En période difficile, on a plus que jamais besoin d'être solidaires. À ma connaissance, La Seyne est la seule commune de notre environnement varois à avoir mis en place un comité de suivi de la crise du coronavirus, associant autour du maire 4 élus de la majorité municipale et 4 élus des groupes municipaux minoritaires de droite et d'extrême-droite. Chaque semaine une visioconférence permet de faire le point de l'avancée de la crise et de sa gestion à La Seyne.
Il avait été convenu qu'il s'agissait d'un temps de travail technique et, au regard de certaines informations échangées, sinon confidentiel, du moins discret. Mais ça n'aura duré que ce que durent les roses. Je dois donc m'adresser à deux des membres de cette instance, l'une du groupe de la liste de droite, l'autre du groupe de la liste d'extrême-droite...
Chère Nathalie, Cher Damien,
Ce n'est pas mon habitude, mais je me dois de vous interpeller. Si vos collègues de nos minorités, Sandie Marchesini et Sandra Torres, jouent le jeu, s'informent, questionnent et proposent de façon constructive, vous semblez avoir rompu l'entente qui a été la nôtre au sein du comité communal de suivi de la crise du covid-19 que, je vous le rappelle, rien ne m'obligeait à mettre en place. Vos proches ou vous-mêmes avez manifestement choisi de vous saisir des informations et échanges que nous avons pour, avec un enjeu manifestement politicien, laisser entendre, notamment sur les réseaux sociaux, que, à La Seyne, en matière de gestion de la crise sanitaire, tout va mal, rien ne se fait, ou se fait en dépit du bon sens.
Outre le fait que ce n'est pas très fair-play, c'est surtout fort irrespectueux des cadres et agents municipaux et intercommunaux qui, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sont au travail pour organiser au mieux les stratégies de prévention, de confinement et du futur déconfinement, et ont plus besoin d'être félicités et encouragés que vilipendés au travers de la personne de leur employeur que je suis.
Tandis que tout le monde, élus, fonctionnaires, acteurs économiques et associatifs, chacun à son niveau et en partenariat, est sur le pont, vous vous répandez – ou laissez sans les contredire certains de vos proches se répandre – en remarques fallacieuses sur les réseaux sociaux à partir des éléments qui vous sont donnés lors de ces temps d'échange ou au travers de mes communications.
Ainsi, vous me reprochez de me plaindre que l'État ne prendrait à sa charge que la moitié du coût des masques achetés par les mairies, départements et régions, et uniquement ceux qui auront été commandés après le 28 avril.
Oui, je m'en plains, comme le font avec moi tous les maires et présidents de communautés et collectivités dans la même situation, parce qu'il n'appartient pas à un exécutif local d'endosser les charges qui relèvent de la compétence régalienne de l'État qu'est la santé publique.
Oui, je m'investis au sein de l'Association des maires Ville & Banlieue de France (AMVBF) dont je suis le président national et de l'Association des maires de France (AMF) dont je suis membre du Bureau national ; ça me permet d'intervenir au plus haut niveau de l'État pour plaider la cause des territoires, et entre autres des plus vulnérables. Dont le nôtre.
Et je le fais avec mes collègues présidents des huit autres associations d'élus locaux qui sont loin d'être tous de ma sensibilité politique : François Baroin (président Les Républicains de l'Association des maires de France), Renaud Muselier (président Les Républicains de France Régions), Dominique Bussereau, président Divers droite [ex-LR] de l'Assemblée des départements de France), Jean-Luc Moudenc (président Les Républicains de France Urbaine), Caroline Cayeux (présidente Divers droite [ex-LR] de Villes de France), Christophe Bouillon (président socialiste de l'Association de petites villes de France), Vanik Berberian (président sans étiquette de l'Association des maires ruraux de France) et Jean-Luc Rigaud (président UDI de l'Association des communautés de France). Aucun d'eux n'est connu pour être un révolutionnaire patenté !...
Et oui, avec eux, j'ai obtenu, par mon investissement national, pour La Seyne comme pour les autres communes, entre autres choses :
- que le gouvernement recherche des solutions pour que les dépenses exceptionnelles engagées pour la crise du coronavirus soient lissées sur plusieurs exercices annuels financiers afin de ne pas fragiliser le budget communal 2020 ;
- que le Premier ministre, ce mercredi 30 avril, accepte de revoir sa copie concernant le remboursement par l'État des masques grand public achetés par les collectivités et annonce une solution sous peu (La Seyne en a acquis 10.000 + 70.000, pour 190.000 euros, et la métropole 700.000, dont environ 70.000 pour les Seynois) ;
- que des facilités de trésorerie soient accordées par l'État aux communes en difficulté du fait des dépenses qu'elles doivent engager ;
- que ce ne soient pas les communes, départements et régions, mais l'État, qui assure la fourniture des protections pour ses propres fonctionnaires, dont les enseignants, qui sont ou vont être au contact du public (même si La Seyne en a fourni aux pompiers, aux ambulanciers, aux infirmiers, etc.) ;
- que l'État prépare en urgence une obligation de prix plafond pour les masques grand public mis en vente dans les commerces afin de prévenir la spéculation ;
- que, grâce au dispositif Cité éducative que j'ai obtenu pour La Seyne (seule commune du Var à en bénéficier), ce soient 106 ordinateurs qui sont achetés pour être mis à disposition de tous les collégiens de Curie, Éluard et Wallon qui n'en ont pas, recensés par leurs enseignants ;
- que, grâce à ce même dispositif, ce soit une autre centaine de tablettes ou ordinateurs qui sont achetés pour être mis à disposition de tous les enfants d'école maternelle et élémentaire des quartiers prioritaires, recensés par leurs enseignants, qui n'en ont pas ;
- que, grâce au même dispositif, 1.020 écoliers seynois parmi les plus pauvres se voient offrir des livres neufs de grande qualité qui leur seront livrés au domicile où ils sont confinés ;
- que, grâce au même dispositif, on puisse multiplier pour les vacances d'été les prises en charge des enfants, adolescents et jeunes dans des activités socio-éducatives qui compenseront l'interdiction probable de voyager, peut-être d'aller à la plage, et bénéficier d'accompagnement scolaire et d'activités de nature à rattraper les retards d'acquisitions de savoirs ;
- que nos associations très impliquées pour la solidarité envers les plus faibles puissent demander une aide exceptionnelle de 2.500 euros à la préfecture ;
- que, même avant le vote du budget communal, forcément reporté à juillet, de nouvelles avances sur subventions soient accordées par les mairies aux associations qui en ont besoin pour éviter leur faillite du fait de leurs charges constantes (loyers, personnels, etc) qui continuent de courir ;
- que l'État aide les transports publics à se doter de masques et de gel pour les usagers qui n'en auraient pas, et que les agents de la police des transports puissent bientôt verbaliser les contrevenants aux règles de distanciation ;
- que les forces de la police nationale aident les polices municipales à réguler les entrées et sorties des établissements scolaires lors de la reprise des cours et des regroupements de plus de 10 personnes interdits sur le domaine public et privé après le 11 mai ;
- etc.
Vous êtes conseillers départementaux. Plutôt que dénigrer le travail accompli et en cours par l'intercommunalité et la commune, que complète celui des entreprises et des associations, en plus d'organiser un atelier de confection de masques grand public, ce qui est une belle initiative solidaire que je salue, de même nature que celle que mènent d'ailleurs d'autres élus et candidats seynois de toutes sensibilités politiques, sans forcément faire du tapage (il vaut d'ailleurs mieux car les regroupements de personnes dans un tel atelier, comme les déplacements pour s'y rendre, sont interdits), vous pourriez par exemple :
- plaider auprès du Conseil départemental la cause des Seynois en lourde difficulté aggravée par la crise qui ne parviennent pas à joindre leurs interlocuteurs des services sociaux du Département qu'ils ne peuvent plus contacter que par une plateforme téléphonique ne répondant souvent pas, alors que tous les autres travailleurs sociaux, fussent-ils dotés de protections, demeurent chaque fois que nécessaire au contact physique de leurs publics ;
- plaider auprès du Département la cause des Varois pour que, comme en bien des endroits en France, le Conseil départemental, qui a tout de même de par la Loi la compétence locale en matière sanitaire et sociale, s'emploie aussi à pallier la carence de l'État en achetant des masques à fournir au grand public, ou au moins aux plus fragiles, pour compléter les dotations des communes, des intercommunalités et de la Région (les 3 métropoles et 4 des 6 départements de PACA le font) ;
- aider les principaux de collèges, établissements dont le Département a la responsabilité logistique, à obtenir l'aide des services du Conseil départemental pour organiser les infrastructures pour préparer les cheminements sécurisés pour la reprise des cours, plutôt que ceux-ci soient obligés de solliciter cette aide auprès de la commune et de la métropole, dont les cadres et agents, d'ailleurs, répondent présents ;
- puisque le collège L'Herminier n'accueille pas d'adolescents des quartiers prioritaires et ne peut donc bénéficier, comme nos trois autres collèges, des aides du dispositif Cité éducative, obtenir qu'il soit doté par le Département des outils numériques nécessaires à mettre à disposition de ceux de ses élèves qui n'auraient pas de matériel informatique ;
- plaider auprès du président du Département, qui a annoncé qu'il va utiliser les deniers départementaux pour doter les collégiens de masques, alors que l'État s'est engagé à le faire, pour que ces moyens financiers soit employés à répondre un autre besoin, par exemple en soutien aux éducateurs de prévention spécialisée de la délinquance (compétence départementale) qui vont au contact des jeunes pour le sensibiliser aux risques et leur faire respecter le confinement ;
- ou inciter le Département à prendre d'autres initiatives utiles.
Nos collègues de votre sensibilité, Sandie et Sandra, membres comme vous de notre comité communal de suivi de la crise du covid-19, ont formulé des propositions ou répondu à mes demandes :
- l'utilisation de visières fabriquées par l'Université de Toulon : nous les avons obtenues grâce à l'une d'elles et mises à disposition des personnels en contact avec le public ;
- le groupement de commandes pour nos associations et entreprises qui voudraient obtenir des masques à 0,68 euro, sous réserve d'en acquérir 10.000, via une cagnotte Litchee.com impulsée par la Région : nous lançons la proposition aux acteurs associatifs et économiques ;
- le regroupement bien visible, en page d'accueil du site Internet de la commune, de toutes les informations utiles pour la crise : c'est fait ;
- l'une d'elles est conseillère régionale : elle a accepté d'appuyer auprès du président de la Région, qui a commandé des masques pour les communes de moins de 20.000 habitants, ma demande que les villes ayant des quartiers prioritaires vulnérables puissent aussi en bénéficier, même si leur population excède les 20.000 habitants.
Vous ferez bien sûr comme bon vous semblera.
Comme le fera, nous l'a-t-il dit, l'un de vous deux, Damien, auquel j'ai donné lors de notre dernière visioconférence ma réponse à son courrier me demandant de vous « autoriser à constater dès le 11 mai, à l'intérieur même des écoles maternelles et élémentaires de la commune de La Seyne-sur-Mer, en tant que membres du comité d'élus de suivi de la crise, des conditions d'accueil des élèves et de travail du personnel et ce, à tout moment de la journée, jusqu'à la reprise normale et générale des enseignements. ». Je vous la confirme :
- en temps scolaire, même hors période de crise sanitaire, l'École est un sanctuaire appartenant à l'Éducation nationale, c'est à ses autorités – et à elles seules – d'autoriser ou pas les entrées de personnes, qu'elles soient élues ou pas, et en aucune façon au maire ;
- ça vaut d'autant plus en période d'urgence sanitaire, où le ministère de l'Éducation nationale a confirmé sa « doctrine » : pour éviter la transmission du virus, même les agents devant intervenir pour l'entretien et les réparations devront le faire en l'absence des enfants et des personnels, les « intervenants extérieurs » (éducateurs sportifs ou culturels, par exemple) qui travaillent habituellement avec les enseignants ne le pourront plus, les parents eux-mêmes ne seront pas admis ;
- de toute façon, il n'appartient pas à un conseiller municipal de « constater » le travail des enseignants ou des agents territoriaux : c'est aux inspecteurs de l'Éducation nationale de le faire pour les premiers, et même pour les seconds en temps scolaire, et au maire en sa qualité de chef du personnel et à leur hiérarchie pour ces derniers hors temps scolaire ;
- et que diraient les citoyens de voir que leurs élus s'exonèreraient de l'obligation de respect des mesures sanitaires préventives qui sont imposées à tous ?
Les Seynois attendent une mobilisation générale de l'État et de tous les échelons du territoire. S'il vous plait, réfléchissez : nos concitoyens ont-ils vraiment besoin des déclarations et postures politiciennes de vos proches ou de vous-mêmes, pouvant d'ailleurs leur laisser penser, car il ne faut pas les prendre pour des dupes, que vous êtes en fin de compte plus préoccupés par des considérations électoralistes que par leur santé et leur bien-être social et économique, ce que je me refuse à imaginer.
Je voudrais pouvoir compter solidairement sur vous. Et je veux croire que vous ne me ferez pas regretter, seul maire du Var à l'avoir fait à ce qu'on m'en dit, d'avoir pris l'initiative d'une instance de suivi de la gestion de la crise associant à parité la majorité et les minorités de notre conseil municipal.
Croyez, chère Nathalie, cher Damien, à mes sentiments les meilleurs.