
Comme tous les ans, ce lundi 27 mai, jour anniversaire de la création, en 1943, dans la clandestinité imposée par le joug de l'occupant nazi, du Conseil National de la Résistance, a vu notre population se rassembler autour du monument aux morts pour un moment de souvenir, de réflexion et d'honneur dû à ceux qui se sont battus, pour beaucoup au péril de leurs vies, pour qu'advienne la Libération et que la République retrouve ses droits.
Voici le propos que j'ai tenu à cette occasion...
« Je suis revenu lundi dernier, comme chaque année, du plateau des Glières, haut lieu des résistances d'hier et d’aujourd’hui. J'y vais chaque année avec quelques élus de notre équipe, cette année avec notre adjointe Denise Reverdito et une élue du précédent mandat. J'ai y entendu des paroles de grands de la Résistance et de résistants d'aujourd'hui.
« Dans ces hautes montagnes de Savoie, le message des différents orateurs est toujours vivifiant et se résume à ceci : "résister à l’oppression, pour la liberté et dans la fraternité, est un devoir ; c’est, encore et toujours, lutter pour l’espérance de lendemains heureux".
« Les combats d’aujourd’hui sont multiples, pour le droit de vivre, pour la liberté d’expression, contre les méfaits d’un géant pharmaceutique, pour une psychiatrie plus humaine, pour un journalisme d’investigation libre, contre la censure, et j’en oublie tellement… Tous ces combats sont aussi les nôtres et nous en sommes tous, un peu, les acteurs et les sentinelles, faute de quoi nous pourrions être un jour où l’autre les victimes du fait de ne pas les avoir conduits.
« Permettez moi de revenir inlassablement, mais je ne veux que cette histoire, la nôtre, ne fasse défaut à aucune mémoire - en cette année anniversaire des cinquante ans de la disparition de Toussaint Merle à qui nous avons rendu hommage vendredi dernier - à la création du Conseil National de la Résistance et à son programme au nom d’avenir permanent "Les jours heureux".

« C’est ce programme, sous l’impulsion initiale de Jean Moulin, fédérateur du rassemblement et de la coordination des forces opposées à l’occupant, qui prépara la réorganisation du pays, la victoire acquise.
« Aujourd’hui nous entendrons, et entonnerons pour certains, Le Chant des Partisans puis La Marseillaise. N’oublions pas que dans les maquis, dans les manifestations interdites, dans les prisons, au pied des pelotons d’exécution, c’est La Marseillaise, parfois associée à L’Internationale, qui surgit, telle qu’Aragon l’a évoquée dès 1943 dans sa Ballade de celui qui chanta dans les supplices :
Il chantait lui sous les balles
Des mots sanglant est levé
D'une seconde rafale
Il a fallu l'achever
Une autre chanson française
A ses lèvres est montée
Finissant la Marseillaise
Pour toute l'humanité
« Ainsi la Seconde Guerre mondiale, dans des conséquences imprévisibles que seule l’Histoire qui se fait imagine, a rendu à notre hymne national des vertus de rassemblement, de reconnaissance, d’espoir.
« Loin des polémiques, j’aime à rappeler que ce chant est un hymne de combat et de résistance. Le caractère sanguinaire de son premier couplet, le seul que l’on retient avec le refrain, est lié à ce moment d'exaltation, voire d'ivresse vitale. Notre hymne lie indissolublement l'identité de la République à la résistance aux tyrannies. Il lie non moins indissolublement l'idée de République à l'idée de France.

« Ce n'est pas pour rien que le gouvernement de Vichy a supprimé ce premier couplet, par haine de la République, et effacé la résistance à l'invasion parce que l’Etat français pratiquait la collaboration avec l'envahisseur.
« Vichy fut raciste. Au sens moderne, le sang n’est impur que dans les théories racistes de Gobineau et du nazisme, pas dans l’esprit des Révolutionnaires.
« Au contraire, dans plusieurs couplets de La Marseillaise, les notions d’égalité et de liberté sont glorifiées :
Couronné par l’Egalité
Quel triomphe, quelle victoire
D’avoir conquis la Liberté !
(...)
Et chaque citoyen respire
Sous les lois de l’Egalité
(...)
Et le Français n’arme son bras
Que pour détruire l’esclavage
(...)
Soyons unis ! Tout est possible
Alors les Français cesseront
De chanter ce refrain terrible.
« La Marseillaise retrouve alors toute son épaisseur d’hymne patriotique qui fut chanté, jadis, partout en Europe, par les peuples qui voulaient se libérer des jougs aristocratiques.
« Dans nos temps planétaires d'interdépendance des peuples et de communauté de destin de toute l'humanité, ces couplets portent en eux l'universalisme de la Déclaration des droits de l’Homme.

« Etre citoyen, c’est la capacité, pour chacun, de s’élever au dessus de ses seuls intérêts pour se soucier du bien public.
« C’est bien de la Résistance que sont venues les idées de protection de la liberté de conviction des autres.
« La Résistance a défendu la laïcité. La Résistance a bataillé pour la justice sociale et créé sa sécurité.
« Voilà qu’hier, dimanche, nous avons été appelés à voter pour désigner les membres du Parlement européen. Sans évoquer les résultats qu’on connaît et qui doivent nous interroger, relevons que beaucoup ont voté avec les pieds… Comment peut-on se désintéresser de son propre avenir ?
« L’image de Balzac et de sa peau de chagrin devrait être pour eux une allégorie exemplaire : "Le cercle de vos jours, figuré par cette peau, se resserrera suivant la force et le nombre de vos souhaits, depuis le plus léger jusqu'au plus exorbitant".
« Cette peau, c’est la démocratie ; le pouvoir de chacun de s’exprimer. Les souhaits, c’est de profiter sans aucune réflexion de ce qu’ont laissé ceux qui ont sacrifié leur vie au bonheur des autres. Pouvoir aller à la pêche le dimanche est une liberté exorbitante quand on observe tous ceux qui en sont empêchés.

« L’idéal de la Résistance est encore lointain, son but social n’est malheureusement pas abouti, nous devons continuer inlassablement à nous battre pour la paix, la justice, les droits de l’homme, le service public...
« Nous aspirons à une Europe des citoyens. Encore faut-il qu’il y ait des citoyens. Les consommateurs que nous sommes pourraient bien être très vite lessivés puis balayés.
« C’est dans ces moments comme aujourd’hui que nous devons réaffirmer nos repères, notre désir de vivre ensemble, notre volonté de promouvoir une société plus juste, plus égalitaire, plus soucieuse des laissés pour compte. »