Nous sommes mardi 19. Il est zéro heure et une minute. Le deuil national de trois jours a pris fin il y a quelques instants. Je m'autorise donc à livrer, parce que la vie continue, et le doit, quelques réflexions après les événements dramatiques du 14 juillet à Nice.
Il y a eu beaucoup d'indécence et d'outrance. De la part de nombre de simples gens, comme les lecteurs de ce blog et moi-même le sommes, qui ont livré des images atroces qui se sont diffusées comme des trainées de poudre grâce aux moyens modernes de communication, des commentaires hâtifs, déplacés, des propos, que je veux croire irréfléchis, parfois punissables, pouvant inciter à la haine ou la stigmatisation. On dira que c'est la nature humaine...
INDÉCENCE ET OUTRANCE DE SIMPLES GENS, MAIS PAS SEULEMENT...
Mais il y a eu pareille impudicité et semblable démesure dans certaines images télévisées de chaines grand public, ou dans certains écrits de commentateurs professionnels. Il a eu des présentations de faits suggérant telle ou telle cause, à partir d'un simple infime élément d'éventuelle preuve objective, en prenant bien soin d'user du conditionnel mais en exposant un propos entre guillemets et en italique pour donner à croire à sa véracité, quoique sans citer son auteur... On peut être rassuré : la formation technique et éthique de certains professionnels de l'information n'est pas parvenue à les déconnecter de la nature humaine...
Pas plus que certains acteurs de la vie politique, et pas des moindres, eux aussi prompts à tirer parti, sans pudeur ni dignité, de l'indicible atrocité. Certains d'entre eux, seynois, n'ont pas échappé à la tentation, comme telle élue départementale allant jusqu'à s'attribuer sur un réseau social le mérite de m'avoir demandé de reporter les festivités de la fête nationale, ce qui n'intéresse personne et, de plus, est faux. Nature humaine, quand tu nous tiens...
Tout ça tranche avec la réserve et la gravité affichées par l'immense majorité de notre population seynoise.
RÉSERVE ET GRAVITÉ DES SEYNOIS. ET APPEL À LA... RÉSERVE
Ceci étant, j'ai écouté et analysé avec attention la demande de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, de renforcer la réserve opérationnelle, cette formation de volontaires susceptible d'apporter quelques jours par an un renfort aux corps d'armées ou à la gendarmerie. Je suppose que cet appel vaut aussi pour la réserve civile de la police nationale et aux réservistes locaux à la jeunesse et la citoyenneté.
Et, ça va surprendre du monde, j'y crois. J'y crois parce que ça peut être utile et ça ne peut être que bénéfique au renforcement du lien entre armée et nation qui s'est tant délité avec la disparition du service national, et parce que le volontariat est une des valeurs formatrices de la citoyenneté active qui fait tant défaut pour aiguiser son esprit critique et ainsi prévenir les dérives radicales. Et je formule le souhait que les Seynois-e-s prêtent attention à cet appel et y répondent nombreux.
UNE RÉSERVE POUR LA SÉCURITÉ, MAIS AUSSI POUR L'INSERTION
Mais je crois aussi dur comme fer que c'est par l'éducation, celle de la famille, mais aussi celle de l'école et celle des temps libres, et par la formation professionnelle et l'accès à l'emploi, qu'on pourra agir sur le fond pour prévenir les ruptures sociales et affectives qui aspirent certains individus dans cette atroce spirale qui les mène à l'irréparable.
Or, malgré des efforts gouvernementaux, réels mais insuffisants, et l'implication sans faille des enseignants, l'école souffre de l'inadaptation de ses moyens, les services publics et le monde associatif du péri-scolaire, du sport, de la culture, de la solidarité, sont à la peine avec les baisses des dotations de l'État, les organismes de formation professionnelle, les chambres consulaires des métiers, du commerce, de l'artisanat, de l'industrie, déplorent la dichotomie entre offres de qualifications et besoins d'emplois, les missions de médiation entre les populations les plus fragiles, les plus éloignées du travail, et les acteurs économiques, manquent de moyens. Tous les ingrédients sont réunis pour laisser des habitants du pays sur le bord de la route vers la citoyenneté et l'appartenance à la communauté nationale.
À LA SEYNE, COMME AILLEURS, IL Y A MATIÈRE À AGIR. SANS RÉSERVE...
Dans tous ces domaines, il y a matière à agir. Des dispositifs existent. Le service civique, la réserve citoyenne de l'Éducation nationale, et d'autres, méritent d'être mieux connus, largement plus activés, et dotés de moyens publics de l'État accrus. Il faut en imaginer d'autres, centrés sur l'insertion dans le monde du travail, mobilisant les services publics de l'emploi, les corps consulaires, et les entreprises, en contrepartie obligée des appuis que leur apporte la puissance publique.
Et, parce qu'on le doit à la mémoire de ceux qui ont été fauchés et à leurs proches, je me conforte dans l'idée qu'il faut agir, encore et toujours. Et, pendant que certains s'agitent en exigeant avec démagogie des réponses radicales toutes plus excluantes et, au fond, sans effet, que les autres, je m'autorise à rêver que La Seyne pourrait être une sorte de site-pilote de l'engagement citoyen volontaire de ses habitants si généreux, de ses acteurs économiques et sociaux, de ses fonctionnaires de tous corps, dans quelque domaine que ce soit : prévention, sécurité, éducation, sport, culture, solidarité, environnement, insertion professionnelle... Quel pied-de-nez ce serait à la face des barbares !
Un grand événement mobilisateur dans ce sens, entre l'automne et le printemps prochains, ça aurait de la gueule, non ? Qui me suivrait ?...