Je lis que les autorités de la Ville ont souhaité aux Seynoises et Seynois « un Noël scintillant rempli de joie et d’instants chaleureux ». C'est ce que chacun espère pour les autres depuis des temps immémoriaux, en cette période du solstice d'hiver où les jours recommencent à croître et où étaient célébrés, bien avant la fête des chrétiens, les cultes de Mithra ou d'Anahita, Yule ou les Saturnales.
Ce temps de l'année est à la fête, donc. Malheureusement pas pour tous les humains, l'actualité du Monde nous le montre chaque jour.
Et, chez nous, comment ne pas avoir avoir de pensées pour tous ceux des nôtres qui traversent cette période de fin d'année sans qu'elle leur apporte plus de gaieté et de chaleur humaine que leurs quotidiens de victimes de la relégation citoyenne et des inégalités sociales, économiques, de droit à la santé et à la prévention, d'accès à un toit et à un savoir émancipateur ?
QUE SCINTILLENT LES GUIRLANDES URBAINES !
Oh, bien sûr, on fait scintiller les espaces publics de la ville – enfin, presque tous, comme l'a remarqué mon ami Olivier Andrau, conseiller municipal de l'opposition des gauches et de l'écologie. On a organisé le traditionnel thé dansant de nos anciens, concocté comme chaque année un joli programme de festivités, loué un espace à une fête foraine qui, étrangement, ne dérange pas le voisinage jadis prompt à se plaindre de la moindre animation sur la même Esplanade Marine, continué à soutenir les efforts d'animation des commerçants, et assuré l'habituelle remise de colis de Noël aux seniors bénéficiaires du minimum vieillesse.
MAIS QUE SCINTILLE AUSSI POUR BEAUCOUP LA LUEUR DU BOUT DU TUNNEL
Mais qu'a-t-on fait pour prévenir ou s'opposer aux expulsions de leur logement des miséreux locataires de bonne foi de notre bailleur social public métropolitain, réalisées jusqu'à la veille de la trêve hivernale ?
Que fait-on pour revendiquer de l'État qu'il prenne à bras-le-corps l'enjeu de la santé des quartiers les plus paupérisés, où se concentrent les plus forts taux d'incidence des trois pandémies qui nous frappent, alors qu'il ne reste plus que deux cabinets médicaux à Berthe et trois au centre-ville, et que notre service d'urgences hospitalières, surchargé, en manque de moyens, et dont ce n'est pas le rôle, ne peut assurer une fonction de garde médicale de proximité ?
Pourquoi restreindre année après année les appuis communaux au formidable monde associatif de nos quartiers vulnérables qui agit avec constance mais avec de plus en plus de difficulté pour rendre leur dignité aux plus pauvres par l'action socio-éducative, la sensibilisation culturelle, l'accompagnement scolaire, parental et social, et prévient ainsi par l'éveil actif des consciences les risques qui touchent en particulier, sous des formes diverses, les femmes, les jeunes et les seniors : violences, notamment intraconjugales, isolement, enfermement, rupture, déviance, délinquance, embrigadement, intégrisme ?
Pourquoi se dire satisfait du plan de reprise des activités industrielles de la plus grande entreprise du territoire, CNIM, qui s'apparente plutôt à un démantèlement par vente à la découpe, dont des dizaines de salariés ont déjà fait les frais et dont bien d'autres, y compris des sociétés sous-traitantes, pourraient – la plupart de leurs syndicats en ont exprimé la crainte – vivre de bien tristes avenirs, accroissant le nombre déjà trop élevé des Seynois en quête d'un emploi ?
Pour beaucoup, ne scintille guère la lueur du bout du long tunnel.
ET QUE SCINTILLE LA FLAMME D'UNE VILLE QUI SE BAT POUR LES SIENS
Ce ne sont là que quelques exemples. Certes l'usage de la fameuse "trêve des confiseurs" commande qu'on lève le pied sur les polémiques politiques en ces temps dédiés à la convivialité fraternelle.
Mais, si les guirlandes scintillent – au-delà du nécessaire pour la plupart car branchées sur l'éclairage public –, clignotent aussi des indicateurs lumineux d'alarmes qui doivent commander que, dès l'aube de l'an nouveau, la puissance publique locale remonte ses manches pour contribuer à inverser la tendance des déterminismes socio-économiques qui fracturent de plus en plus notre société territoriale et nationale.
Une ville peut y prendre sa part. Elle le doit. En se battant pour tous ses concitoyens et leurs droits.
À tous, les meilleures fêtes possible. Et un avenir vraiment plus scintillant. Il n'y a aucune fatalité.
Les images illustrant ce message sont des cartes publiées en 2016 par le "Collectif pour un Québec sans pauvreté". Je peux les retirer sur demande, bien sûr.