Il doit bien savoir que c'est clivant. Et pourtant, il prend position. Hamon n'hésite pas à proposer trois mesures qui sont probablement loin de faire l'unanimité. Moi, je trouve la démarche honnête et courageuse.
IL NE CRAINT PAS DE PROPOSER DE LÉGALISER LE CANNABIS
Depuis maintenant des années, on se questionne sur la légalisation du cannabis. Du moins sur le fait de savoir s'il faut ouvrir le débat sur le sujet, entre autorisation limitée ou pas à la thérapeutique, décriminalisation, dépénalisation, tolérance. Hamon a raison de s'engager à faire traiter la question par nos parlementaires.
Il faut arrêter de se cacher la réalité. Tout le monde sait bien que le trafic de stupéfiants, et notamment du cannabis, est une peste noire pour la vie de nos quartiers populaires. Cette économie qu'il est désolant de feindre de croire « souterraine » s'exerce au grand jour, dans nos immeubles HLM et les rues de nos centres anciens dégradés, sur fond de terreur pour les voisins et les passants, voire les propres familles des dealers, de violence, d'embrigadement de gamins de plus en plus jeunes pour jouer les veilleurs. C'est insupportable.
La police et la justice font un travail remarquable, on le voit bien à La Seyne où les arrestations et condamnations sont de plus en plus nombreuses, notamment depuis la mise en œuvre de la zone de sécurité prioritaire, l'un des 60 engagements — le numéro 52.2 — de Hollande, qui a bien été tenu. Mais, à peine éradiqué, un trafic est remplacé par un autre. On ne s'en sort pas. Pourquoi alors ne pas tenter d'agir sur l'une des causes de cette gangrène, en supprimant la demande pour anéantir l'offre ?... Sur le sujet, je trouve Hamon lucide, intellectuellement probe et courageux. Et j'apprécie.
IL OSE RÉOUVRIR LE DÉBAT SUR LE VOTE DES ÉTRANGERS AUX SCRUTINS LOCAUX
Dans un autre domaine, depuis 1981 et la promesse non tenue de Mitterrand, puis celle de Jospin qui y a aussi renoncé en 2000, suivi de Valls, Premier ministre de Hollande qui en avait fait un de ses engagements en 2012 — le numéro 50.1 —, le sujet revient à chaque échéance : faut-il ou non proposer d'accorder le droit de vote pour les élections locales aux étrangers résidant en France depuis un certain temps ? Là encore, arrêtons de nous masquer la réalité.
Pourquoi différencier un citoyen croate qui, lui, y a droit, et même celui d'être élu, d'un citoyen serbe qui, n'étant pas dans l'Union européenne, ne peut exercer ce droit ? Pourquoi accepter sans distinction de nationalité que des habitants s'impliquent dans des instances de démocratie locale, et même en assurent la présidence, avec de vrais pouvoirs de décision, voire de gestion de budgets participatifs, comme les « conseils citoyens » non pas seulement suggérés par la Loi, mais rendus obligatoires par elle, et leur refuser de participer aux choix des projets de leurs communes ?
Ce n'est franchement pas très téméraire de se cacher derrière un supposé, et même probable en l'état de la représentation parlementaire et de l'opinion, rejet de la part du Congrès ou des citoyens participant à un referendum, pour refuser d'aborder la question de la dignité citoyenne due à tous. Sur la question, je considère Hamon sagace, honnête et audacieux. Et c'est bien.
IL PREND LE RISQUE DE PARTAGER LE POUVOIR DES ÉLUS AVEC LES CITOYENS
En imaginant enfin un « 49.3 citoyen » permettant à un nombre donné d'habitants, par voie de pétition, de proposer ou bloquer un projet parlementaire, certes dans un cadre à définir et préciser, Hamon me semble proposer une avancée vers plus de démocratie participative. C'est vrai qu'on n'empêchera pas certains à l'esprit tordu qui, pour refuser une amélioration républicaine, avancent le risque que des lobbies utilisent le processus pour bloquer un projet utile à la majorité mais nuisible aux intérêts particuliers de quelques-uns.
Mais n'est-on pas un peu hypocrite de faire mine de croire que le lobbying n'existe pas déjà, de façon subreptice ou affichée, auprès des dirigeants de la nation, qu'ils soient parlementaires, membres du gouvernement ou des grands corps de l'État ? N'a-t-on pas intérêt, quand on mesure la défiance du peuple vis-à-vis des institutions républicaines et ceux qui les font vivre, à organiser la participation citoyenne, en encadrant bien sûr l'exercice pour prévenir les dérives et les abus ? En cette matière aussi, j'estime que Hamon est plutôt clairvoyant, vertueux et novateur. Et j'aime bien.
Ça pourrait augurer d'une vraie rupture avec les codes politiques auxquels nos concitoyens sont habitués. Et les réconcilier avec la chose publique. Même ceux qui n'adhèrent pas à ces propositions.