Ce jeudi était jour du 80ème anniversaire l'appel lancé par le général Charles de Gaulle aux Français, civils et militaires, à ne pas se résigner à la défaite face à l'Allemagne nazie.
Bien que l'on dût respecter encore les distances de sécurité sanitaire, suivant à cet effet les règles édictées par l'État, comme nous l'avions fait sagement à l'occasion des dernières commémorations, plus de personnes que les seuls invités, en nombre encore limité de par la Loi, se sont déplacées, que nous ne pouvions bien sûr pas prier de quitter la cérémonie. Mais chacun a fait effort pour se tenir à peu près éloigné des autres.
Les 80 ans de « l'Appel du 18 juin » méritaient en effet que l'on honorât dignement la mémoire de celui qui l'avait lancé et à la pensée duquel, en nos périodes troublées, il n'est désormais guère d'acteur de la vie publique qui, pour des raisons diverses, voire opposées, ne se réfère...
Après la lecture du texte rédigé par l'Association varoise de l'Appel du 18 juin par une élève du Lycée Langevin, lauréate 2018 du Concours national de la Résistance, et celle du message de la secrétaire d'État Geneviève Darrieussecq par notre adjoint Christian Pichard, voici le propos que j'ai prononcé devant la stèle installée dans un écrin de verdure du Parc Fernand-Braudel des Sablettes...
« "La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s'éteindra pas".
« Charles de Gaulle choisit d’entrer en résistance avant même que l'Allemagne nazie n'accepte la demande d'armistice de Pétain.
« Au sein du gouvernement où de Gaulle était sous-secrétaire d’Etat, les tenants de la poursuite des combats depuis l’Afrique du nord ont perdu la partie – les navires, les troupes, les armes étaient dans l’attente d’un ordre qui ne vint jamais –. Le Président de la République, Albert Lebrun, appela Pétain, ambassadeur dans l’Espagne de Franco. Ce dernier était convaincu qu’il fallait trouver un terrain d’entente avec l’Allemagne.
« Le 16 juin 1940, Paul Reynaud avait démissionné de la Présidence du Conseil. De Gaulle partit "dès le matin du 17" pour l’Angleterre.
« Durant des semaines, de Gaulle exhorta les Français à le suivre. C'est en août que fut placardée à Londres l'affiche célèbre titrée : "La France a perdu une bataille, mais n'a pas perdu la guerre", que l'on confond souvent avec l'appel du 18 juin que nous commémorons aujourd'hui.
« Celui-ci était un message d'espoir. Il affirmait que la mondialisation de la guerre ferait la victoire. Il se terminait par un appel à la Résistance.
« Que nous dit-il aujourd’hui ?
« Que refuser ce qui est présenté comme une évidence est parfois d’une rare clairvoyance ; que la vérité ne se révèle que dans les victoires qui durent ; que les victoires ne durent que lorsqu’elles sont justes.
« Pourquoi Charles de Gaulle s’est-il opposé à ce maréchal présenté comme providentiel ?
« Parce qu’il ne se résignait pas à la défaite ; parce qu’il savait que les batailles se gagnent dans le rassemblement et la cohésion des hommes de conviction et de volonté. Sa résolution était de réunir tous les Français qui voulaient continuer la lutte.
« La Résistance est donc née du refus d’une poignée d’hommes. Ils seront l’armée des ombres, tandis que des militaires rejoignant Londres constitueront la première brigade de la Légion française.
« En France, les premiers journaux clandestins surgissent. Le renseignement s’organise. Des opérations armées réussissent. Des regroupements s’opèrent un peu partout. La Résistance se renforce. Ce fut le travail de Jean Moulin – un préfet renégat à l’ordre régalien du moment –. Il y eut auparavant la stupeur que provoquèrent les rafles de l’été 42 – honneur au journal Combat qui titra "Les Juifs, nos frères".
« Tous luttaient pour le retour au modèle républicain, une société fondée sur la raison, la justice, la force du collectif. Ainsi naquirent les belles idées qui conduisirent à la création de programmes et d’organismes œuvrant pour le bien public : la sécurité sociale, la SNCF, la liberté d’expression, l'extension du droit de vote aux femmes puis, on l'oublie souvent, aux Français d'outremer, le multipartisme…
« Le bien public… en merveilleux héritage de victoire ! Un Appel du 18 juin à jamais lié à une haute idée de la France et de ses valeurs universelles, portées par le courage, l’espérance, l’altruisme.
« Nous traversons une période inédite, pleine d’incertitudes... Une page est tournée, un virus a tout bousculé. La liberté, valeur cardinale de notre modernité, a été mise entre parenthèses.
« Dans l’entre soi les individus sont rois. Mais le roi est nu. Nous déchantons, adieu veau, vache, cochon ! Le pot au lait est brisé : où s’en sont allées les promesses de jours heureux ?
« Le déconfinement achevé, quelles réponses serons-nous capables de porter ? Elles sont de notre responsabilité individuelle et collective.
« Je forme le vœu que nous puissions protéger les plus vulnérables, que nous nous soucierons, réellement, de transition écologique pour préserver la planète qui nous a donné vie, que, à l’image de ce que fît dès 1944 le Conseil National de la Résistance, nous nous référions à un patrimoine d’idée, de civilisation et de droits qui sont le fruit de ce qu’il y a de meilleur dans l’histoire démocratique du monde : satisfaire les besoins essentiels, se nourrir, travailler, se loger, être libre, éduqué, et en bonne santé, exercer sa citoyenneté.
« Notre chemin est l'action publique, l'ouverture aux autres et la protection désintéressée de la nature. Nous ne trouverons la force d’exercer cette responsabilité que par la médiation des uns avec les autres : agir ensemble.
« Désormais chacun commence à comprendre que consommer mieux, local, sain, sans gaspillage, est possible ; que préserver le vivant, les grands équilibres, le climat, est vital ; que ce qui semblait irréaliste hier est à portée de vie.
« Nous voulons nous inspirer de ce que les femmes et les hommes de ce pays, derrière Charles de Gaulle, ont montré de nos valeurs morales, illustrant, et de quelle manière, le propos d’Albert Einstein : "Nous sommes là pour les autres hommes". Célébrons l’immense dévouement et l’abnégation de tous ceux qui, en continuant le travail indispensable aux populations, auront permis à tous les autres de réussir le confinement.
« L’appel du 18 juin a rassemblé des femmes et des hommes d’horizons divers. Ils ont pris les armes, donné leurs vies, et préparé l’avenir de leurs enfants dans la Paix.
« Ils se sont relevés d’un monde de haine, de destructions et de mort, et ils ont transmis des valeurs… Nous n’avons d’autre choix que les perpétuer.
« Vive la France de la République libre et ouverte, protectrice et sociale, promotrice de ses valeurs universelles dans un Monde à préserver ! »