6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 14:39

La presse nationale évoque un sujet qui, entre autres villes, concerne La Seyne et Toulon : la grande difficulté, risquant d'être fatale, que traverse la structure support d'une belle initiative conjuguant une perspective d'information valorisante des quartiers populaires fragiles et un projet de formation professionnelle vers les métiers du journalisme pour plusieurs centaines de jeunes gens résidant dans ceux-ci.

« L'@gence2 des quartiers » est une initiative lancée il y a un an dans une quinzaine de villes populaires françaises. Comme beaucoup de maires, j'y ai vu un grand intérêt. La Seyne avait en effet été choisie par ses initiateurs pour accueillir une de ses agences. Hélas, le projet semble sur le point d'avorter, risquant de réduire à néant les espoirs des jeunes qui y ont cru et s'y investissent depuis des mois.

La faute à qui ? Et comment rebondir ?...

 

L'IDÉE GÉNIALE DE COUPLER INFORMATION ET FORMATION

L'idée était – et demeure – fort intéressante. Il s'agit de produire et commercialiser, par divers supports de communication, des informations objectives et valorisantes sur ce qui se passe dans le millier de quartiers prioritaires de la politique de la ville, en métropole et en outremer. Le but est de contrebalancer utilement l'image négative des sites urbains fragiles, dont on n'évoque trop souvent que les mauvais côtés, sur fond de violences, de trafics, et de détresse humaine.

Et ce qui rend le projet d'autant plus riche et innovant, c'est que ce sont des jeunes adultes habitants de ces quartiers, en formation professionnelle en alternance aux métiers de la communication, encadrés par des journalistes professionnels, qui assurent les productions des dépêches, d'une revue bimensuelle, de vidéos, tout en suivant une formation assurée par deux écoles de journalisme de renom, débouchant sur une certification.

 

MAIS, DANS LES FAITS, CE QUE L'AFP QUALIFIE D'« IMMENSE GÂCHIS »

Mais l'Agence France Presse (AFP) et Mediapart, pour ne citer que ces organes de presse, expliquent que « L'@gence2 des quartiers », portée par une société adossée à une association, rencontre de très sérieux problèmes, apparemment budgétaires et stratégiques. Dans toute la France, y compris donc chez nous dans la métropole toulonnaise, des dizaines de jeunes adultes, employés par la structure, voient leurs espoirs déçus. Ni eux ni leurs encadrants n'ont perçu certains de leurs salaires depuis plusieurs mois, beaucoup disent retrouver une situation de détresse qu'ils pensaient ne plus connaître. Ils ont, malgré cela et le manque d'outils minimum de travail, continué à s'investir sans relâche et produire jusqu'à ces derniers jours. Les syndicats de journalistes et les organismes de tutelle du travail sont saisis. Dans un communiqué, les deux principaux syndicats de la profession exposent la situation et interpellent les pouvoirs publics.

 

À LA PUISSANCE PUBLIQUE DE GARANTIR DÉSORMAIS LA PROMESSE RÉPUBLICAINE

Car « L'@gence2 des quartiers » a été grandement soutenue par l'État dès sa conception, et c'est très bien ainsi. Diverses collectivités locales, dont La Seyne, y ont vu un grand intérêt, et plusieurs y ont apporté une contribution logistique. Quelles que soient les raisons du désastre exposé par la presse et les syndicats, un tel projet ne peut s'arrêter. Ou, s'il doit le faire, il doit aussitôt redémarrer dans un cadre sécurisé. Pour les jeunes, outre qu'il est impensable que leurs efforts d'insertion professionnelle soient vains, il n'est pas envisageable qu'ils vivent la puissance publique comme se désintéressant de leur sort funeste.

Tant la requalification des quartiers populaires urbains, dont l'image est un vecteur, que la formation et l'insertion professionnelle, sont des compétences de l'État, qu'il partage avec les territoires. Sa responsabilité est engagée. Si le modèle initial, en grande partie appuyé sur le secteur marchand, s'avère ne pas être le bon, il faut reconstruire sans délai le projet sur des bases fondées sur les compétences régaliennes de la Nation. Dès que l'État, qui a diligenté une enquête menée par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), aura pris la mesure de la question, il devra être à l'initiative de la relance du projet et en garantir la viabilité.

 

DES LEÇONS À RETENIR POUR LE DÉPLOIEMENT DES POLITIQUES PUBLIQUES

Et, espérons-le, si, dans quelques temps, cet épisode ne sera plus qu'un mauvais souvenir, l'État devra aussi se questionner sur la formule de plus en plus fréquemment retenue pour le déploiement de ses politiques publiques, qui consiste à lancer des « appels à projets » à des opérateurs privés, au lieu d'être lui-même à la manœuvre, en partenariat avec les collectivités locales qui doivent assumer les compétences que la décentralisation leur confère, le monde associatif, et le secteur marchand qui y a d'autant plus sa place que, même en période de crise il sait dégager d'énormes dividendes pour ses actionnaires, et qu'il doit donc exercer sa responsabilité sociétale.

La promesse républicaine qui, dans ce très astucieux projet, trouve pleinement sens, ne doit plus jamais voir sa traduction de terrain qualifiée par une agence de presse à la renommée incontestée... « d'immense gâchis ».

 

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