Les Seynois se souviendront longtemps de Jacqueline Bonifay, qui nous a quittés ces jours derniers à 92 ans, après une vie consacrée, comme présidente locale de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP), à promouvoir le devoir de mémoire des victimes de la barbarie nazie.
Autour du Monument aux Morts, chaque dernier dimanche d'avril, à l'occasion de la cérémonie nationale du souvenir des déportés, au nombre desquels elle fut elle-même dans son enfance, elle égrenait de sa voix teintée de son accent de native de l'Alsace la funeste liste des camps de concentration et d'extermination assortie du nombre abominable de morts de chacun d'eux.
Beaucoup de nos concitoyens, écoliers ou collégiens d'hier et d'aujourd'hui, se rappelleront surtout son engagement inlassable auprès des enfants et des jeunes pour porter son témoignage vécu de la pire période qu'une idéologie abjecte a contraint des dizaines de millions d'Européens à subir, pour trop d'entre eux jusqu'à l'issue fatale. Afin que nul ne subisse plus jamais ça. C'est indispensable. L'actualité nous montre que ce n'est jamais acquis. Et Jacqueline n'est plus des nôtres pour forger les consciences et prévenir l'atroce abomination.
Parmi les innombrables souvenirs de cet investissement sans relâche, jusqu'au bout de ses forces, on se remémorera le travail mémoriel qu'elle a conduit avec l'équipe enseignante de l'école primaire Lucie-Aubrac, que je relatais dans un article de ce blog il y a près de dix ans...
« Après les cérémonies du 8 mai la semaine dernière, l'émotion était bien perceptible ce lundi matin dans le potager pédagogique de l'école Lucie Aubrac, à la cité Berthe. Avec des enfants de CM2 et leurs professeurs, Jacqueline Bonifay, Seynoise rescapée du camp de concentration nazi de Schelklingen, présidente de la fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP), nous avons planté le "rosier de la Résurrection" dont l'histoire est racontée sur le site des amis de la fondation pour la mémoire de la déportation.
« Après le témoignage poignant de cette belle dame âgée qui consacre beaucoup de son temps à cultiver le devoir de mémoire, notamment auprès des enfants (et qui a d'ailleurs regretté que tel collège de chez nous, jadis très impliqué dans ce type d'activités partenariales avec les associations d’anciens combattants et de victimes des guerres, lui ferme désormais la porte en expliquant que la mémoire, ce n'est pas important, et qu'il faut regarder vers l'avenir...), j’ai à mon tour prononcé une allocution et, avec les enfants, nous avons entonné "Le chant des partisans".
« Il n’est jamais inutile de donner de la solennité à ces moments. C’était le cas à Lucie Aubrac ce jour-là. Nul doute que les enseignants, avec le jalon que représente ce rosier symbole de l’aspiration à la vie des femmes internées à Ravensbrück et que les enfants vont désormais soigner, auront mille et une occasions pour, non seulement, apprendre aux jeunes les faits d’un temps tragique, mais aussi et surtout entrouvrir les portes de la réflexion.
« Merci aux professeurs et à leur directeur Éric, aux anciens de la FNDIRP, aux services communaux, et aux élus présents, Raphaëlle Leguen, Christine Sampéré, Isabelle Renier, Rachid Maziane et Christian Bianchi. Ça compte pour nos petits concitoyens. Et pour l’éveil de leurs jeunes consciences pour que vive la Paix dans le Monde. »
La Seyne pourrait, si c'était possible, honorer la mémoire de Jacqueline en donnant son nom à un lieu de notre commune. Mais les plus beaux témoignages resteront sûrement les images des enfants et des jeunes qu'elle – et d'autres – ont accompagnés dans des démarches d'éducation active sur le chemin capital de la connaissance objective des méfaits mortels de la peste brune, bien loin des nauséabondes paroles révisionnistes qui continuent de semer le doute. Certaines de ces images illustrent le présent article.
En particulier l'une des toutes dernières de ces images, qui illustre l'en-tête de cet article, celle de Néo Verriest qui a rendu visite à Jacqueline il y a quelques mois dans le centre de retraite qui l'accueillait, et qui, il y a trois ans, alors élève en classe de troisième, a rédigé un beau texte à partir du recueil de son témoignage que je m'autorise à inviter à lire en cliquant sur CE LIEN ou sur l'image ci-dessous de sa page de couverture.
Et, peut-être, en hommage à Jacqueline, et aux millions d'autres victimes du nazisme, décédées ou marquées à vie dans leurs chairs et leurs âmes, les professeurs d'allemand des collèges et lycées de notre ville pourraient-ils apprendre à leurs élèves la version originale, en allemand, du "Chant des marais", le "Moorsoldatenlied", écrit en 1933 par les tout premiers prisonniers communistes allemands enfermés pour leurs idées au camp de Börgermoor, et, si la municipalité le permettait, le chanter lors de la commémoration du souvenir des déportés d'avril 2023...