2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 07:55

 

Il aura fallu une décision de justice pour que le ministère de l'Éducation nationale soit contraint à publier le classement des collèges et écoles élémentaires en fonction de “l'indice de position sociale” (IPS) des familles des élèves, qui mesure la situation sociale des jeunes face aux apprentissages pour chacun des établissements scolaires du pays.

 

Ce que l'on savait intuitivement pour La Seyne est largement confirmé. Chez nous, ça va presque du simple au double (IPS de 67 à 120 pour les écoles et de 69 à 116 pour les collèges). Malgré ce, les écarts de réussite des collégiens dans leur scolarité sont relativement moindres : de 81 à 94% de réussite, selon nos collèges, à la session 2021 du Diplôme national du brevet. L'accompagnement éducatif compense à l'évidence en partie les inégalités sociales.

 

Mais en partie seulement. Et la promesse républicaine d'égalité pourrait être bien meilleure si certains choix, nationaux mais aussi locaux, étaient faits avec un peu plus de courage politique...

 

 

DES INÉGALITÉS SOCIALES EN PARTIE COMPENSÉES PAR UN ACCOMPAGNEMENT FORT

 

La Seyne a une situation que ne connaissent pas nos communes voisines (Ollioules, Saint-Mandrier et Six-Fours) dont les indices de position sociale sont tous supérieurs ou égaux à l'indice moyen en France (102).  C'est certes aussi le cas du collège Jean-L'Herminier des Sablettes (113) et du collège privé confessionnel Sainte-Marie (116), mais l'impact de la pauvreté de beaucoup de familles est patent aux collèges Marie-Curie (90) et Paul-Éluard (93) du centre-ville, et surtout au collège Henri-Wallon (seulement 69) du quartier Berthe.

 

Heureusement, les taux de réussite scolaire ne sont pas calqués sur les indices de position sociale. C'est grâce aux stratégies des équipes éducatives, soutenues à Berthe par les moyens alloués par l'État au titre du Réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+), à l'accompagnement des élèves et des familles par le service municipal de la jeunesse, les bénévoles et professionnels de remarquables associations socio-éducatives trop souvent méprisées voire malmenées, et le sérieux et les efforts des écoliers et collégiens eux-mêmes, pour certains dans des conditions de vie peu propices au travail personnel et qui ont, plus qu'on ne le croît, conscience que leur future insertion sociale, professionnelle et citoyenne passe par l'École de la République.

 

 

LA VILLE A SON RÔLE RÉPUBLICAIN À JOUER, MAIS...

 

Fussent-ils encourageants, les résultats témoignent néanmoins de différences trop importantes selon la réalité sociale des familles et leurs quartiers de résidence. On ne peut se contenter du statu quo. C'est pourquoi les responsables politiques locaux doivent avoir le courage de faire bouger les choses. Mais l'ont-ils ?...

 

Pourquoi la maire de La Seyne a-t-elle abandonné le combat que j'ai entamé pour que le centre-ville soit, comme Berthe, reconnu Réseau d'éducation prioritaire et donc doté de moyens éducatifs supplémentaires, alors qu'une partie significative des enfants des écoles Anatole-France, Amable-Mabily, Jean-Baptiste Martini et Jules-Verne, et donc des adolescents des collèges Marie-Curie et Paul-Éluard, vivent dans un quartier paupérisé fragile, reconnu comme tel par l'État lui-même ?

 

Pourquoi a-t-il fallu de longues manifestations des enseignants et des parents d'élèves pour obtenir de la maire de La Seyne qu'elle revienne sur sa décision d'enterrer la reconstruction des écoles Amable-Mabily et Jules-Verne, faisant perdre plusieurs années au programme prévu et budgétisé, indispensable à l'amélioration des conditions d'apprentissage des enfants du centre ancien ?

 

Pourquoi la maire de La Seyne a-t-elle choisi de fragiliser les budgets des deux centres sociaux et culturels du centre-ville et de Berthe, donc leurs capacités à accompagner la réussite éducative des jeunes, en instaurant un mode de calcul inique des financements qui leur sont dus au titre du partenariat existant entre la commune et la caisse d'allocations familiales ?

 

 

LE DÉPARTEMENT FAUTEUR ASSUMÉ DE SÉGRÉGATION

 

Et pourquoi la maire de La Seyne, vice-présidente du Conseil départemental du Var jusqu'à ce qu'elle ne soit pas reconduite à cette fonction il y a quelques jours, a-t-elle accepté que disparaisse comme par enchantement la « partie 4 » de l' « Étude prospective et de modification de la sectorisation des collèges publics de La-Seyne-sur-Mer » commandée par le Département, responsable de la sectorisation des collèges, qui proposait trois scénarios de refonte des secteurs seynois mais stipulait aussi que « aucun de ces scénarios ne permet véritablement de favoriser la mixité sociale du collège Jean l’Herminier. La répartition des PCS en part, reste équivalente à celle observée dans le secteur de recrutement actuel. Pour favoriser la mixité sociale dans ce collège (c’est-à-dire rééquilibrer le nombre d’élèves issus des PCS très favorisées et défavorisées), il faudrait envisager un remaniement complet de la sectorisation à l’échelle de la Ville avec des transferts entre les parties nord et sud de la ville. Plusieurs scénarios visant à améliorer la mixité sociale au sein des collèges de la Seyne ont été élaborés (cf. partie 4). » ?... Mais la fameuse « partie 4 » s'est mystérieusement évaporée...

 

Le brassage des jeunes des quartiers si divers de la commune, avec leurs potentiels respectifs, dans les quatre collèges publics, avec maintien des moyens d'accompagnement du Réseau d'éducation prioritaire répartis en fonction des besoins et une amélioration et une adaptation des dessertes de transports collectifs, aurait sûrement permis à l'École de la République de remplir pleinement sa mission égalitaire, les adolescents les plus à l'aise avec les codes scolaires jouant un rôle d'émulation des plus en difficulté, sans que ça ne leur nuise, ainsi qu'en attestent les réalités des écoles des campagnes où la fille du notaire côtoie le fils de l'ouvrier agricole. C'est, au-delà de la dimension scolaire, ce qui fait de l'École le creuset de la citoyenneté et prévient les enfermements sur soi, les communautarismes, les exclusions.

 

 

À SATISFAIRE LES BOURGEOIS, ON FAIT LE LIT DE L'EXCLUSION 

 

Mais de ça, il semble que, dans le Var, on n'en veuille pas. Et l'État complice l'accepte, se dissimulant derrière la décentralisation ayant accordé aux collectivités la compétence de la sectorisation scolaire. Pire, avec les choix adoptés à la rentrée 2022 au prétexte de "désengorger" les effectifs du collège des Sablettes, on a accru la ségrégation sociale et scolaire.

 

On caresse ainsi dans le sens du poil certaines familles – "bonnes électrices" ?... – qui se délectent dans l'entre-soi de la bourgeoisie locale. Mais on abandonne des centaines d'autres à leurs difficultés. Et on fait le lit de cette extrême-droite qui, ici comme ailleurs en Europe, est plus que jamais aux aguets.

 

 

J'ai chipé le dessin d'en-tête de cet article sur le site Internet https://www.le-prisme.fr. Je peux le retirer sur simple demande.

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