Retour sur le presque centenaire congrès annuel des maires. J'y ai passé quarante-huit heures la semaine dernière. Jusqu'au bout, j'ai escompté en revenir avec un petit espoir. Celui que le gouvernement aurait pu laisser entrevoir d'une perspective de modération, ou d'étalement dans le temps, de l'étranglement qu'il inflige aux collectivités locales, par exemple par la voix de son Premier ministre, invité à prononcer un discours de clôture, qui m'avait pourtant semblé, lorsqu'il m'a reçu comme membre de la délégation des élus de "Ville et Banlieue", être à l'écoute des maires, fonction qu'il connaît bien pour l'avoir occupée pendant une douzaine d'années à Évry, une commune populaire de la banlieue parisienne.
Rien n'y a fait. Ni le nombre impressionnant des participants. Ni "l'union sacrée" affichée des édiles locaux de toutes les sensibilités du camp républicain. Ni le contenu des débats des diverses "tables rondes", entre élus et membres du gouvernement, tous courtois, sérieux, objectifs, concrets. Non, rien n'y a fait. Voilà confirmées les annonces de 11 milliards d'euros de réduction des aides de l'État aux collectivités, à réaliser d'ici trois ans, fussent-elles bien moindres que celles que le précédent gouvernement de droite nous avaient annoncées...
QUELLE RÉPUBLIQUE DE CITOYENS SE TERRANT POUR CACHER LEUR DIFFICULTÉ À EN ÊTRE LES CONTRIBUTEURS ?
On va donc devoir se débrouiller, comme prévu. Jusqu'à, peut-être, percuter de plein fouet le mur de la faillite locale, malgré les efforts de gestion que nous conduisons avec acharnement depuis des années pour maintenir à moindre coût nos offres locales de service public, remparts républicains pour nos concitoyens face aux inégalités croissantes. Que cherche-t-on ?
À contraindre les élus locaux à accroître encore la pression fiscale, alors même qu'une commune comme La Seyne, avec ses taux déjà au-delà de l'acceptable, doit au contraire les réduire ? Car comment faire autrement pour qu'aucun de ses foyers fiscaux ne se trouve plus jamais en situation de ne pouvoir s'acquitter de sa contribution et que ses habitants existent égalitairement en citoyens debout et responsables, participant en fonction de leurs possibilités à cette "cagnotte commune" nécessaire à assurer des réponses à tous ?
À obliger les maires des communes pauvres à faire voter des budgets 2015 en déséquilibre, entraînant de facto leur placement sous la tutelle de l'État, et ce juste un an après leur élection ? Car, contrairement à l'État, La Seyne n'a pas d'aéroport à vendre à des capitalistes chinois pour joindre les deux bouts. Mais La Seyne n'a pas non plus l'intention, ni de raboter ses services à sa population, ni de ne pas tenir son engagement à progressivement freiner l'effort fiscal demandé à son peuple.
IN FINE, DE QUI LA MISE À GENOUX DE LA RÉPUBLIQUE DE PROXIMITÉ FERA-T-ELLE LE JEU ?
Alors, je me pose la question. De qui ce gouvernement, pourtant porté par le peuple de gauche qui ne lui a pas donné mandat de démantibuler l'édifice territorial républicain, fait-il le jeu en s'obstinant ainsi, fût-ce de manière non délibérée, ce que je veux encore bien sûr croire ?
La seule réponse vers laquelle ma réflexion me guide m'effraie : il fait le jeu de ceux qui, justement, se moquent de de la République de proximité. Et, du coup, de la République tout court. Ceux aux pseudo-solutions simplistes qui, surfant sur l'extinction des consciences que, exsangues de moyens, l'instruction scolaire et l'éducation populaire ne peuvent plus éclairer, jouent de la séduction charismatique, pourtant grossière et superficielle, sur fond de propos de rejet, de vindicte, de désignation de boucs émissaires. Les mêmes que ceux qui ont conduit l'Europe à feu et à sang dans la première moitié du XXe siècle.
Et tout ça, justement, au nom de l'Europe ? Mais de quelle Europe parle-t-on là ?