J'aurais aimé que ce soit d'une autre façon que La Seyne se singularise dans le Var.
Chez nous, la droite conserve son siège dans le sud avec 53% des voix et, au nord, l'extrême droite le ravit avec 54% à la dernière équipe varoise de gauche, avec celle du canton de Garéoult hélas également perdante, à porter les couleurs républicaines face au FN.
On pourra toujours trouver une petite matière à se réjouir en se disant que les républicains du sud seynois ont contribué à barrer la route à l'extrême droite et que la gauche seynoise du nord réalise un score honorable dans un Var qui ne compte plus aucun élu de sa sensibilité, mais mieux vaut se pencher sur la réalité de l'échec et ses raisons.
DES VOTES DE SANCTIONS TOUS AZIMUTS
Les Seynois, dont beaucoup ont indiqué qu'ils ne savent pas à quoi va servir le nouveau conseil, ont utilisé cette élection pour évaluer d'autres politiques que celles du département.
Bien sûr, au nord, la droite aura sûrement été éliminée dès le premier tour à cause de la solidarité très sélective du conseil général envers notre territoire. Le coût imposé à la commune pour son service d'incendie et de secours, démesuré par rapport aux villes d'alentour, la suppression du financement de douze éducateurs de rue assurant une prévention de la délinquance, les misères faites aux sites d'entreprises, en constituent quelques exemples.
Mais l'absence de bilan du conseiller général sortant, élu sous une étiquette de gauche, et les mécontentements sur la gestion communale auront aussi compté, il faut le dire. Le FN, sans projet départemental et n'ayant en ligne de mire que les échéances régionales et nationales, a cristallisé des rancœurs, depuis des voiries qu'on ne parvient plus à suffisamment entretenir jusqu'aux cages d'escaliers de logements sociaux où on ne réussit pas à endiguer les méfaits d'individus inquiétants, en passant par la redynamisation du cœur historique qui est attendue avec agacement.
CONTRE LA SEYNE ET LE VAR, MAIS AUSSI CONTRE L'ÉTAT
Ces causes locales trouvent cependant, pour beaucoup, leur origine dans l'austérité que le gouvernement impose aux collectivités. Avec des dotations d'État en chute libre, une commune fragile n'a plus les moyens de remplir correctement ses missions les plus ordinaires. Avec une zone de sécurité prioritaire qui n'est pas assortie de postes de policiers pour son commissariat, on ne peut compter que sur l'imagination des services pour faire reculer la délinquance et le sentiment d'insécurité. Avec une réforme des horaires d'école qui ne s'accompagne pas de moyens d'animation périscolaire, on met à la rue une heure plus tôt les enfants dont les familles n'ont pas les moyens de s'occuper. Avec une politique de dynamisation économique sans impact sur le commerce, l'artisanat, les petites et moyennes entreprises, et n'imposant aucune contrepartie aux multinationales et grands groupes financiers, le chômage ne cesse de progresser. Avec une tolérance coupable envers les communes qui ne respectent pas leurs quotas de logements sociaux, on accroît la difficulté d'accès à un toit et on fait supporter aux seules rares autres villes qui les honorent, comme La Seyne, le poids de l'accueil des foyers les plus en difficulté. Et la liste des erreurs est bien plus longue...
UNE DROITE BIEN PEU RÉPUBLICAINE
Au sud, on peut observer que la quasi totalité des voix de gauche du 22 mars se sont reportées sur les candidats de la droite républicaine dont le score a ainsi crû de presque 20%, suite aux vœux explicites des candidats de la gauche et de l'écologie éliminés au premier tour.
Mais, a contrario, au nord, on doit aussi imaginer, au vu des 8% de bulletins blancs et nuls par rapport aux votants, que le résultat ne serait pas ce qu'il est si les candidats de droite avait été républicains et ne s'étaient pas obstinés, malgré les appels de leurs responsables varois, dans un refus condamnable d'inviter à voter contre le FN. Les très nombreux soutiens, de tous horizons, n'auront pas permis de contrebalancer ce choix impardonnable... de non choix.
Il est d'ailleurs tout aussi grave que le Parti de gauche, seul mouvement progressiste à s'entêter contre les sept partis qui composent ou soutiennent la majorité municipale de la gauche et de l'écologie, ait opté pour une même posture blâmable. Et les atermoiements de certains n'auront pas non plus facilité la dynamique nécessaire...
Dans un contexte où se dessine clairement la signature d'un passage à l'extrémisme d'une part croissante de l'électorat de l'UMP, ces postures conjuguées auront été dévastatrices. L'UMP en fera d'ailleurs aussi les frais tôt ou tard, si la vague continue à déferler, le FN étant en tête au premier tour dans quinze cantons sur vingt-trois, avec souvent plus de 40% des voix, en progression de plus de dix points, à une encablure d'une élection dès le 1er tour. Mais à chacun ses soucis...
IL EST MINUIT MOINS CINQ POUR QUE LA GAUCHE SE RECONSTRUISE
Il reste que, unies autour d'un projet, les diverses sensibilités de la gauche et l'écologie résistent mieux, surtout quand leurs militants et sympathisants ont été exemplaires autour de leurs candidats courageux et opiniâtres. Joëlle Arnal, Marie Bouchez, Anthony Civettini et Toussaint Codaccioni auront été de ceux-là. Les trois équipes de gauche et de l'écologie du sud avaient pareilles qualités, et il est triste d'avoir raté le rendez-vous de l'union.
Alors, il faut certes recentrer l'action locale autour des besoins les plus criants du quotidien des habitants pour contrebalancer les effets des politiques nationales et européennes, mais il faut surtout créer de semblables conditions d'unité à l'échelle du pays à partir d'un changement net de politique permettant un nouveau contrat de majorité.
Et, dans le Var, la gauche, totalement défaite, est à reconstruire de fond en comble. Je ne peux pas imaginer que ce soit possible sur d'autres assises que celles qui prévalent à La Seyne depuis 2008, celles qui se fondent sur une gauche respectueuse de ses diversités, critique vis-à-vis des politiques d'austérité menées en Europe, et proche des gens qui, jadis, savaient pouvoir compter sur elle.
Alors, séchons nos larmes.