Hier, 14 juillet, nous célébrions nombreux la fête nationale, qui est autre chose de plus que les bals et les animations du soir. Nous étions certes nombreux, mais sûrement pas encore assez nombreux, pour réaffirmer l'attachement aux valeurs qui sont nôtres, citoyens d'une France républicaine selon les termes de sa Constitution, et à faire vivre républicaine, encore et toujours. Et elle en a besoin, notre France, après les dix années qu'elle a connues...
J'ai prononcé une allocution face au Monument aux Morts...
"Le 14 juillet est notre fête nationale depuis 1880, commémorant la fête de la fédération de 1790, elle-même premier anniversaire de la prise de la Bastille.
"La chute de la Bastille est l’aboutissement imprévu d’une longue réflexion conduite par des esprits novateurs tout au long de ce XVIIIe siècle que l’Histoire retiendra comme le siècle des Lumières.
"C’est, au-delà de la Révolution, l’avènement de la démocratie, la suprématie de l’organisation citoyenne sur l’absolutisme royal ou divin.
"C’est aussi l’émergence de l’individu dans le groupe et donc de la responsabilité individuelle.
"En ce jour de fête nationale, c’est de cette responsabilité que je souhaite vous parler.
"L'expérience commune, acquise des tribunaux ou de la vie courante, montre que les hommes ont l'habitude de porter des jugements du fait d’avoir la capacité à développer une volonté autonome.
"Les hommes, en effet, sont responsables de leurs actes. Dans nos sociétés, avancées dit-on, ils peuvent même, éventuellement, se complaire à agir de façon immorale. Et, même des puissants s’y plaisent, à voir comment la situation en divers points du Globe pose problème au Monde.
"Ainsi et pourtant, il est donné la possibilité à chaque homme, par le fait qu'il est doué de raison, d'opposer la loi morale et l'exigence de sa pensée à ses intérêts personnels d'agir. La loi est faite pour l’aider, le contraindre, à avoir du discernement.
"Notre première liberté est cette volonté autonome de nous opposer, non seulement aux actes immoraux des autres, mais d'abord à nos propres désirs égoïstes. En fait, vous le savez bien, les hommes sont moins libres qu’on ne le croit et la moralité peut rester un vœu pieux à cause de la faiblesse humaine.
"L’esprit des Lumières, la confiance dans la liberté et la raison à l'origine de la Révolution française, se heurte au sentiment de ce que la nature humaine n'est peut-être pas à la hauteur des exigences.
"C'est là aujourd'hui le grand débat entre les défenseurs des Lumières et ceux qui les critiquent comme étant des humanistes bercés d’illusion.
"Ou bien nous nous croyons des hommes libres, capables de moralité et à l'abri des défaillances morales ; ou bien nous pensons que, finalement, l'homme est incapable de se conduire lui-même, ce qui peut alors mener à toutes les formes d'obscurantisme et d'autoritarisme.
"C'est là un choix qui reste fondamental : conserver l'héritage des Lumières sans tomber dans l'illusion.
"Cela demande des efforts. La responsabilité n'est pas quelque chose dont on décide librement mais quelque chose qui s'impose à nous. En d’autres termes, nous devrions apprendre que c'est de la responsabilité que procède notre liberté et non pas l’inverse : c’est parce que je suis responsable que je peux être libre.
"Mais d'où alors procède la responsabilité ? Etre un homme parmi les hommes est une responsabilité.
"Défendons l’idée d’une autonomie collective, une « hétéronomie », une volonté qui puise hors d’elle-même dans les règles sociales le principe de son action.
"Les scientifiques ont montré que l'homme dispose d'une capacité, disons, "neurologique" qui l'a ouvert à la possibilité d'actions désintéressées. Il est capable d'inventer son avenir au-delà de ce qui est donné par la nature, de donner un sens à ce qui existe, de transcender le Monde tel qu'il est, et à partir de cette action, il le reconstruit et se construit lui-même.
"Aussi il ne faut pas avoir peur de l’avenir mais être conscient de ses responsabilités. C’est le défi de chacun ; ne pas être rebuté par cette société sans visage qu’on nous propose, par cette inhumanité du Monde qu'on ne sait pas comment humaniser.
"L'inhumanité fait passer la puissance et le souci de la subsistance avant le service. C'est un monde où les hommes travaillent pour la société au lieu que la société serve les hommes.
"Notre chemin est l'action publique, l'ouverture aux autres, et la protection désintéressée de la nature. Nous ne trouverons la force d’exercer cette responsabilité que par la médiation des uns avec les autres. Agir ensemble...
"C’était déjà la promesse des Lumières… Près de trois siècles sont passé. La route est encore longue, mais ne désespérons pas. Modèle en son temps, la France des Lumières a connu des hauts et des bas en son histoire, et n’est fort heureusement plus seule aujourd’hui.
"Que notre République se préserve sur ces bases. Vivent les valeurs de la République, en France, en Europe et dans le Monde. Et, en ce qu’elle a fait germer et sait encore faire rayonner les idées des Lumières, vive la France !"