Des bœufs, des ânes, des moutons, qui paissent sur le bitume du port de La Seyne et s'illuminent le soir venu, pourquoi pas ? Si ça n'évoque pas une activité traditionnelle de notre vieille ville – ou alors de très loin, au temps de Georgette-la-laitière, de la ferme de l'avenue Docteur-Mazen, ou du dernier élevage du quartier Gavet –, ça rappelle incontestablement la coutume de la crèche provençale.
Ça pourra en surprendre plus d'un, mais, tout mécréant que je suis, la crèche est une tradition à laquelle je suis attaché parce qu'elle est vecteur d'intégration de tous, quelle que soit l'origine de chacun. Et, en ces temps d'épidémie où n'ont pas pu être organisées les traditionnelles « fêtes calendales » de l'association des « Cigalouns segnens », avec la belle crèche animée de M. Ferrero et de feu son épouse, installée dans le lieu public républicain qu'est le Fort Napoléon sans que nul préfet n'ait osé contester la présence du Petit Jésus et de ses Saints Géniteurs, le fait d'avoir placé ces animaux d'élevage en centre-ville n'a pas été une mauvaise idée de Madame la maire.
Mais, à l'instar de l'arbre qui cache la forêt, ne sont-ce pas là des têtes de bétail qui dissimulent le troupeau ?...
Car, hormis, à ma connaissance, l'association du « Cèucle occitan dau país de La Senha », pas grand monde n'aura relevé que, en matière de culture provençale et occitane, la municipalité s'emploie, comme pour bien d'autres sujets, à faire table rase du passé.
Parmi les actes presque inaperçus, j'évoquerai la disparition de la page rédigée en provençal dans le magazine municipal, qu'on retrouvait sur le site Internet accompagnée de sa traduction en langue nationale, et qui abordait en parler local des sujets de la vie courante d'aujourd'hui et non de vétustes questions périmées à oublier sur des étagères folkloriques poussiéreuses. Ce n'était pas une omission. Questionnée par le « Cèucle occitan », la municipalité a répondu : « Nous respectons votre engagement pour la défense de la culture provençale, mais nous avons fait le choix de communiquer le plus largement possible en français ». Comme si l'occitan pouvait mettre en péril l'unité de la République jacobine !...
On n'aura peut-être pas non plus relevé que les informations municipales diffusées sur les panneaux lumineux de la voie publique, comme celui qui illustre cet article, ne sont plus bilingues français-provençal. C'était pourtant un moyen de faire vivre dans la « vida vidanta », notre vie de tous les jours, la langue d'une culture héritée du Moyen-Âge où elle rayonnait dans toute l'Europe, qui a grandement aidé à l'intégration chez nous de tant de Seynois venus d'ailleurs. Ils sont même allés jusqu'à supprimer le terme « Benvengut » qui côtoyait « Bienvenue », « Welcome », « Benvenuto » et autres « Willkommen » sur les pages d'accueil de ces panneaux.
Iront-ils jusqu'à retirer les plaques indicatrices bilingues des noms de rues du centre ancien et des lieux-dits de nos quartiers, voire les panneaux signalétiques d'entrée de ville ? Ce serait pour le moins cocasse si ce n'était dommage, lorsqu'on relève que nos voisins six-fournais ne semblent pas plus ennuyés que ça de n'avoir, à une frontière de leur commune avec la nôtre, qu'une indication de signalétique routière qui désigne leur terroir dans la seule langue provençale...
Je terminerai l'inventaire en notant qu'aucun conseiller municipal n'a reçu de délégation de la maire pour la promotion de la langue et la culture provençales, missions auxquelles s'étaient attelés avec efficience Miquèu Tournan (2008-2014), puis Cécile Jourda (2014-2018) et Claude Dini (2018-2020). Que pense de tout cela Monsieur Baviera qui est en responsabilité « de la promotion des traditions », une charge dont l'intitulé ressemble à celle que le président de la Région (Sud) Provence a confiée à Monsieur Vitel, naguère éphémère Seynois, vice-président du conseil régional délégué « à l'identité régionale et aux traditions », dont tout un chacun aura pu mesurer l'œuvre immense qui fut la sienne en ce domaine au cours des six ans de son mandat qui s'achève cette année, et auquel j'avais adressé en 2016 un courrier proposant sur ces questions une coopération Ville-Région... qui n'a jamais reçu de réponse ?
Pour parachever le grand gommage, il ne resterait plus à Madame la maire qu'à constater depuis son bureau que le drapeau qui côtoie sur le fronton de la mairie les emblèmes de La Seyne, de la République française et de l'Union européenne est celui... du dialecte provençal de la langue occitane. (*)
Et, sans tarder, à faire procéder à sa mise en berne. Ou à son retrait.
Jadis...
Demain ?...
( * ) : Explication sur l'excellent site Internet de la Société Vexillologique de l'Ouest