Au menu de la rencontre organisée ce lundi par la Chambre de commerce et d’industrie du Var, une réflexion collective sur le thème « Les ports, plus que jamais au service de l’économie varoise ». Un sujet qui passionne La Seyne, naturellement. Et sur lequel, avec d’autres acteurs politiques, j’ai été invité à prononcer quelques mots...
« Même si les choses vont sans dire, c’est souvent mieux en les disant : lorsque je regarde au quotidien depuis mon bureau les bateaux de France Télécom Marine qui s’en vont réparer ou poser des câbles sur toutes les mers, ceux qui font la liaison entre Istanbul et La Seyne, les grands yachts que l’on accueille depuis maintenant quatre années, les gigantesques navires de croisière, l’activité de notre Réseau Mistral, les pêcheurs qui accostent pour vendre à quai, les voiliers petits et grands, et les carcasses des bâtiments de « La Royale » qui attendent d’être démantelées, je me dis, sans être un expert, qu’il y a là, à n’en pas douter, un impact certain. Et que la mer nourrit des hommes.
« Immédiatement, la question est alors de savoir de quelle nature et de quelle hauteur ?
« Y a-t-il pérennité de l’emploi ? Y a-t-il création d’emplois ? Et pour qui ? Dans quels secteurs ? L’activité maritime elle-même a-t-elle un avenir ? Et en a-t-elle un ici ?
« Ce sont là des questions auxquelles vous, les professionnels, êtes capables de répondre, et à partir desquelles, moi, le politique, je dois proposer quelque chose : des pistes de co-décideur pour une analyse et un projet à partager.
« Et je voudrais livrer trois réflexions principales, fussent-elles modestes et probablement évidentes aux professionnels que vous êtes...
L’AUDACE ENTREPRENARIALE ET L’UNITÉ DE RADE
« La première vient de l’expérience vivante, de l’observation.
« Notre Rade, car c’est bien de cela qu’il s’agit, et non pas comme je l’entends encore du Port de Toulon, de la BAN de St-Mandrier ou du Port de La Seyne, notre Rade, donc, est notre patrimoine commun. C’est elle qui nous unis. C’est d’elle qu’est venu l’essor de nos cités (La Seyne l’a appris en 150 années de chantiers navals, même si l’histoire nous a montré le danger de mettre tous nos œufs dans le même panier). Et c’est d’elle encore, notre Rade, que viendra notre avenir. Pour moi, c’est plutôt clair.
« Si aujourd’hui on s’interroge sur le site de Brégaillon, c’est d’abord parce que quelques entrepreneurs audacieux ont relevé le défi de poursuivre une activité quasi ancestrale alors même que la concurrence, notamment avec Marseille, pouvait l’occulter sinon la faire disparaître.
« Il faut le dire ici, et le saluer, l’entreprise privée a été intelligente : la liaison avec Istanbul ne serait peut-être pas ce qu’elle est si un vrai travail de partenariat n’avait été conduit avec les dockers (et, pardonnez le toujours syndiqué CGT que je suis, je me souviens de la belle et utile complémentarité, quand ça coinçait question Europe ou pas Europe face aux pouvoirs publics, chacun à sa place, entre patronat et organisations syndicales).
« Si on s’interroge sur le site de Brégaillon, c’est aussi parce qu’on voit maintenant sa richesse et son potentiel. Un potentiel de développement qui, bien sûr, impacte directement l’emploi, mais, au-delà, qui structure toute une agglomération. Et c’est là ma seconde réflexion.
LA SEULE VOIE DURABLE, C’EST LA COMPLÉMENTARITÉ D’ACTIVITÉS
« Je suis toujours « bêtement » interloqué par ce décalage croissant entre, d’une part, la réalité des faits, la réalité de l’activité économique et les difficultés pour ces sociétés qui n’émargent pas au CAC 40, la réalité de ces chefs d’entreprises et de ces travailleurs qui mouillent leurs chemises, et, d’autre part, le rôle de nos bureaucraties, de nos administrations qui, souvent, se parent de leurs suffisances de « sachants », à défaut d’être capables de composer et simplement d’organiser une activité avec les acteurs principaux que sont les « faber », c’est-à-dire ceux qui font : ici CNIM, Foselev, Océanide, les messageries varoises, Monaco Marine et les autres de Grimaud, et toutes les autres d’ici ou là, grandes et petites...
« Je ne vais pas ici refaire étalage de la peine avec laquelle certaines de nos institutions, sans doute animées de louables objectifs, compliquent plus les choses qu’elles ne les améliorent.
« On le voit encore maintenant avec la restructuration de Brégaillon et de Grimaud, et les épisodes ubuesques de la mise en place de la zone de sécurité.
« Je ne vais pas plus faire état du comportement de ces mêmes institutions qui, sans doute par zèle politique, en arrivent à faire se battre les montagnes. « Et je sais gré à la sagesse d’Hubert Falco d’être attentif à ce que notre communauté intercommunale solidaire n’y laisse pas des plumes et fonctionne sans heurts.
« Aussi, que ce soit clair une bonne fois pour toutes : il y a de la place pour tout le monde dans notre Rade et, si l’on veut que tout cela fonctionne, la seule voie qui existe, la seule voie durable, c’est la complémentarité d’activités. Mais une complémentarité intelligente, c’est-à-dire équilibrée.
« Je crois que la puissance publique en sortirait grandie si elle manifestait sa capacité à faire un projet structuré, durable, où les équilibres entre les territoires seraient assurés.
« Je ne suis pas contre les ferrys, ou la croisière, ou les yachts, ou les barques de pêche. Je suis pour ! Mais je suis contre la spécialisation. Je ne vois donc pas pourquoi plus La Seyne que Toulon ne connaîtrait d’activités plus ou moins « nobles » ici que là-bas. Et je dirais autant d’une rive que de l’autre !
« Mais il est vrai que cela a aussi un impact, et c’est ma troisième réflexion.
DÉPLACEMENTS, INFRASTRUCTURES, FORMATIONS : LE RÔLE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE
« Je crois qu’on ne peut envisager l’avenir économique sans poser aussi les conditions de son développement. Je vise essentiellement ici les transports et les infrastructures.
« Je pense que, si l’on concentre l’activité et qu’on la densifie, sans travailler sur l’infrastructure, et pas seulement portuaire, mais également urbaine, alors on court à l’asphyxie : celle de l’activité, et celle de nos habitants.
« Je suis heureux de constater que ce message est clairement passé dans la réflexion de TPM, puisque c’est précisément l’objet des études qui vont prochainement être lancées. On verra ce qu’elles nous disent, mais, d’ores et déjà, nous devons nous projeter à moyen et long terme…
« Demain notre « agglo », communauté urbaine ou métropolitaine de fait sinon de droit, car rassemblant un bassin de population de quasiment 500.000 habitants, devra être capable d’organiser la circulation des personnes et des biens, rapidement, pratiquement, et en préservant autant que faire se pourra notre environnement.
« Elle devra en outre prévoir des secteurs de vie propres à un habitat digne, des services, de la santé publique, de l’éducation, de la culture, du sport et du loisir, et en veillant à ne pas stigmatiser telle ou telle population ou tel ou tel territoire.
« Elle devra enfin, et j’en terminerai par-là, créer les conditions de l’émergence de filières professionnelles. Elle s’y implique déjà bien, avec son appui à l’université et aux établissements supérieurs, et on le voit aujourd’hui avec le beau succès de Seatech. Et elle doit mieux jouer encore son rôle pour la mobilisation et la mise en synergie autour des enjeux formatifs des autres institutions qui ont compétence en la matière, notamment l’État et la Région, pour tirer le meilleur parti de ceux de nos lycées qui ne doivent pas se désengager des rôles qui leur avaient été dévolus comme « lycées des métiers », et des Centres de formation d’apprentis, à commencer par celui de La Seyne et ses métiers de la mer.
« Vous voyez, pour moi l’impact économique des ports est réel, et il va largement au-delà de l’activité spécifiquement portuaire. Un port, ça structure, pour des générations, les cités, les cadres de vie et l’organisation sociale.
« Et, dans ces périodes de difficultés économiques, nous devons mettre toutes nos chances de notre côté en commençant par consolider ce qui existe.
« Sur la base de ce constat, que nous pouvons et devons partager sauf à rater le train de l’avenir, nos choix politiques d’investissement ne seront que plus clairs. Et la puissance publique aura un peu joué son rôle. »