9 avril 2016 6 09 /04 /avril /2016 16:23

Pour que chacun mesure la réalité des évolutions de la situation budgétaire de la commune au cours des dernières années, j'ai pensé utile de créer quelques graphiques qui me semblent permettre de mieux comprendre les causes des difficultés à équilibrer le budget 2016, les efforts accomplis et les curseurs qu'il est possible, même avec difficulté et à contrecœur, d'activer.

À ceux qui seraient tentés de penser "qu'on fait dire ce qu'on veut aux chiffres", je précise que les données budgétaires utilisées sont officielles, validées par le conseil municipal chaque année, et soumises au contrôle de légalité de l'État. Les données de 2015, quoiqu'exactes, ne seront validées qu'en juin prochain, au moment du vote du compte administratif, et celles de 2016 sont celles notifiées par l'État à la commune. Les données statistiques (nombres d'habitants et de logements) sont celles fournies par l'INSEE et retenues par l'État.

 

UNE BAISSE DANGEREUSE DES APPUIS DE L'ÉTAT

Le premier graphique ci-contre présente l'évolution entre 2008 et 2016 des recettes provenant des impôts locaux et des dotations de l'État, comparée à l'évolution démographique et du nombre de logements. On remarque que les produits des 3 taxes locales (que je simplifie en "impôt") , même sans augmentation des taux votée par la commune (sauf en 2008) ou baisse des abattements (2009), ou surtaxe sur les résidences secondaires (2015), ont jusqu'aux dernières années à peu près suivi la croissance de la ville. Mais aussi que c'est loin d'être le cas des dotations attribuées par l'État, pourtant supposées dépendre pour partie de la démographie, surtout depuis 2013 où la baisse des aides plonge dangereusement.

L'analyse de l'évolution des taux (ci-contre à gauche) d'une année sur l'autre confirme cette lecture des données brutes ci-dessus. Mais elle permet également de constater que, à partir de 2016, au vu des notifications de recettes fiscales de 2016, les impôts locaux ne suivent plus, étrangement, l'évolution de la population et du nombre de propriétés. C'est une donnée nouvelle, inexplicable à ce jour, qui ne peut qu'inquiéter, et qui a d'autant moins pu être anticipée qu'elle n'a été notifiée qu'après le débat d'orientation budgétaire qui s'est tenu le 15 mars dernier.

On voit également sur les courbes ci-dessus que la hausse de l'imposition locale que le conseil municipal a dû décider en 2008-2009 était le moyen de compenser la baisse des dotations de l'État en 2008, probablement due à la méthode de calcul du nombre d'habitants qui a conduit l'INSEE à produire une "population légale" inexacte, inférieure à la population réelle, mais aussi la couverture des dépenses un peu "exagérées" du mandat 2001-2008 et la disparition de la subvention départementale accordée aux grandes communes dites "en difficulté", jugée anormale par la chambre régionale des comptes.

Et, si l'on fait un focus sur l'évolution récente, entre 2014 et 2016, avec le graphique ci-contre à droite, on a confirmation que l'impôt local ne suit plus l'évolution de la population et la création de logements, et surtout qu'il est très loin de pouvoir compenser la baisse des dotations, en forte accélération, de près du quart, des dotations de l'État.

Il est donc très clair que ce sont les aides de l'État, en forte baisse continue depuis trois ans, et encore annoncées pour les années prochaines, qui sont la cause des difficultés de la commune.

 

HEUREUSEMENT QU'ON N'A PAS ATTENDU POUR CONDUIRE DES EFFORTS

La commune connaît une situation fragile depuis de longues années. Dès 2008, il a fallu entreprendre une régulation du fort endettement, très coûteux et risqué, et surtout générateur de dépenses annuelles importantes, en remboursement de capital des emprunts comme en frais financiers (intérêts et autres). D'autant plus qu'une partie de la dette est constituée d'emprunts dits "structurés" souscrits en 2005-2006, dont les taux peuvent flamber chaque année en fonction de la volatilité des taux de change respectifs entre des devises telles que le dollar américain, le yen japonais et le franc suisse. Et les emprunts souscrits avant 2008 se payent... depuis 2008.

On a donc pris des mesures pour contenir l'endettement et amorcer sa décrue (courbe rouge du graphique ci-contre), même s'il a fallu encore recourir à l'emprunt pour réaliser de lourdes opérations d'investissement comme le programme de rénovation urbaine de Berthe, dont le calendrier de réalisation arrêté en 2006 n'est pas négociable, sauf à perdre les subventions publiques qui viennent en déduction des coûts. La ligne rouge du graphique ci-contre à gauche montre le résultat des mesures prises pour contenir l'encours de la dette.

Mais il a aussi fallu dégager les moyens de réduire la durée nécessaire au désendettement de la commune, qui était de 96 années en 2009. L'objectif est d'atteindre une durée inférieure à 10 ans mais, en six ans, on n'est pour l'instant parvenu qu'à une durée de 24 ans, ainsi que le montre la ligne verte du graphique. L'effort doit donc être poursuivi pendant de longues années, mais il engendre chaque année des contraintes énormes sur le budget.

Et, naturellement, pour compenser les contraintes de la dette conjuguées aux pertes de recettes, tant de l'impôt que des dotations de l'État, il n'y a que trois solutions : augmenter les taux des taxes locales (habitation et foncier), ce que nous avons dû faire en 2009, créer des investissements productifs de revenus (crématorium, casino de jeux, etc), et diminuer les dépenses de fonctionnement, tout en maintenant le service public pour une population qui ne cesse de croître.

Le graphique ci-contre montre que nous sommes parvenus à réduire le coût de fonctionnement des services (achats de consommables, fournitures, matériels et services), le ramenant au niveau où il était en 2004 (ligne bleu foncé).

Nous avons aussi réduit les participations et subventions que la commune verse à divers organismes publics (CCAS, Caisse des Écoles, service départemental des pompiers, etc.) et à plus d'une centaine d'associations sportives, culturelles, solidaires, environnementales, mémorielles, etc, lesquelles ont dû supporter trois baisses d'aides communales depuis 2009 (ligne rouge).

Mais il est impossible de réduire les frais financiers liés à l'emprunt, qui constituent des charges obligatoires qui, pour certains emprunts, s'accroissent contractuellement avec des taux non fixés ou progressifs (ligne bleu clair).

Le dernier levier que nous avons attendu au maximum d'activer est celui des coûts de personnel, chose que, à contrecœur, nous avons dû nous résoudre à décider en 2014, en retenant l'option du non remplacement systématique des fonctionnaires partant à la retraite (14 sur 37 seulement auront été remplacés en 2015), la non reconduction de contrats de non fonctionnaires, ou encore l'obligation de partir à la retraite dès qu'on a atteint l'âge de 65 ans.

Et le résultat de l'activation du curseur "personnel", insuffisant pour l'équilibre budgétaire puisque les coûts ont progressé de plus de 9% (graphique ci-dessus), n'est satisfaisant ni pour la qualité du service aux citoyens, toujours plus nombreux, ni pour les personnels eux-mêmes.

On voit donc que l'ensemble de ces efforts, pourtant significatifs, sont insuffisants du fait, en particulier, des baisses drastiques des aides de l'État qui ne vont que s'accroître.

 

OBJECTIF : PAS D'AUGMENTATION DE LA FISCALITÉ LOCALE POUR ÉQUILIBRER

Déjà rudement frappés par la crise et l'austérité, il n'est pas question de faire supporter aux Seynois une nouvelle hausse des taux de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière.

Le budget 2016 initialement préparé (avant les annonces catastrophiques de mars) prévoyait donc déjà la poursuite de l'activation de tous les leviers possibles (réduction des achats de consommables, de biens et de services, diminution des subventions, compression de dépenses de personnel, augmentation de certains tarifs de services, reports de projets d'investissement). On parvenait ainsi, vaille que vaille, à l'équilibre.

Mais les impensables et inacceptables dernières annonces de l'État, qui obèrent l'équilibre de 2016, mais aussi celui des années futures, obligent à décider dans l'urgence d'une aggravation des mesures de restriction budgétaire, dans tous les domaines évoqués.

Il n'empêche, ce sera insuffisant. Le budget sera donc présenté en déséquilibre et il appartiendra à l'État d'assumer sa responsabilité dont les effets apparaissent de façon criante sur les graphiques ci-dessus.

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Publié par Marc Vuillemot - dans Finances - budget et impôts