29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 09:52

http://www.fmayran.com/sitev3/img/big/DEPORTES%20TSIGANES%20A%20JASENOVAC%202%203.jpg?PHPSESSID=8c218d50cb46c6dc9be5f963ca9580faCe dimanche, nous avons commémoré la libération des camps de la mort et honoré la mémoire des déportés. Comme chaque année, j'ai prononcé un discours...

"La déportation et les camps de concentration et d'extermination resteront à jamais un crime. Et il le faut.

"Gardons-nous de banaliser le vocabulaire. Un génocide, c'est l’extermination systématique d'un groupe humain, de même ethnie, de même langue, de même nationalité, de même religion, de même culture, de même orientation de vie, parce que ce groupe de même identité ou partageant les mêmes idées, et uniquement pour ces raisons, sans considération autre que le racisme ou la folie, devient aux yeux des massacreurs un groupe qui ne doit plus vivre.

"Le génocide des Juifs par les nazis est appelé l’holocauste, puis, plus justement, la Shoah, la catastrophe en hébreu. Dans les camps, si les Juifs furent les plus nombreux, ils ne furent pas les seuls : les opposants parmi lesquels de très nombreux communistes, les handicapés, les homosexuels, les Tziganes, les résistants, furent aussi des victimes. Et n’oublions pas non plus les centaines de milliers de victimes du camp de Jasenovac du régime des Oustachis, qui a devancé en Croatie les camps d’extermination nazis, dès 1941.

"Aujourd’hui, notre devoir est d’entretenir le souvenir conscient de la longue chaîne des évènements qui ont conduit des esprits ordinaires à se pervertir et à imaginer devoir mettre en œuvre avec méthode « die Endlösung », c'est-à-dire la « solution finale », qui dépasse notre humanité et qui nous fige, encore, dans l’horreur et la douleur.

"Vous comprenez que cette cérémonie recèle un appel impérieux à la préservation des mémoires. Nous sommes là, aussi, pour nous prémunir des inconscients qui banalisent des comparaisons par le vocabulaire ou la légèreté des propos ; nous sommes là pour combattre ceux qui réfutent les évidences des faits, ceux qui cultivent un terreau de haine et d’exclusion, ceux qui dérapent dans les amalgames, dans les confusions orchestrées, dans les désignations de communautés.

"Aujourd’hui certains stigmatisent l'immigré, le musulman, l’infidèle, la femme voilée, la femme sans voile. Et demain ? Le pauvre, le sans-travail, le souillon, le jeune, le vieux ?

"Alors, oui, parlons « identité nationale » ! Parce que chaque nation a une âme. Qui sommes-nous, nous, citoyens d’ici ? Nous sommes les enfants des Lumières ! Des démocrates en République. C'est ça, l'identité de la France. Je ne suis pas naïf, je sais que la représentation n’est pas la démocratie directe, je sais que les lobbies agissent dans l’ombre ; c’est pourquoi nous devons être soucieux de la séparation, de l’indépendance et du contrôle des pouvoirs. Notre étendard, c’est notre devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité. Bien sûr, c’est difficile ! Oui, ces idéaux sont loin d’être atteints ! Faut-il pour autant renoncer ?

"Et nous avons un bien commun, très français, très envié, très combattu – c’est dire combien il est important – Ce bien est la Laïcité. Pour ne plus entretenir les ferments qui ont nourri les idées folles ayant légitimé l’internement et l’extermination de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, pour leurs idées politiques, leurs orientations sexuelles, leurs croyances, leurs origines nationales ou ethniques, leurs choix de vie et de culture, leurs infirmités, nous devons dire, avec force et conviction, que la France laïque, c’est la liberté de conscience, c'est la liberté de penser, et c'est la liberté d’exprimer des opinions dans le respect des lois.

"Nous devons dire que notre volonté est de perpétuer le projet de vivre ensemble. Dans notre société inquiète, nous avons besoin de repères, de stabilité, et de vision. Jeunes gens, filles et garçons, les déportés vous parlent : ils vous disent que vous êtes libres, libres et capables de penser, libres d’agir et libres d’aimer. Que vous devez être lucides et généreux afin de préserver cette liberté.

"Je vous le disais les années passées. Nous ne le ferons que tous ensemble. Alors oui, vive cette France ! Vive la France de la République qui doit toujours nous permettre de vivre enrichis, solides, fiers et beaux de toutes nos différences !"


> La photo illustrant cet article est celle d'une œuvre de Francine Mayran, "Gitans à Jasenovac", élément d'une exposition "Témoigner des ces vies", qu'elle a eu la gentillesse de m'autoriser à utiliser. J'invite les visiteurs de ce blog à visiter son site, riche en toiles toutes plus poignantes les unes que les autres : www.fmayran.com

Partager cet article

Repost0
Publié par Marc Vuillemot - dans Devoir de mémoire