Comme président national de « l'association des maires Ville & Banlieue de France », qui regroupe les collectivités locales ayant sur leurs territoires des quartiers prioritaires urbains jugés prioritaires du fait de leur fragilité, j'étais ce lundi matin convié à l'Élysée par le Président de la République et le Gouvernement qui souhaitaient recueillir les avis et propositions des « corps intermédiaires » au regard de la situation complexe du pays dans le contexte actuel de manifestations de détresse d'un grand nombre de Français.
J'ai ainsi pu porter auprès de l'État la parole inquiète et quelques suggestions des maires de communes et présidents d'intercommunalités, de toutes sensibilités politiques républicaines, abritant des quartiers bénéficiant de la « politique de la ville » (QPV), dont La Seyne et notre métropole. La balle est désormais dans le camp de l'État qui, en toute objectivité, semble aujourd'hui reconnaître aux élus locaux un rôle qui, depuis dix-huit mois, leur avait souvent été dénié.
Quoique ce soit probablement un peu « technique » pour nombre de visiteurs de mon blog, je pense néanmoins utile de rapporter ci-après la teneur de ce que j'ai pu formuler au cours de cette rencontre...
Sur les dotations, la solidarité, la péréquation et la fiscalité...
Les communes et intercommunalités ont de plus en plus de mal à conduire leurs missions de service public auprès des 6 millions d'habitants des quartiers populaires urbains fragilisés, pourtant absolument nécessaires à la régulation des inégalités sociales, économiques urbaines et culturelles, génératrices des exaspérations du moment. Plus que jamais, si l'on tient à maintenir cette offre de services « de première ligne », il convient de réviser les dispositifs de dotations, de solidarité et de péréquation, de même que la fiscalité locale. À titre d'exemple, si l'éventualité d'une compensation de la perte de la taxe d'habitation par le transfert de la taxe foncière des autres collectivités vers les communes se confirme, il faudra être très attentif à ce que soit assurée une réelle compensation pour les communes qui, ayant beaucoup de logements sociaux dans les quartiers populaires urbains prioritaires, ne voient aujourd'hui la taxe foncière sur les propriétés bâties dont les organismes d'HLM sont totalement exonérés compensée qu'à hauteur de 40%.
Sur les contraintes imposées à l'évolution des finances locales...
La contractualisation « léonine » du « Pacte de Cahors », déjà problématique pour l'ensemble des collectivités (François Baroin, président de l'Association des maires de France [AMF], avait auparavant soulevé le problème de la hausse des dépenses de fonctionnement limitées à 1,2% alors que l'inflation s'établira à environ 1,8%), constitue un handicap plus lourd encore pour les collectivités avec des QPV. La contrainte imposée de l'évolution restreinte des dépenses empêche même la mise en œuvre des politiques prioritaires en faveur des habitants les plus fragiles (politique de la ville, zones de sécurité prioritaire, réseaux d'éducation prioritaire, etc.) que, pourant, l'État impulse et favorise lui-même. À défaut d'exclure les collectivités avec des QPV de la contractualisation financière, qui serait un vrai signe fort de solidarité nationale, il est indispensable que les dépenses découlant des politiques de discrimination positive soient exclues du calcul de l'évolution annuelle des dépenses de fonctionnement.
Sur l'accès à la formation et à l'emploi...
Les dispositifs d'accès à l'emploi sont globalement fragilisés, ne pouvant qu'aggraver la situation de détresse. Déjà bien supérieur au reste de la Nation, le taux de chômage des QPV s'accroît, notamment pour les plus jeunes et les travailleurs âgés. La réforme des « emplois aidés », en particulier, commence à produire des effets dévastateurs avec la fin progressive des anciennes conventions des « contrats d'accompagnement dans l'emploi » (CAE) et des « contrats initiative emploi » (CIE). De moins en moins d'employeurs peuvent offrir des parcours d'insertion avec les nouveaux « parcours emploi compétences » (PEC). Si le dispositif du nouveau Plan d'investissement dans les compétences (PIC) n'est pas plus à remettre en cause que ne l'ont été les précédents, depuis les TUC jusqu'au CAE-CIE en passant par les CES, CEJ et autres CEC, il convient d'une part de revenir d'un financement d'État de 55% maximum au financement précédent qui pouvait dépasser les 90%, d'autre part de revenir à un nombre de conventions au moins égal aux 300.000 de 2017 alors qu'il y a eu une baisse de 46% en 2018 et une prévision de seulement 100.000 pour 2019, et enfin de revenir à une durée possible de 3 ans permettant aux personnes les plus en difficulté d'être correctement accompagnées pour la définition de leurs parcours, leur formation et leur insertion professionnelle. Ces « emplois aidés » servent en outre, au-delà de la lutte contre le chômage, à soutenir l'investissement des associations pour la conduite des politiques publiques d'accompagnement social que l'État impulse lui-même, comme les « contrats de ville », qui, de fait, se trouvent freinées et minorent gravement les efforts pour l'éducation populaire et citoyenne, le vivre-ensemble, et la régulation du lien humain et du climat social dans les sites les plus en difficulté du pays. Les « emplois francs » et l'effort demandé aux entreprises pour qu'elles ouvrent des « parcours d'insertion », ne reposent que sur le bon vouloir de l'économie privée, très aléatoire et inégalitaire car fonction des réalités territoriales, et il est capital que l'État réinvestisse dans cette politique publique.