10 juillet 2019 3 10 /07 /juillet /2019 05:06

Les maires comme tous les citoyens ne sont pas rassurés quant aux sinistres perspectives que nos arrière-grands-pères, depuis le XIXe siècle, pardonnables car ignorants, et nous-mêmes, contemporains sachants donc coupables, lèguerons à nos petits-enfants à une échéance de quelques décennies.

Seynois, nous mesurons les premiers effets de l'évolution climatique, avec l'érosion récurrente des plages de notre isthme des Sablettes du fait de la montée du niveau marin, avec les pluies cévenoles qui transforment les rues de notre centre en canaux vénitiens, avec les températures insupportables du moment, avec le maintien en risque rouge constant de nos massifs forestiers de Sicié, des alertes caniculaires et de pollution l'ozone. Et nous ne sommes pas au bout de nos peines.

S'il est évidemment vital d'édicter des règles préventives et correctives dans la gestion durable de nos territoires, il est compliqué, pour nous, les maires de communes littorales, ayant découvert une récente instruction de l'État, de les mettre en œuvre « à la hussarde » au point de stopper net nombre de projets en cours.

Pour comprendre notre trouble, essayez de résoudre le petit problème ci-après posé au maire de La Seyne...

 

Soit un périmètre A, référencé QP083009, défini par le décret ministériel n° 2014-1450 du 30/12/2014, du quartier prioritaire « politique de la ville » correspondant au centre ancien de La Seyne, tel qu'arrêté légalement ainsi qu'il apparaît sur le site Internet du Commissariat général à l'égalité des territoires dépendant du Premier Ministre.

Soit un ministre X, chargé de faire en sorte que ce périmètre A fasse l'objet d'un programme de rénovation urbaine touchant à la résorption de l'habitat insalubre, à la requalification du bâti et des espaces et équipements publics, et à la redynamisation commerciale et sociale, qui semble sur le point de pouvoir être mis en œuvre, par une toute récente décision – espérée depuis 2014 et le décret suscité – du Comité d'engagement de l'Agence nationale de la rénovation urbaine finançant ce projet.

 

Soit un périmètre B, correspondant approximativement au périmètre A ci-dessus cité, donc le même centre ancien de La Seyne, défini en application des articles L.123-1-5-III-2° du code de l'urbanisme, ce quartier étant d'intérêt patrimonial avéré et reconnu par l'Etat, car historique et situé à proximité de deux ouvrages répertoriés, dont l'un – le pont des chantiers – est même classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Soit un ministre Y, chargé de faire en sorte que les opérations de rénovation du bâti de ce périmètre B se fassent en conformité avec des prescriptions particulières d'urbanisme qui stipulent que « la restauration de l'image du centre ancien nécessite des interventions architecturales qui s'inscrivent dans le respect des formes et des techniques du bâti traditionnel du vieux centre », décrites dans huit pages de texte officiel (ICI, pages 124 et suivantes).

 

Soit un périmètre C, récemment publié par l'État, correspondant approximativement aux périmètres A et B ci-dessus cités, toujours le cœur historique de La Seyne, défini par l'étude BRGM/RP-66550-FR, qui définit les zones risquant de subir les effets de l'aléa submersion marine résultant de l'élévation du niveau de la mer consécutive à l'évolution climatique à l'échéance de l'année 2100.

Soit un ministre Z, chargé de prévenir les catastrophes pouvant survenir suite à l'inéluctable montée des eaux, imposant, au titre des articles L.132-2 et 3 du code de l'urbanisme, des prescriptions opposables dans le périmètre C, parmi lesquelles l'obligation, pour les constructions neuves comme pour le bâti existant, que « la cote de plancher habitable ou aménageable soit située à un niveau supérieur ou égal à 2 mètres ».

 

Soit un particulier P, propriétaire d'un immeuble sis dans les périmètres A, B et C, marchand de sommeil disposé à faire amende honorable pour répondre aux vœux du ministre X, volontaire pour effectuer une rénovation totale des logements qu'il loue sur les trois niveaux sur rez-de-chaussée commercial de son bien immobilier, tout en mettant en valeur la façade ouvragée à la modénature ornementale du XVIIIe siècle de sa propriété en réponse aux incitations du ministre Y et en évitant de mettre en péril de noyade la clientèle de son échoppe rénovée et les locataires de ses appartements en étage, suivant les souhaits du ministre Z.

 

Question 1 : Selon vous, le magasin du rez-de-chaussée doit-il être installé sur le toit de l'immeuble ou dans le salon du locataire du premier étage ? Justifiez votre réponse en cinq lignes maximum.

Question 2 : Des ministres X, Y et Z, lequel aura le dernier mot ? (la taille, la corpulence, le sexe, l'âge, la forme physique, la pratique du qwan-ki-do ou du Scrabble des trois ministres n'entreront pas en ligne de compte dans votre démonstration).

Question 3 : Quel mode de suicide conseilleriez-vous au maire sollicité pour avis par le propriétaire P souhaitant devenir vertueux en respectant scrupuleusement les prescriptions s'appliquant aux périmètres A, B et C ?

 

Pour redevenir sérieux, sachez que nous, maires de communes de notre métropole, notamment de celles qui, comme La Seyne, bordent le littoral, sommes sortis plutôt rassurés d'une importante réunion autour des enjeux de risque de submersion marine découlant de la funeste évolution climatique, que nous avons eue ces derniers jours, à notre demande, avec les plus hauts responsables des services varois de l'État.

Eux-mêmes sont bien conscients des difficultés que nous allons rencontrer au regard de l'incongruité de certaines dispositions règlementaires. Le texte officiel sera interprété pour que le mieux ne soit pas l'ennemi du bien. Tout sujet pourra être discuté. On évaluera ensemble, communes et État, en fonction des situations objectives. C'est comme ça qu'on les aime, les fonctionnaires de l'État.

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