C'est un difficile dilemme que la question des expulsions locatives de familles en situation anormale vis-à-vis de notre bailleur social seynois "Terres du sud habitat" (TSH). À l'heure où une quinzaine d'entre elles subissent l'exécution de décisions qui sont, pour certaines, en attente depuis des années, je me dois de préciser la position de notre équipe municipale et rappeler certaines réalités ignorées ou incomprises. Nous sommes à la fois pour le droit à un toit pour tous et pour le respect des codes et usages républicains protecteurs de tous.
Il faut saluer le Législateur qui a prévu le dispositif "Droit au logement opposable" (DALO) permettant aux familles à la rue de solliciter le préfet afin qu'il leur attribue un logement social. Il faut certes compter plusieurs mois, surtout dans notre territoire du "Grand Toulon" où peu de communes disposent d'appartements HLM. Si quelques-unes font effort pour se mettre en conformité avec la loi imposant plus de 25% de logements sociaux, beaucoup trainent les pieds, compliquant la mission des organismes d'HLM devant appliquer les décisions du préfet. Il faut aussi savoir que près de 8 sur 10 des foyers varois sont éligibles à un logement social, ce qui facilite encore moins la tâche. À TSH, qui dispose d'environ 5.000 appartements, plus de 3.000 familles sont en permanence en attente, certaines depuis plus de douze années.
UN EFFORT NÉCESSAIRE POUR LE DROIT AU LOGEMENT POUR TOUS
Il faut donc qu'un effort intercommunal d'envergure soit mené, ainsi que le font des villes comme La Valette ou La Seyne, mais sur l'ensemble du territoire, de Saint-Cyr au massif des Maures. Et, si cet effort doit être réparti sur l'ensemble des communes, il faut aussi qu'il soit correctement partagé en matière de types de logements : La Seyne ne peut plus être l'une des rares communes à offrir un pourcentage important d'appartements "très sociaux" tandis que d'autres ne proposeraient que des HLM "haut de gamme".
Faute que quoi on continuera à concentrer chez nous plus de 80% de familles en très lourde difficulté sociale et économique, celles qui ne peuvent régler que des loyers modestes. C'est là un impératif républicain et l'État se doit de plus et mieux aider et peser, quitte à sanctionner, pour que les maires assument leurs responsabilités légales.
Mais il n'est pas moins nécessaire que les citoyens soient eux-mêmes respectueux de leurs obligations.
LA RÉPUBLIQUE, CE SONT DES DROITS ET DES DEVOIRS
Comment accepter que, lorsqu'on investit 280 millions d'euros depuis 2007 dans la rénovation urbaine de nos quartiers d'habitat social, une infime poignée de personnes, outre le fait qu'elles pourrissent la vie de l'immense majorité par des incivilités constantes, dégradent des parties communes, des appartements, entrainant des dépenses colossales qui consomment autant de moyens financiers qui ne seront pas investis dans la construction de nouveaux appartements ?
Comment expliquer aux milliers de gens qui attendent patiemment un logement qu'on veut assurer l'égalité républicaine si on n'expulse pas dans les meilleurs délais les squatteurs qui s'autorisent à s'installer sans bail en crochetant la serrure d'un appartement devant être mis à la location sociale ? Sur ces points, nous devons être intransigeants. Si l'on peut être ému par des situations de détresse de certaines familles, cumulant de lourds problèmes économiques, sociaux, sanitaires, que ceux qui ont la responsabilité des services sociaux, tant départementaux que du ministère en charge de la cohésion sociale, fassent leur travail, mais nous devons nous interdire de déroger. Accepter un seul squat, ou régulariser une telle situation, c'est mettre le doigt dans un engrenage infini.
Comment faire comprendre à ces centaines de familles modestes, dignes, pour beaucoup sous le seuil de pauvreté, qui font un effort constant pour régler leurs loyers et charges, parfois en mettant de côté leur fierté pour solliciter les aides des conseillères en économie sociale et familiale afin d'être accompagnées pour tenir les engagements d'un plan d'appurement d'une dette, que d'autres pourraient sans risque s'exonérer de leur dû ? La crise et l'austérité frappent gravement les plus modestes de nos locataires ; à TSH, sur 5.000 locataires, environ 1.500 d'entre eux sont à la peine pour régler leurs loyers, plus de 300 seraient expulsables au regard de la loi et des règlements, mais nos agents s'efforcent de les aider à se sortir d'une grave spirale de dettes ; et, oui, moins de 0,4% d'entre eux ont vu leurs dossiers transmis à la préfecture qui a considéré avec le bailleur social que c'est de mauvaise foi qu'ils ne respectent pas leur engagement, et qu'une décision d'expulsion a été prise. Ces rares familles-là, en effet, ne peuvent pas demeurer locataires, même si elles doivent obtenir des autorités compétentes une assurance de relogement ailleurs. Et l'on relèvera que ce tout petit pourcentage de 0,4% résulte d'un effort coûteux, mais nécessaire, d'appui social mis en place par le bailleur lui-même, alors que, dans le parc locatif privé, ce ne sont pas moins de 5% des locataires qui font l'objet d'expulsions.
APRÈS UN ÉCHEC SOCIAL, VEUT-ON UNE FAILLITE RÉPUBLICAINE ?
Alors, certainement, n'y aurait-il qu'une seule expulsion sur 5.000 familles résidantes, Yves Gavory, conseiller municipal et président de "Terres du sud habitat", a raison de parler de constat d'échec de la puissance publique. Et tous les efforts doivent se poursuivre et s'amplifier pour que plus un seul foyer ne soit en quête d'un logis, que tous puissent dignement honorer leurs contrats de locataires, et même que ceux qui, n'étant pas de bonne foi, se voient contraints de quitter leurs appartements, soient assurés par l'État de ne pas se retrouver à la rue.
Mais il serait pire de fermer les yeux sur les situations irrégulières. D'un constat de désastre social, on passerait à une situation d'échec républicain. Et la porte s'ouvrirait un peu plus à la rupture du pacte social qui fonde notre République, pouvant laisser s'engouffrer les bourrasques de tous les obscurantismes.