
Le 14 juillet a été célébré ce dimanche en présence de dizaines de Seynois et de nos visiteurs, des représentants des pompiers, des polices nationale et municipale, de la réserve communale de sécurité, de la Marine nationale, du 519ème groupe inter-armes de transit maritime avec lequel La Seyne est jumelé, de la Préparation militaire marine Amiral Trolley de Prévaux dont notre commune est la marraine, de la Gendarmerie maritime, de la Philharmonique « La Seynoise » et de la « Clique seynoise », et des maires et adjoints de certaines de nos villes jumelles et amies (Allonnes, Bizerte, Buti, Maardu et Menzel Bourguiba). Après la lecture d'un texte émouvant écrit par les jeunes adhérents de notre espace sportif et d'accueil jeunes (ESAJ) de Berthe, j'ai moi-même prononcé le traditionnel discours républicain...

« Parfois, avec le temps, nous perdons l’idée qui a fait sens dans une fête. Celle du 14 juillet est née en 1790. Mais, parce qu’elle apparut trop subversive après le sacre de Napoléon, elle a été supprimée en 1804.
« Elle revînt avec éclat, en 1880, pour les raisons exactement inverses : glorifier l’avènement de la République par le peuple. Encore de nos jours, elle commémore la Révolution française.
« Le 14 juillet 1789, est décidé le port de la cocarde, le peuple de Paris, figuré par le rouge et le bleu du blason de la ville, entourant le Roi symbolisé par le blanc. Ce peuple a enlevé fusils et canons aux Invalides. Et il est parti prendre la prison de la Bastille, symbole de l’absolutisme.
« Ce peuple découvrait le droit de s’insurger : quand des ministres créent la famine, il ne se contente pas de brandir des piques et d’en appeler à l’arbitrage du roi : il se substitue à son autorité.
LA FÊTE ÉTERNELLE DU GENRE HUMAIN

« Le 14 juillet est donc une fête symbolique qui marque notre démocratie par l’irruption du peuple dans la sphère du pouvoir.
« Michelet espérait que le 14 juillet représenterait un jour “la fête éternelle du genre humain”. Mais, dans cette quête, il y eut bien des aléas, trois révoltes, 1830, 1848, 1871, deux empires, trois monarchies, deux guerres mondiales, quatre républiques. En 1958, avec la Vème, est créé le Conseil constitutionnel : la loi exprimera la volonté générale dans le respect de la loi suprême qu'est la Constitution. Plutôt que la révolte et les armes, place au verdict des urnes. Une République apaisée, un triangle vertueux : le peuple, ses élus, la loi.
« La France a promu une organisation nouvelle, qui, en donnant à l’individu toute sa place, le situe dans un cadre collectif. Être un homme parmi les hommes est une responsabilité. C'est parce que je suis responsable que je peux être libre.
« D’ailleurs, notre première liberté est cette volonté autonome de nous opposer, non seulement aux actes immoraux des autres, mais d'abord à nos propres désirs égoïstes.
« La nation démocratique fonde sa légitimité sur le citoyen. Ce dernier dispose des mêmes droits et doit remplir les mêmes obligations, indépendamment de son sexe, de son appartenance à une collectivité historique, de sa religion ou de ses caractéristiques économiques et sociales.
« Aux doctrinaires intolérants qui prétendent qu’il y a qu’une seule façon de penser, la leur, rappelons le “Discours décisif”, dans lequel le philosophe Averroès critique les sectes parce qu’elles considèrent que ce qui importe n’est pas tant de respecter la loi que d’appliquer leurs propres principes.
LA NATION, UN PROJET CIVIQUE

« La nation est indissociablement une communauté de culture, un lieu de mémoire, et en même temps un projet civique.
« Mais le chemin est ardu, empli d’ornières creusées par un libre-échange qui n’a de libre que le droit de quelques-uns de s’enrichir sur le dos du plus grand nombre. Car, oui, le creusement des inégalités provoque des réactions antidémocratiques. L’affirmation abstraite de la liberté de l’individu et de l’économie, si elle se fait au détriment de l’égalité, déclenche une désaffection pour la démocratie, un rejet des autres, la tentation de désigner un coupable.
« Le philosophe Debray la désigne comme “l’expression d’un néolibéralisme économique le plus destructeur, et par là-même, en réaction, le fournisseur des nationalismes les plus obtus”.
« Tous les hommes sont en principe égaux, mais toute disproportion de fortune engendre de la domination. C'est un danger que pointait Rousseau : “Que nul citoyen ne soit assez opulent pour pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre”.
« L’abîme entre les revenus du capital et ceux du travail, voilà ce qui met à mal la liberté. Les intérêts privés qui lorgnent sur les services publics, à l'instar, aujourd'hui, des aéroports, sont une menace pour l’équilibre républicain.
« D'ailleurs, en 1868, les républicains, révoltés par la misère, ne s'y trompaient pas, s’écriant : “Nous voulons la république, une république sociale”. Hélas, la réponse, ce fut la guerre, voulue par Napoléon III pour discréditer ces forcément factieux.
« Mais l’Histoire a ses retournements. Ce sera Sedan, la défaite, et l'empereur prisonnier des Prussiens. Et voilà que, contre toute attente, le 4 septembre 1870, la République est à nouveau proclamée sur fond de guerre.
« Paris est en état de siège. En janvier 1871, c’est la capitulation. Les Parisiens n’en veulent pas, ce sera la Commune de Paris, en mars. Elle finira, trahie par les Versaillais, dans une “semaine sanglante” fin avril. La nouvelle assemblée est largement royaliste. Les Prussiens défilent sur les Champs-Elysées, l’Alsace et la Lorraine sont abandonnées.
« La république, vaincue, démembrée, rejetée en arrière par des malheurs sans nom, est réduite à recommencer son histoire. Mais c’est de là que naîtront les grandes lois constitutionnelles, les lois sur l’école, la presse, les syndicats, les associations, la laïcité, et que renaîtra... la fête du 14 juillet.
ON N'EMPORTE PAS LA PATRIE À LA SEMELLE DE SES SOULIERS

« La république est une longue histoire. D'ailleurs, on ne saurait s’inclure dans la nation française sans en connaître l’histoire. Elle s’est fondée sur l’idée révolutionnaire “d'adhésion volontaire” de libres citoyens, principe né avec la Constituante.
« La fête de la Fédération de 1790 est la première manifestation de ce patriotisme d’adhésion. Danton le dit avec des mots populaires : “On n’emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers”.
« C’est également Renan qui parle de “referendum quotidien”, par référence à la règle commune fondée sur la laïcité, la reconnaissance des lois et de l’autorité de la République sur tous les citoyens sans distinction : “l’héritage indivis”.
« C’est cela aussi l’intégration républicaine.
Le Président de la République l’a rappelé à propos de la séparation des cultes et de l'État : “La loi de 1905 est notre pilier, pertinente, (…) Elle doit être appliquée”. Puisse-t-il – et puissions-nous – nous y tenir. Car le communautarisme ferait prendre le risque d’une dérive qui génèrerait la sécession de pans de notre République.
LA CONTINUATION DE L'ESPRIT DES LUMIÈRES PROCÈDE DE L'ÉDUCATION PERMANENTE

« D’autant que l’infrastructure des réseaux sociaux, nouveaux serviteurs d'un Moloch auquel on sacrifie nos enfants par le feu, est volontairement compartimentée, alimentée par un flux sélectionné selon des algorithmes qui orientent vers l’entre-soi, renforçant les certitudes initiales, tout esprit critique absent, en cultivant une illusion d’agora.
« Le conditionnement, la domination sans limite d’un réseau social, la perte des codes de transmission et de conduite, des règles les plus élémentaires de civilités, ouvrent la voie d’un grand charivari, une menace pour nos démocraties.
« Le débat public est de plus en plus dispersé, il devient “un grand bruit de fond” qui ratatine ou magnifie des événements à la faveur d’un tweet…
« C’est bien pourquoi nous devons promouvoir la République, et vivre la laïcité comme une ligne de conduite. La laïcité n’est ni ouverte, ni fermée. Elle n’a pas d’adjectif. Toute immixtion dans ce qui est de l’ordre de l’Etat ou de l’organisation d’une société du fait d'une croyance ou d'un dogme ne peut être acceptée.
« L’esprit des Lumières, la confiance dans la liberté et la raison, sont à l'origine de la Révolution. Et leur continuation réside dans l’éducation permanente. Ce que nous faisons aujourd'hui.
« N'ayons pas peur de l’avenir, mais soyons conscients de nos responsabilités. Notre chemin est l'action publique, l'ouverture aux autres et la protection désintéressée de la planète. Nous ne trouverons la force d’exercer cette responsabilité que par la médiation des uns avec les autres. Agir ensemble pour faire république.
« Vive donc la France de la République, sociale, laïque, et humaniste ! »
