17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 07:02

http://media.paperblog.fr/i/477/4777961/cette-annee-vais-faire-courses-rentree-ligne-L-WZHJd_.jpegOui, je le maintiens, la réforme des temps de vie des enfants a un sens et une utilité pour les écoliers.

C'est bien pour cela, sûrement, que de nombreuses organisations l'ont réclamée en 2011 en signant "l'appel de Bobigny" : des syndicats de l'Éducation nationale et confédérations interprofessionnelles (FSU, CGT, CFDT, UNSA, parmi d'autres), une importante association nationale de parents d'élèves (FCPE), la quasi-totalité des mouvements d'éducation populaire, de scoutisme et de formation d'animateurs socio-éducatifs, des associations de personnels territoriaux, dont celle des fonctionnaires des services communaux de l'éducation et de l'enfance (ANDEV).

Et que, parmi les premiers signataires, on comptait aussi près de 80 maires de villes grandes et moyennes, de toutes sensibilités, même si les édiles de gauche, dans toutes ses composantes (EELV, MRC, PRG, PS, PCF), composaient l'essentiel de la liste. J'étais de ceux-là.

Pourquoi alors, aujourd'hui, tout le monde - ou presque - est-il vent debout contre la réforme réclamée ?

À l'épreuve de l'exercice de sa mise en œuvre, les constats sont évidents...

 

C'EST COMPLIQUÉ, COÛTEUX, DÉSTRUCTURANT

C'est compliqué.

C'est très coûteux pour les finances communales au point que ça entraînera immanquablement une hausse de l'imposition locale, d'autant que c'est concomitant à la baisse des dotations de l'État aux communes.

C'est inabouti car se limitant à la semaine scolaire sans agir sur la durée des congés.

Ça oblige à reprendre aux écoles des ressources humaines que les communes leur allouaient en temps scolaire pour les redéployer en temps périscolaire, entraînant une réduction au minimum règlementaire du nombre des ATSEM (agents communaux des écoles maternelles) et une diminution, voire suppression, des activités conduites en coopération entre enseignants et animateurs socio-éducatifs, sportifs ou culturels.

C'est fragilisant pour l'égalité républicaine que l'État éducatif doit aux enfants de France, car les communes pauvres ne peuvent y investir suffisamment de moyens financiers, et celles - souvent les mêmes - accueillant des gens humbles ne peuvent leur demander de payer pour les activités nouvelles. Et on peut hélas imaginer que trois heures de moins d'école obligatoire se traduiront, pour les enfants les plus fragiles des quartiers populaires où les familles peinent à exercer leur fonction parentale, par trois heures de plus dans la rue, avec les risques de déviances que cela peut entraîner (La Seyne n'est pas "zone de sécurité prioritaire" pour rien...). Sans compter que, rien ne permettant d'assurer qu'on disposera d'assez d'adultes pour accueillir tous les enfants, rien n'est dit sur les critères de choix des "heureux bénéficiaires"...

Ça rompt avec la "discrimination positive" que, depuis plus de trente ans, la politique des "zones d'éducation prioritaire" avait initiée pour compenser les inégalités socio-économiques pour l'accès aux savoirs. Ainsi, par exemple, La Seyne, premier site d'éducation prioritaire de l'académie de Nice, ne bénéficiera même pas de la majoration portant de 50 à 90 euros la subvention d'État dédiée au dispositif !

C'est inquiétant en matière de sécurité des enfants car, pour atteindre l'impossible objectif de s'occuper après l'école de tous ceux que les parents ne pourront venir chercher en milieu d'après-midi, on autorise des taux d'encadrement si faibles qu'il sera difficile d'envisager autre chose qu'une garderie sans activités structurées, avec tous les risques que cela peut entraîner pour des enfants ayant travaillé depuis le matin... en particulier les petits de maternelle.

Ce qui sera gagné en qualité des temps d'apprentissage scolaire sera perdu en qualité et quantité de l'offre des activités périscolaires existantes. Ça démantèle les organisations des offres éducatives complémentaires à l'école : initiations sportives, accueils de loisirs sans hébergement, activités de conservatoires, écoles et clubs de musique, etc.

 

C'EST INQUIÉTANT POUR LES PERSONNELS DE MAIRIE ET LES ASSOCIATIONS

 Ça met à mal les patients efforts accomplis depuis des décennies pour une meilleure connaissance - et reconnaissance - mutuelle entre enseignants, agents territoriaux, volontaires et personnels du monde associatif, les premiers ayant été appelés à se prononcer avec les familles sur le schéma d'organisation dans leurs conseils d'écoles, instances qui ont le dernier mot, les autres étant laissés à la porte de la décision finale alors même qu'ils ont travaillé depuis des mois pour élaborer des projets cohérents d'organisation des temps. Que les mairies payent et se taisent !

Ça inquiète à juste titre les agents territoriaux sur leurs nouvelles missions, sur le respect de leurs statuts, sur la désorganisation de leur travail, sur l'exercice de leurs responsabilités dans un système mal organisé, et même, pour les vacataires et salariés publics horaires, sur la pérennité de leurs emplois ou le maintien de leurs temps de travail, donc de leur salaire. Ainsi, à La Seyne, ça pourrait représenter de 4 à 5 heures de moins pour les animateurs de loisirs. On ne peut que comprendre leur angoisse et leur choix de se faire entendre en déposant un préavis de grève reconductible. Et il est bien normal qu'ils interpellent leur employeur... tout en sachant qu'il serait aussi judicieux qu'ils interpellent l'Éducation nationale...

Et il en est de même des personnels associatifs de ces champs d'activités, comme aussi de la pérennité de certains clubs et associations qui, ne pouvant plus exercer leurs missions, verront leurs subventions publiques diminuées. Quand on sait le rôle que les associations jouent, notamment dans les communes à la population fragile, pour la régulation du climat social, on peut à bon droit s'inquiéter.


L'ÉTAT DOIT NOUS ENTENDRE : OUI À LA RÉFORME, MAIS AVEC LES MOYENS !

Alors, oui, la réforme a un sens et est utile. A La Seyne, nous voulons la mettre en œuvre. Mais pas dans de telles conditions.

J'ai donc réclamé ce lundi aux instances politiques régionales de l'Éducation nationale, donc au cabinet de Madame le Recteur, que ces éléments soient enfin considérés, que soient garantis durablement à la commune les 1,15 millions d'euros annuels nécessaires à une organisation correcte (contre les 0,31 millions annoncés pour les deux seules premières années scolaires), et que les élus locaux, les personnels territoriaux et les associations partenaires agréées aient le même poids que les enseignants et les parents dans les choix et décisions d'organisation, dans une instance autre que les conseils d'écoles.

Et il y a urgence !

C'est à ces conditions que l'intérêt des enfants sera préservé et qu'on réussira une réelle avancée pour la construction de futures adultes citoyens, éclairés, instruits, ayant développé le meilleur de leurs potentialités. Ce que nous devrions tous souhaiter.

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Publié par Marc Vuillemot - dans Éducation - enfance - jeunesse