissent le même sort.

L'Éducation nationale, en direction des collégiens, semble vouloir recentrer sa mission sur son rôle le plus strict d'instruction, renonçant à la diversification pédagogique, aux activités ouvertes, sorties et voyages scolaires, qui constituaient autant de moyens de réconcilier les jeunes avec l'École, de faire vivre des situations de vie collective facteurs d'apprentissage des régles de vie sociale. Pour les plus grands, la Mission Générale d'Insertion, instrument de l'Éducation nationale dédié à l'accompagnement des jeunes sortant du système scolaire sans solution, a vu ses effectifs d'encadrement chuter abyssalement, et ne peut plus utilement remplir son rôle. C'est très inquiétant.

Les entreprises et associations d'insertion sociale et professionnelle sont aussi à la peine. Ainsi "Pro-Jeunes" a mis la clef sous la porte. La Ville confie le maximum possible de chantiers à celles qui parviennent à survivre, mais l'offre de places en insertion est grandement en deça des besoins. Par ailleurs, les "emplois aidés" disparaissent. Et si, grâce aux entreprises qui jouent le jeu (et sont bien mal payées de retour !), l'objectif obligatoire de 5% d'emplois d'insertion des marchés publics de la Ville et de l'Office d'HLM "Terres du Sud Habitat" est largement dépassé, puisqu'on arrive à plus de 11%, on ne parvient à avoir aucune lisibilité de la réalité des bénéficiaires, pour concevoir collectivement de vrais parcours d'insertion mobilisant l'ensemble des acteurs sociaux, car la Maison de l'Emploi de Toulon Provence Méditerranée, habilitée et financée pour assurer le suivi, s'en tient à travailler à distance et à fournir des statistiques anonymes dont on n'a que faire sur le terrain !

Dans un tel décor d'apocalypse, comment veut-on que ça marche ? Que cherche-t-on ? Une société à l'américaine avec ses ghettos sordides ? L'émergence d'une société totalitaire d'exclusion, comme y songe le sinistre Front National, et qui semble ne pas effrayer certains hommes politiques de l'UMP pour ratisser un électorat perdu ? Une accélération des replis communautaires dont rèvent les archaïques religieux de toutes confessions ? Ça règlera quoi ?

Moi, j'ai été élu pour contribuer à faire vivre les valeurs égalitaires et fraternelles de la République. Pas pour assister à ça sans rien faire.

Je ne veux pas devoir faire comme mon collègue Stéphane Gatignon, maire de Sevran, qui a dû se résoudre à demander l'intervention... de l'armée ! Je l'ai expliqué avec détermination aux sous-préfets. La balle est dans le camp de l'État. C'est sa mission régalienne. Il faut qu'il l'exerce. Du côté de la Ville, j'assume et j'assumerai mon rôle.

On nous a proposé une série de rendez-vous de travail avec l'ensemble des partenaires concernés par les difficultés que je viens d'évoquer. Il faut qu'ils soient mis en place en urgence et qu'ils débouchent sur du concret. Et des moyens sérieux.

Sinon, à quoi auront servi les 266 millions d'euros investis dans la rénovation de nos quartiers populaires, et cette mobilisation exceptionnelle des entreprises, des travailleurs sociaux, des policiers, des enseignants, des citoyens eux-mêmes, qui sont tous à la peine comme ils ne l'ont jamais été ?...

Il y a état d'urgence.

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Publié par Marc Vuillemot - dans Rénovation urbaine - aménagements et habitat