Il faut na-tio-na-li-ser ! Fût-ce le temps nécessaire à la sortie de l'ornière. Puisque sa direction se refuse à communiquer publiquement, les informations de ses syndicats, mais aussi l'évolution du cours de la valeur boursière du titre, montrent que la situation de CNIM a dépassé le seuil d'alerte.
C'est l'emploi de centaines de salariés, ingénieurs, cadres, techniciens et ouvriers de la plus importante entreprise industrielle de La Seyne et du Var qui est lourdement menacé. Ce serait d'autant plus un indicible gâchis humain et technologique que nombre de sociétés locales sont sous-traitantes de notre fleuron économique.
Autant que celui du patronat, le silence des acteurs publics locaux, régionaux et nationaux est tragique. Face à l'urgence qui concerne tout le territoire, bien au-delà de l'entreprise et de son environnement, une pression politique et populaire est pourtant nécéssaire.
D'ALERTES EN MESURES TRÈS INSUFFISANTES
Les chiffres parlent d'eux-mêmes (cliquez sur l'encadré pour l'agrandir). Le tableau extrait du site Boursorama montre que, en dix ans, le titre a perdu près de 90% de sa valeur. Les mesures de restructuration financière prises il y a presque un an se montrent inopérantes. Elles n'ont en rien freiné la dégringolade.
Alors que j'étais maire, j'ai alerté le Président de la République dès avril 2020. J'ai été suivi et accompagné par Hubert Falco, qui a saisi le chef du gouvernement au nom de la métropole qui est compétente en matière économique. Les acteurs économiques du territoire, par le relais de leur association regroupant plus de 1500 entreprises, y sont allés de leur supplique auprès du ministre de l'économie. Et j'ai explicitement réclamé du Premier Ministre une entrée temporaire de l'État au capital du groupe industriel. Début 2021, la députée Cécile Muschotti, Seynoise de naissance et toujours de cœur, a plaidé la cause de la société auprès de Bercy.
UN ÉTAT PAS TOUT À FAIT SOURD, MAIS OSTENSIBLEMENT MALENTENDANT
Mais, si l'État ne s'est pas montré totalement sourd, il est apparu clairement malentendant. Au lieu d'apporter la seule réponse qui tienne en période de crise sévère, à savoir une entrée significative au capital de CNIM, il a proposé un accord de restructuration financière, à hauteur de 30 millions d'euros, dont s'est félicitée la maire de La Seyne mais dont le simple bon sens, au regard de la trésorerie du groupe et des perspectives de contrats, conduisait dès sa signature à estimer qu'il serait nettement insuffisant.
L'histoire montre que nos préventions étaient fondées. Le groupe CNIM est au plus mal. Sans décision courageuse urgente reprenant l'exigence d'une implication réelle de l'État au capital, voire même, je ne crains pas de l'évoquer, une nationalisation provisoire, La Seyne et la métropole doivent-elles s'apprêter à revivre ce qu'elles ont connu lors de la fermeture des chantiers navals ?
Mais il ne semble pas être dans la culture libérale de l'État d'avancer dans cette voie. Et les pouvoirs politiques du territoire régional, qui partagent cette vision, ne manifestent pas de motivation à accentuer la pression.
URGENCE POUR LE CLIMAT, MAIS ABANDON D'UNE FILIÈRE ENVIRONNEMENTALE D'EXCELLENCE
On marche sur la tête. Entre un plan de relance économique d'ampleur inégalée et les objectifs, fussent-ils notoirement en deça des vrais besoins climatiques, de la Cop-26, il faudrait être d'une inconséquence coupable pour laisser aller à la dérive une entreprise française phare dans le domaine de l'environnement.
En tous cas, à quelques mois de l'élection présidentielle, la gestion de la situation de CNIM sera révélatrice. D'un côté, des sensibilités diverses des droites, depuis l'extrême jusqu'à la social-libérale, qui ne parlent que sécurité, immigration et repli identitaire, et de l'autre des sensibilités des gauches, qui parlent "made in France", "remontada" et perspectives sociales et écologiques, au moins pas opposées sinon franchement favorables à une intervention volontaire de l'État dans la sphère économique, mais qui s'arcboutent dangereusement sur des postures de division n'offrant guère d'espoir aux salariés.
C'est aussi à la lecture de nos inquiétudes territoriales pour la dynamique économique et l'emploi qu'il faut une pression populaire pour que l'unité des gauches et de l'écologie rende crédible une alternance qui pourrait être salvatrice. D'où... l'Unité populaire à obtenir par la Primaire populaire...