Dans la mémoire des anciens de « l'Indochine », c'est hier, mais voilà soixante-six ans que s'est achevé, après deux mois de combats acharnés, le drame qu'ont connu à Ðiện Biên Phủ les combattants du corps expéditionnaire français. Plusieurs milliers de morts, dans les deux camps, une dizaine de milliers de prisonniers français, dont les trois-quarts ont laissé la vie en captivité.
Ils ont servi la France. Celle de cette époque coloniale qui avait commencé au XIXe siècle. Ils sont morts parce que, soldats, leur devoir devait s'accomplir. Nous leur rendons hommage tous les ans, à cette date anniversaire du 7 mai 1954 qui a conduit à la signature des accords de Genève, ouvrant la voie au droit du peuple vietnamien à son autodétermination. Et, des décennies après, à de nouvelles relations dont La Seyne est actrice...
Car l'heure est à l'amitié retrouvée entre les deux peuples. La Seyne est heureuse d'avoir tissé des liens avec Cần Thơ, cette ville portuaire vietnamienne avec laquelle nous nous sommes jumelés. Signe de l'espoir d'un avenir de Paix et de coopération, nos homologues asiatiques invitent de jeunes étudiants de chez nous à effectuer un séjour dans leur province du Phong Dinh dans le cadre d'un programme de promotion... de la langue française.
Ça ne doit pas nous faire oublier ceux qui ne sont pas revenus de là-bas ou ont gardé dans leurs chairs les marques durables de la souffrance. Voici le propos que j'aurais prononcé ce jeudi devant notre Monument aux morts si les circonstances sanitaires avaient permis que se tienne la cérémonie habituelle qui nous y rassemble...
« La guerre d’Indochine s'est déroulée de 1946 à 1954 ; elle a opposé les forces du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient aux forces Viet Minh.
« La bataille de Điện Biên Phủ fut un enjeu diplomatique et politique, mais c’est bien le drame militaire qui nous réunit dans le souvenir.
« Điện Biên Phủ est une petite plaine au nord-ouest du Viet Nam qui fut le théâtre de la dernière bataille.
« Pendant plusieurs semaines, les troupes de l'Union Française eurent à subir les assauts acharnés d'un ennemi très supérieur en nombre.
« Le 7 mai 1954, la guerre entre dans sa phase terminale après 170 jours d’encerclement et 56 jours de combats acharnés, de courage et de souffrance. Les Accords de Genève seront signés quelques mois plus tard. La France quitte la partie nord du Viêt Nam, l'ancien Tonkin.
« Aujourd’hui nous pouvons dire que ces hommes vécurent un véritable sacrifice, ils obéissaient aux ordres et se battaient pour un combat décidé ailleurs.
« C’est sans doute cela qui force le respect. Au-delà des considérations partisanes, nous retiendrons qu’une des grandes forces d’un pays démocratique est d’avoir à son service une armée respectueuse du pouvoir politique qui est le reflet de la volonté populaire exprimée dans les urnes.
« C'est le drame militaire qui nous réunit dans le souvenir, mais, bien sûr en d'autres lieux qu'ici, ailleurs que face à ce Monument aux morts, on ne peut pourtant ni faire l’économie des questions propres au colonialisme, ni se pencher sur la question de la diversité en occultant les questions du passé.
« Car nous ne pouvons vivre sans héritage, nous le savons, mais, forts des combats menés par nos aïeux, il nous faut aussi savoir être critiques là où des engagements sont paradoxaux face aux valeurs que nous défendions, ici, en métropole, et défendons encore aujourd'hui. Jules Ferry ne fut pas seulement l’homme de l’école de la République et de ses belles valeurs qui nous réunissent, il fut aussi celui de la coloniale !
« Nous avançons bien sûr chaque année un peu plus, et ce jour annuel de commémoration, désormais, doit marquer une nouvelle volonté politique, celle de défendre les peuples, celle de faire progresser la paix et la démocratie. »