"Tu les salues ???" Eh bien oui, je les salue. Dans ma famille, à l'école, au sport, dans mon parcours dans les mouvements d'éducation populaire, c'est ce qu'on m'a appris. À dire bonjour plutôt qu'à mettre une tarte dans le museau. Mais ça ne veut pas dire qu'on est des copains, avec les gens qui militent à l'extrême droite.
Ce que je ne salue pas, en revanche, c'est les projets qu'ils portent. Parce qu'on ne me fera pas croire qu'il y aurait l'extrême droite d'avant et celle d'aujourd'hui, toute différente, aux idées qui seraient devenues bien fréquentables. Oui, le FN est un parti légal, c'est entendu. Mais ce n'est pas un parti républicain. Les actes de ses élus, d'hier et d'à présent, dans les communes que ses troupes gèrent ou ont géré, en attestent.
Et, surtout, si on y regarde d'un peu près, ils se répètent dans une réelle similarité, dans les années 90 comme depuis 2014, dans le Nord comme dans le Midi. A contrario de ce que voudrait faire croire l'actuel secrétaire départemental du FN varois en jurant qu'il "ne veut pas d'un Le Chevallier-bis" [maire FN de Toulon en 1995].
DANS LA DEVISE DE LA RÉPUBLIQUE, IL EST ÉCRIT "ÉGALITÉ"
Ne pas être républicain, c'est ne pas respecter l'égalité d'accès de tous aux services. Ici on veut interdire l'accès à l'étude surveillée du matin aux enfants dont les parents ne travaillent pas ; là on décide d'augmenter les tarifs des cantines pour les enfants pauvres ou on réserve ce service à ceux dont les deux parents ont un emploi ; ailleurs on tente d'instituer une "prime de naissance" de 5.000 francs (environ 700 euros) pour les familles dont au moins un des parents est Français ; ailleurs encore, on imagine de réclamer, pour l'accès des petits écoliers à une distribution de cadeaux de Noël, "une carte nationale d'identité ainsi qu'un justificatif de domicile" ; en d'autres lieux, on refuse d'organiser les baptêmes républicains ou on laisse, "en son âme et conscience", le choix à ses adjoints de célébrer ou non les mariages entre personnes de même sexe ; autre part, on imagine délibérément une "fête du cochon" qui ne s'appuie sur aucune tradition locale, sachant que, ce faisant, une partie de la population s'en trouvera exclue, tandis que, dans une autre commune, on décide de supprimer en été les bus reliant certains quartiers populaires périphériques au centre-ville, et, dans une troisième, on tente de limiter l'accès du public aux séances du conseil municipal.
LA FRANCE, ÇA N'A JAMAIS ÉTÉ L'EXCLUSIVE CULTURELLE
Ne pas être républicain, c'est ne pas respecter les diversités culturelles qui fondent la richesse de la France et qui en constituent son ciment. À Toulon, en 1996, le maire a voulu mettre au pas le centre national de création et de diffusion culturelles de Châteauvallon, comme il a exclu certains écrivains de la Fête du Livre. Un peu partout, ses collègues d'hier comme d'aujourd'hui effectuent des purges dans les bibliothèques communales, en supprimant des abonnements à la presse, en souscrivant d'autres, et en sélectionnant les ouvrages mis à disposition du public. Là, on déprogramme un groupe de rap, ailleurs le maire indique que si, dans tel spectacle culturel et festif, il est "proposé comme seul spectacle des danses orientales, [il] signe et resigne [son] opposition, parce qu'ici on est en Provence, pas en Orient, et, s'ils veulent vivre comme en Orient, les frontières sont ouvertes". Un peu partout, au-delà de la censure politique ciblée sur tel pan de la culture, on diminue drastiquement les aides communales aux événements culturels, à l'instar des Chorégies d'Orange, et aux centres socio-culturels où s'exerce l'éveil à la culture et aux arts et où se forgent les consciences, comme d'ailleurs on restreint les moyens de clubs sportifs et d'associations d'insertion.
"FRATERNITÉ" AUSSI EST INSCRIT AUX FRONTONS DES ÉDIFICES PUBLICS
Ne pas être républicain, c'est, dans la sphère publique, agir contre les symboles de la Paix, de l'amitié entre les peuples, des droits de l'homme, de la fraternité et du vivre ensemble. Et certains, au FN, n'en veulent pas, de ces symboles. Dans une commune, on débaptise la rue commémorant le cessez-le-feu de la fin de la guerre d'Algérie pour lui donner le nom d'un participant au "putsch des généraux" d'avril 1961. Dans plusieurs autres, on ôte les drapeaux de l'Europe du fronton des mairies et dans d'autres on chasse des associations comme la "Ligue des Droits de l'Homme" des locaux communaux. Ailleurs encore, on refuse d'organiser la commémoration de l'abolition de l'esclavage instaurée par le Président Chirac.
UN DEVOIR : GÉRER LES RESSOURCES QUE CONFIE LE PEUPLE À SES ÉLUS
Ne pas être républicain, c'est se moquer d'une bonne gestion des ressources publiques dont les citoyens confient la charge à leurs édiles. On sait bien que ce n'est hélas pas l'apanage exclusif de maires d'extrême droite, mais tout de même ! Nombre de ces nouveaux édiles ont augmenté significativement leurs indemnités dès leur élection, l'un d'eux ayant même dû faire marche arrière sur injonction du préfet. On ne se souvient peut-être pas des condamnations de la ville de Vitrolles à régler deux millions de francs d'indemnités pour des licenciements abusifs, ni de celle du maire de Marignane pour favoritisme, fausses factures et emplois fictifs. On a peut-être oublié, à Toulon, la dette de trois millions d'euros de l'association "Jeunesse toulonnaise" créée par le maire de l'époque ou l'augmentation de 60% du budget du personnel communal. Mais on se souvient sûrement de la récente décision d'invalidation du maire de Hayange, en attente d'un jugement en appel au Conseil d'État, pour des comptes de campagne contestés au point qu'une enquête préliminaire a été ouverte, et de l'année d'inéligibilité infligée à l'actuel leader du FN de chez nous pour mauvaise gestion - certes en rien délictuelle - de sa comptabilité de campagne à l'occasion des législatives de 2012.
IL N'Y A PAS DE HASARD. QUE NUL NE L'OUBLIE !
Tout ça fait tout de même beaucoup pour les cinq communes gérées par l'extrême droite dans les années 90 et les douze qui ont fait ce choix l'année dernière. Ça fait surtout, mis bout à bout, d'étranges similitudes dans le temps et en tous lieux qui ne doivent pas être dues au hasard. Je crois plutôt que, derrière tout ça, derrière la façade proprette du FN nouveau look, se terrent toujours les mêmes choix de société qui exhalent, au fond, le rejet des valeurs de la République et de la démocratie. Que personne ne l'oublie. Que nul ne se laisse prendre.
J'ai dérobé le dessin illustrant cet article sur le site de "L'observatoire des mairies FN" du MJS des Bouches-du-Rhône. Je peux le supprimer sur demande des jeunes socialistes, bien sûr.