En présence des autorités civiles et militaires, de la population seynoise et de visiteurs, avec l’accompagnement de la clique, de la philharmonique « La Seynoise », et de l’association « Group military conservation », s’est déroulée ce dimanche le traditionnel défilé suivi d’une cérémonie au Monument aux morts, au cours de laquelle j’ai prononcé un discours...
« La tradition républicaine veut que les autorités se rassemblent, sous le regard du peuple, le 14 juillet, pour renouveler le contrat passé entre la représentation nationale et la population. Elles le font sous l’hommage, au sens médiéval du terme, c’est-à-dire en toute allégeance, des forces armées.
« C’est l’honneur des démocraties : l’usage de la force, quand elle est légitime et dûment encadrée, en est le garant protecteur, l’incarnation du Peuple et non la protection du tyran.
« Oui, nous sommes liés par une identité collective et la fête du 14 juillet participe de cette identité car elle nous élève en concitoyens.
« Les événements que nous observons ou avons observé dans le monde, au Brésil, en Egypte, pour ne citer que les plus marquants dans des domaines différents, ici la répartition des ressources, là, la demande de prise en considération des aspirations du peuple, montrent que la citoyenneté, la démocratie, la justice, la préservation des libertés, le besoin de croire ou de ne pas croire, la séparation des pouvoirs, le droit à vivre dignement en ayant un toit, de quoi manger et un égal accès aux soins, sont des valeurs universellement recherchées.
« Elles sont implicitement reconnues aujourd’hui dans notre fête du 14 juillet.
« En avons-nous encore conscience ? Prenons garde à ne pas oublier qu’elles furent obtenues de haute lutte. Il ne faudrait pas, puisqu’aujourd’hui, dans notre pays, elles nous semblent aller de soi, qu’elles ne s’éteignent faute d’alimenter la flamme.
« Longtemps, l’incarnation de ces aspirations s’est trouvée dans le concept de Nation. Cette étape fut nécessaire. Le 28 juin, nous avons honoré les Soldats de l’An II, il fallait alors devant une coalition de toutes les monarchies de l’Europe, protéger la Nation en danger, et sauver la République. Ce furent bien des violences, de nombreuses guerres, des revers, des reconquêtes.
« Mais ne soyons pas dupes de ces violences : toutes ne sont pas légitimes. En faisant de la « résistance à l’oppression » un « droit naturel et imprescriptible », les Constituants pensaient moins légitimer la violence de la rue que protéger les individus contre toute dérive tyrannique. « Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’émane expressément de la Nation. »
« La légitimation de la violence est donc parfois un mal nécessaire. Un mal parce qu’il faut du temps pour le décider et obtenir l’assentiment des organismes reconnus, et que, en attendant, les populations souffrent. Les exemples sont malheureusement d’une triste actualité, et partout dans le monde.
« Malheureusement, les peuples ne sont pas à l’abri d’un dévoiement de cette légitimation. Toutes les dictatures usent d’une dialectique à front renversé, et répriment par la force au nom de l’ordre établi.
« Un ordre établi qui, parfois, dans nos démocraties aussi, opprime plus qu’il ne sert. Depuis deux ans, nous observons des mouvements protestataires, dans beaucoup de régions du globe, contre des organisations qui administrent des remèdes mortifères : le printemps arabe qui se cherche encore en Tunisie ou en Egypte, les indignés en Espagne ou au Portugal, les protestations contre le système bancaire aux Etats-Unis, les ras-le-bol populaires au Brésil, en Turquie, en Grèce. Je ne parle pas des guerres. Tous, bien que différents, sur des continents différents, protestent des mêmes turpitudes : la corruption, l’inégalité, les pouvoirs illégitimes, la censure des idées et des paroles, le déclin des services publics, le cynisme de l’argent.
« La mondialisation a fait que désormais, chacun doit trouver sa nation à l’intérieur de soi. Les identifications changent. La nation était indissociablement une communauté de culture et un lieu de mémoire. Aujourd’hui il convient d’ajouter une dimension qui balaye les frontières : la nation est aussi un projet civique, la construction d’une société dont le modèle de développement se doit d’être équilibré.
« Les lois de la République s’imposent à tous parce qu’elles sont la protection de tout un chacun, dans le cadre des droits de l’homme, du respect de la vie, des libertés fondamentales et des latitudes individuelles.
« C’est pourquoi, je le répète, aucun précepte religieux ou philosophique, aucune prescription discriminante, clanique ou sexuelle, ne saurait déroger à la règle commune ou conduire à des exceptions dans la sphère publique.
« Oui, ne désespérons pas ; nous devons croire en l’avenir. Nous, les Français républicains, nous sommes liés depuis plus de deux siècles, depuis ce 14 juillet 1790, par une identité collective. Et notre fête nationale participe à notre cohésion.
« Vive la France de la République, et vive l’Europe et le Monde de l’amitié entre les peuples. »