Deux opérations presque concomitantes menées à l'initiative de l'office public métropolitain d'HLM pourraient instiller le doute dans l'esprit de nos concitoyens attentifs au droit au logement pour tous.
C'est d'autant plus regrettable que les élus des majorités municipale et métropolitaine n'exposent pas leurs visions des choses ni n'expliquent aux locataires comme au grand public, d'une part les évacuations d'occupants illégaux de logements sociaux vacants, et d'autre part les expulsions de personnes n'ayant durablement pas rempli leurs obligations de locataires, qu'elles soient ou non de bonne foi. En tous cas pas en s'exprimant par voie de médias, ainsi que le montrent les quatre derniers articles de la presse locale portant sur ces graves sujets (LÀ, LÀ, LÀ et LÀ).
Les Seynois, dont sept à huit foyers sur dix sont éligibles au logement social, sont pourtant en droit de savoir. Comment peuvent-ils supporter le silence assourdissant de leur maire ?
Depuis quelques jours, on entend en effet sur les pavés de l'agora populaire seynoise beaucoup d'avis attestant d'une confusion entre des situations très distinctes les unes des autres, dont on aurait espéré que les acteurs politiques aujourd'hui aux affaires locales eussent expliqué les différences à nos concitoyens, ne serait-ce que par une petite vidéo dont ils sont friands, à défaut d'une réponse aux sollicitations des journalistes. Évacuations de squatteurs, expulsions de gens de mauvaise foi, et d'autres de familles victimes de la misère, tout ça ne recouvre pas une seule réalité uniforme.
SQUATTER, ÇA DIT BIEN CE QUE ÇA VEUT DIRE DEPUIS 2000 ANS...
Le verbe latin « co-agere » (faire ensemble) a évolué vers le bas latin « coactire » puis vers l'ancien français « quatir » au sens de « cacher ensemble » puis « enfoncer ensemble », qui a lui-même donné au Moyen-Âge un autre verbe, « esquater », de même sens, lequel, au cours de la grande vague d'apports massifs de mots français à la langue anglaise, inaugurée au XIe siècle par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie devenu le roi William Ier d'Angleterre où il a importé sa langue d'oïl, et poursuivie jusqu'au XVe siècle où le français a été banni outre-Manche car langue de l'ennemi de la Guerre de Cent Ans, a donné le verbe anglais « to squat » qui signifie « enfoncer, écraser ». De ce verbe anglais est apparu au début du XIXe siècle aux États-Unis et en Australie le nom « squatter » qui désignait les pionniers – ou plutôt les colons – anglophones propriétaires de troupeaux qui les installaient dans les territoires inoccupés sur les prairies que les bêtes « écrasaient ». Et ce terme a opéré à la fin du XXe siècle un retour à son pays d'origine avec le "nouveau" verbe français « squatter » et le "nouveau" déterminant « squatteur » utilisés pour désigner l'acte d'occuper illégalement un espace ou un logement et la personne qui s'en rend coupable. Moi qui peste volontiers contre les anglicismes, je m'en abstiendrai donc cette fois-ci puisque, fût-ce avec une évolution sémantique, c'est un retour aux sources.
SQUATTER, ÇA LÈSE TOUS LES HABITANTS
Si le retour du terme « squatteur » dans la langue française est donc bienvenu, ceux qu'il désigne le sont beaucoup moins. Ils sont de plus en plus nombreux, en effet, à s'installer sans droit ni titre, après effraction, dans des logements sociaux vacants du patrimoine de Toulon Habitat Méditerranée, souvent dans la période dédiée aux nécessaires réparations et travaux de propreté qui suit le départ d'un locataire et précède une remise à bail. Ceux-là, qui parfois saccagent les lieux ou bien, voire aussi, une fois installés, ne respectent pas les règles de civilité et de bons usages avec les locataires en règle de la résidence où ils se sont indûment introduits, lèsent ceux qui attendent patiemment l'attribution règlementaire d'un logement et font supporter d'importants coûts de remise en état des parties communes aux autres résidents. Ils doivent être évacués, fût-ce avec l'appui de la force publique.
SQUATTER, C'EST INACCEPTABLE
C'est ce qui s'est dernièrement passé. Il est du devoir du bailleur, avec l'aide du préfet et de la justice, de faire respecter le droit. Si les mesures prévues par la Loi d'accompagnement social des personnes évacuées sont prises, nul ne proteste. En tous cas pas les mouvements politiques progressistes ni les associations de défense du droit au logement, contrairement à ce que certains, jouant de la confusion entre les faits rapportés quatre articles de presse sus-cités, laissent entretiennent ou ne démentent pas, ainsi qu'on a pu le constater en écoutant certaines palabres en ville.
SE RÉSOUDRE À EXPULSER, C'EST UN ÉCHEC
Il ne faut en effet pas mettre dans le même sac « évacuation de squatteurs » et « expulsion de locataires ». À l'approche de la trêve hivernale, les bailleurs sociaux se hâtent souvent de faire exécuter des décisions de justice ayant ordonné des expulsions locatives. Mais on arrive rarement chez nous à de telles extrémités dont le président de Toulon Habitat Méditerranée a honnêtement reconnu récemment qu'elles constituent un échec pour un bailleur social digne de ce nom. Je partage ce point de vue.
PAS D'ANGÉLISME NON PLUS ENVERS LES GENS DE MAUVAISE FOI
Et, justement, plusieurs expulsions sont programmées à La Seyne pour les prochains jours. C'est l'occasion pour la municipalité de faire connaître sa position sur le sujet, comme l'ont récemment fait certains responsables locaux de partis de gauche, tels que la GRS et le PCF qui s'en offusquent s'agissant de locataires certes débiteurs, mais de bonne foi et pouvant encore régulariser leurs dettes.
Je l'avais moi-même fait dès 2009 au nom de notre équipe unitaire des gauches et de l'écologie en prenant un arrêté – jugé illégal et rejeté par l'État – contre les expulsions, ainsi que je le rappelais en 2018 dans un article de ce blog exposant notre opposition aux solutions extrêmes résultant, pour la quasi totalité d'entre elles, d'accidents de la vie et des effets de politiques qui entrainent chaque année un peu plus de Français dans la misère.
Mais c'était une opposition sans angélisme à laquelle notre équipe municipale a dérogé lorsque, à de très rares occasions, les locataires mauvais payeurs s'avéraient être de mauvaise foi, ce qui m'avait d'ailleurs valu quelques critiques venues de mon propre camp politique...
COMMENT LA MAIRE PEUT-ELLE ASSUMER DE SE TAIRE ?
La question des expulsions locatives est un sujet majeur, signal d'une vision politique. La maire n'a pas le droit de se taire ou de botter en touche sur cet enjeu humain en se retranchant derrière le fait que l'habitat est une compétence de la métropole Toulon Provence Méditerranée et non de la commune.
5.000 familles seynoises résident dans le logement social public. 3.000 autres sont en attente d'une attribution. Et environ 15.000 autres ménages de Seynois y auraient droit au regard de leurs revenus. Ce sont les trois-quarts de nos concitoyens qui sont concernés.
Tous ceux-là, au moins, sont fondés à exiger de connaître la vision de leur première magistrate. D'autant qu'elle se singularise par ailleurs, depuis son élection, en renonçant à la plupart des programmes immobiliers devant accroître le nombre de logements sociaux et répondre ainsi aux besoins d'une proportion sans cesse plus importante d'une population de plus en plus précaire.