NOTE : Suite à la mise en ligne de l'article ci-dessous, le cabinet du maire de Six-Fours m’a fait savoir que que la Ville ne construit pas une école privée confessionnelle. Les informations données par Var-matin sont donc inexactes, soit que l’élue interviewée se soit trompée, soit qu’elle ait été mal comprise par le journaliste, soit que la formulation de ce dernier prête à confusion. Il est pourtant bien écrit de façon explicite que « la ville est en train de construire un nouvel établissement scolaire », suivi de « une nouveauté pour la commune, puisqu'il s'agira du premier de type privé ». Mais, bon...
Si La Seyne ne s'était pas détachée de sa commune-mère en 1657, je serais six-fournais et fondé à me questionner sur l'information dévoilée par Var-matin ce mercredi, annonçant que « la ville [de Six-Fours] est en train de construire un nouvel établissement scolaire ».
L'histoire et une lettre patente du roi Louis XIV en ont décidé autrement, les Seynois ont obtenu leur indépendance, je suis l'un d'eux et je devrais donc m'interdire de donner mon point de vue sur cette construction présentée par le journaliste comme une opération de la municipalité voisine. Mais ce qui se passe à côté de La Seyne m'interroge sur ce qui pourrait advenir chez nous.
Il s'agit en effet d'une école privée, annexe de l'école seynoise catholique Sainte-Thérèse, et la maire-adjointe six-fournaise chargée du patrimoine communal de nos voisins évoque dans son interview « un bâtiment existant qu'on est en train de rénover » et un autre « que l'on est en train de construire ».
Ainsi, une commune pourrait bâtir une école privée confessionnelle ?...
Je sais bien sûr, pour avoir ferraillé dur avec un ami, président de l'association de gestion de Sainte-Thérèse, unique école privée seynoise sous contrat avec l'État, que la Loi oblige les communes à contribuer au financement du fonctionnement de ces établissements scolaires primaires privés. Tous deux avons palabré pied à pied pendant des années sur le calcul du montant que la commune devait verser à cette école. Il n'était pas question pour moi d'allouer un centime de plus que ce que le Législateur impose.
Mais je sais aussi que, toujours en vigueur, la loi du 30 octobre 1886, dont les dispositions sont rappelées sur le portail de l'État au service des collectivités locales, interdit aux personnes publiques de financer les dépenses d'investissement des écoles primaires privées.
DES EXCEPTIONS AUX RÈGLES DE FINANCEMENT PUBLIC DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ
Je sais encore qu'il y a deux exceptions à cette règle intangible. La première autorise les mairies qui le souhaitent à participer au financement des équipements informatiques des écoles privées, sous la double réserve que l'État inscrive lui-même de telles dépenses à son budget, ce qu'il ne fait plus, et que ces aides soient au maximum égales à celles qu'elles allouent aux écoles publiques. L'autre exception est le droit accordé à une municipalité de garantir des emprunts souscrits par une association gestionnaire d'un établissement scolaire privé sous contrat pour réaliser des constructions ou aménagements, ce à quoi, d'ailleurs, mon prédécesseur Arthur Paecht s'était engagé vis-à-vis de l'école Sainte-Thérèse et que, attaché à la parole donnée au nom de la Ville, respectueux des usages de la continuité républicaine, et malgré mon désaccord de principe avec ce choix, j'ai demandé au conseil municipal de concrétiser.
Et je sais enfin qu'une commune peut mettre à la disposition d'une école primaire privée des bâtiments de son patrimoine, mais uniquement avec contrepartie « aux conditions normales du marché ». Est-ce sur cette disposition que s'appuie la municipalité six-fournaise ? Les locaux communaux en rénovation ou en construction vont-ils être loués à la nouvelle école chrétienne ?
UNE RÉFLEXION À ENGAGER POUR LA SEYNE...
Je ne m'interrogerai pas plus sur cette particularité six-fournaise. Comme on dit, chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. En revanche, Seynois, je rappelle que, sollicité par la fédération des escòlas calandretas, ces écoles privées laïques sous contrat avec l'État qui promeuvent un enseignement de qualité en immersion en occitan, et bien qu'animateur d'une municipalité très motivée par toutes les initiatives de promotion de la langue régionale, je n'avais pas donné suite à sa demande de mise à disposition de locaux communaux. J'avais en revanche accompagné les initiatives des professeurs publics des langues et cultures régionales pour défendre l'enseignement du provençal et engagé un programme d'initiation, suscitant un partenariat entre les enseignants et les associations spécialisées, dans les temps scolaires et périscolaires de nos écoles publiques volontaires.
J'avais aussi répondu favorablement à un projet de rapprochement inclusif entre un établissement privé laïque accueillant des enfants handicapés, géré par l'Association Présence, agréée par l'État pour ses missions éducatives, sociales et médico-sociales, et les écoles primaires publiques des Sablettes. Mais, là encore, il s'agissait d'une coopération de projet entre enseignants des établissements, utile à l'intégration des enfants handicapés et à l'éveil des écoliers sans handicap à l'acceptation de la différence, et il n'était évidemment pas prévu que la commune aide financièrement l'institut médico-éducatif dans la réalisation de ses équipements prévus à proximité des écoles publiques.
Je sais la majorité des Seynois attachés à l'école publique, mais aussi à l'esprit de tolérance et de respect des diversités. Un questionnement comme celui que doit susciter chez nos voisins cette annonce de la presse locale pourrait un jour survenir chez nous. Et il est toujours utile de se remémorer les fondamentaux de la république laïque...
L'image en tête de cet article est la reproduction de la couverture du livre La République et l'Église, Images d'une querelle, de Michel Dixmier, Jacqueline Laouette et Didier Pasamonik, publié aux éditions La Martinière. Je l'ai "prélevée" sur l'excellent site "Caricatures & caricature" ; je peux la retirer sur demande, naturellement.