C'est indigne et honteux. Les habitants des quartiers populaires de France, parmi lesquels nos concitoyens seynois de Berthe, de nos cités HLM hors ZUP, et de notre centre ancien, constituent la majeure partie de ce groupe stigmatisé des non-vaccinés montrés du doigt gouvernemental, que le Premier ministre livre à la vindicte du pays en les accusant d'être les causes de « la fracture de la nation » et que le Président de la République veut « emm... » jusqu'à ce qu'ils rentrent dans le rang.
La maire de La Seyne ferait bien de joindre sa voix à celle d'autres édiles de communes abritant des territoires urbains paupérisés, protestant contre cet indicible et abject amalgame que M. Macron assume et vient de confirmer, et qui ne sert délibérément, à des fins politicardes, que l'aggravation de la fracture nationale.
Car la réalité s'explique. Et bien autrement que ce qu'on veut nous faire croire.
Où M. Macron a-t-il vu jouer que ceux dont les conditions sociales et économiques les privent déjà des libertés élémentaires feraient « de leur liberté, qui devient une irresponsabilité, un slogan » ?
Une étude scientifique publiée par des chercheurs français (CNRS, INSERM, Hôpitaux de Paris, etc) et américains (accessible LÀ, mais c'est en anglais) et une enquête objective réalisée par France Info le prouvent : le lien entre pauvreté et non-vaccination est indubitable.
Déjà relégués par l'organisation urbaine, l'économie et l'emploi, la nationalité, les origines, les religions et les couleurs de peau, voilà que les pauvres de nos ensembles d'habitat social et nos cœurs de villes dégradés sont une fois de plus voués à l'isolement, l'enfermement et la stigmatisation. Et pas par n'importe qui ! Par celui qui devrait être le garant des institutions fraternelles de notre République et qui en fait rajouter par le chef de l'exécutif gouvernemental.
C'EST PROUVÉ : ON SAIT POURQUOI LES PAUVRES SONT MOINS VACCINÉS QUE LES AUTRES
Scientifiques et journalistes enquêteurs en apportent les preuves tangibles fondées sur des données objectives issues de sources de l'État lui-même. Ce n'est pas délibérément que beaucoup d'habitants de quartiers populaires ne sont pas vaccinés. Nous l'avions pressenti alors que j'étais maire en choisissant d'implanter notre centre covid au cœur de Berthe, le déficit d'accès aux mobilités est l'une des causes. Mais elle n'est pas la seule : le manque d'appropriation et de compréhension de l'information préventive, l'absence de maîtrise des outils informatiques nécessaires à la prise de rendez-vous, la prégnance de la désinformation, sont prouvées. Et on peut y ajouter la résignation : « Avec ou sans passe sanitaire, je ne serai privé ni de restaurant, ni de cinéma, ni de théâtre, ni de loisirs culturels, je n'y ai plus ou pas accès, voire je n'y ai jamais eu accès. »
Dans toute la France, nos habitants rendus vulnérables par la misère sont déjà victimes de la pandémie elle-même. Leur santé se dégrade par la pauvreté, le manque de prévention et la désertification médicale. L’épidémie de coronavirus les frappe massivement à cause de la promiscuité dans leurs habitats, de leurs fragilités et comorbidités, du déremboursement des tests de dépistage, et donc du fait qu’ils représentent, par la désinformation, l’illectronisme, les déficits d’offres de mobilités, une bonne part des non-vaccinés qu'on livre à l'anathème.
Et c'est d'autant plus choquant qu'une part de ceux qui, au début de la pandémie, étaient applaudis tous les soirs au coucher du soleil, résident et vivent dans nos quartiers populaires. Ceux-là, s'il fallait hiérarchiser la pauvreté, ne sont pas les plus mal lotis. Ils ont un travail, fût-il précaire. Ils sont agents des crèches, des écoles et des cantines, aide-soignants et personnels de ménage des EHPAD et des hôpitaux, gardiens d’immeubles et médiateurs de rue, cantonniers, fossoyeurs et éboueurs, chauffeurs de bus et conciliateurs des transports publics, magasiniers, caissiers et livreurs, ou agents d’accueil, de surveillance et de sécurité. Dans l’adversité sanitaire, sociale et économique, ils sont en première ligne pour prendre soin de tous. Et les voilà, par effet d'entraînement d'un tourbillon de désignation de boucs émissaires, embarqués dans une charrette qui les conduit au pilori.
LES ÉLUS LOCAUX NE PEUVENT RESTER SILENCIEUX
Nos élus municipaux sont ceux de tous les Seynois. Ils ne doivent pas accepter cette maltraitance d'État qui vise une partie de nos concitoyens. De façon transverse au-delà des sensibilités politiques, majorité, oppositions de droite et de gauche, la tenue d'un propos fort et indigné s'impose en direction du Président de la République et du gouvernement. La maire peut en prendre l'initiative.
Et après, vivement une VIe République où, placé sous le contrôle du Parlement représentant du peuple souverain, il ne sera plus possible à un président monarque de s'arroger le droit de fustiger avec arrogance et mépris une partie injustement ciblée de la Nation.