Grand, grand merci aux dizaines de personnes qui se sont relayées avec moi pendant une douzaine de jours et de nuits pour veiller sur la maternité de l'Ouest du Var. Nous avons démonté notre campement hier car il ne se justifiait plus : les personnels de l'hôpital qui, au fil des jours, ont pris sur eux malgré les menaces de leurs hiérarchies dont ils nous ont porté témoignage, sont venus à notre rencontre, ont eu beaucoup d'échanges avec nos "sentinelles", notamment celles du Collectif des Femmes de l'Ouest Var, et, depuis leurs postes de travail, assurent désormais la veille sur leur bel outil de service public. Nous sommes maintenant en contact permanent et, avec un système d'alerte, prêts à réagir dans l'instant, nombreux, très nombreux, si le besoin s'en faisait sentir.
J'ai dit hier jeudi à la cinquantaine de "sentinelles" qui se sont retrouvées à mes côtés au moment de nous séparer combien je vis mal le sentiment de mensonge permanent qui semble être le fil conducteur de cette sinistre opération de démantèlement de l'offre de soins publics.
« Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas Juif.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas catholique.
Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester. »
Ces mots écrits au camp de concentration de Dachau par Martin Niemöller, un pasteur protestant victime des nazis, me sont venus en écho à ce qui se passe ici depuis des mois.
Quand ils ont fermé le laboratoire, je n'ai pas [trop] protesté. Mais cette fermeture a permis de justifier la fermeture de la chirurgie. Et la fermeture d'un bloc de chirurgie permet de justifier celle de la maternité au nom de la sécurité. La machine aux engrenages est enclenchée, rouleau compresseur sans état d'âme, bien rodé, bien huilé.
Et demain, on justifiera le transport des blessés vers les urgences de l'hôpital Sainte-Musse par l'absence de bloc opératoire. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.
Et dire que j'ai failli me rendre complice de cette affreuse mécanique ! En poursuivant le projet de "Maison médicale" initié par mon prédécesseur, j'aurais contribué à vider le service d'urgences des usagers qui s'y rendent pour des "bobos" ou faute de service de garde de la médecine de ville. Les vils démolisseurs auraient alors constaté que le service d'urgences de La Seyne n'accueillerait plus ni blessés ni malades légers... et auraient sans nul doute trouvé là prétexte à le fermer, lui aussi. J'ai donc pris la lourde décision de suspendre ce programme du Plan de Rénovation Urbaine. Jusqu'à ce que la puissance publique change de politique.
Oui, je suis amer de constater la dissimulation constante de la vérité de la part de ce centre hospitalier - où de ceux qui le guident - qui n’en est pas à son coup d’essai. Deux exemples me viennent à l'esprit qui auraient dû m'alerter sur la perfidie de mes adversaires...
Le Centre Hospitalier Intercommunal de Toulon-La Seyne a été condamné en 2009 par la cour administrative d’appel de Marseille pour "dissimulation de preuves" suite à une erreur médicale, avec un arrêt qui fait désormais jurisprudence puisque, depuis, toutes les conversations lors d’un appel au SAMU doivent être enregistrées.
Et, selon un rapport de la Chambre Régionale des Comptes (CRC), il y a une dizaine d'années, lorsqu’il s’est agi de sauver la maternité de Font-Pré, après tout un tas de tergiversations, on a fini par décider d’augmenter de 101% le budget de rénovation, en passant un simple avenant aux marchés, sans en référer à la commission d’appel d’offres qui doit normalement garantir la transparence des opérations budgétaires et financières.
Mensonges, dissimulations, opacités !
Mensonge quand, les yeux dans les yeux, on vous affirme - et c'est le seul argument qu'on m'a opposé pour justifier la fermeture de la maternité - que ce sont les personnels qui veulent partir, tant ils travailleraient dans des conditions à la limite de la sécurité ! Mais ce n’est pas ce qu’ils nous ont dit - et ce qu'ils ont écrit - lors de nos nombreux échanges ! Moins de cinq d'entre eux disent préférer travailler à Sainte-Musse et, parmi les médecins, seule la chef de service d'obstétrique y tient !
Sournoiserie quand on vous distille de fausses informations sur le calendrier du déménagement (qui, d'ailleurs, ne concerne que le seul matériel de gynécologie dont on conservera une partie sur place pour les urgences). Nous, nous avons les dates : celle, fausse, qui a été diffusée (par qui ?...) pour endormir la vigilance des "sentinelles", mais aussi la vraie... qui pourrait encore changer car les menteurs savent que nous savons ! Mais peu importe, car nous sommes désormais informés en temps réel par des personnels courageux, ce qui ne justifie plus que nous assurions une veille de sentinelles jour et nuit, 24 h / 24...
Fourberie depuis longtemps comme mode de gouvernance de l'organisation des services hospitaliers sur le territoire de l'agglomération toulonnaise. Il y a dix ans, selon le même rapport de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) que celui évoqué plus haut, l’Agence Régionale de l'Hospitalisation (ARH) défendait alors deux scénarios possibles : soit toute l’obstétrique et la néonatologie à La Seyne avec des activités de périnatalité à Toulon ; soit deux sites d’accouchement, l'un de niveau 2B à La Seyne et un autre de niveau 1 à Toulon.
Or, la CRC relève : « Cette proposition était en harmonie avec le projet médical déjà évoqué, alors en cours de formalisation, mais, devant les pressions accrues, cette solution va s’avérer impraticable ». Quelles sont ces pressions ? Qui les a exercées ? D'où viennent-elles ? De l'intérieur de l'hôpital ? De l'Agence de la Santé ? De pouvoirs politiques ? Sont-elles la cause du fait que, aujourd’hui, avec la liquidation du site hospitalier de l'Ouest toulonnais, on arrive exactement au résultat inverse de celui imaginé qui couvrait avec pertinence l'ensemble du territoire ?
Tout ça est serait tartuferie si ce n'était si grave ! Je le répète depuis un an : c’est un territoire de 200.000 habitants qui est délibérément lésé par ceux qui ont exercé - et peut-être exercent encore - ces pressions.
Dès aujourd'hui, par courrier officiel, je demanderai donc une présidence tournante chaque année du Conseil de Surveillance de l'hôpital de Toulon-La Seyne, assurée une année par un élu de Toulon, et une année par un élu de l'Ouest toulonnais. L'un de mes collègues maire d'une commune voisine de La Seyne, pourtant pas de ma sensibilité politique, a bien raison de le répéter à l'envi : il faut rééquilibrer à l'Ouest l'agglomération Toulon Provence Méditerranée.
On dé-campe donc. Mais pour mieux camper... sur nos positions. Le combat n'est pas terminé. La justice est saisie pour réclamer, d'une part une décision sur le fond d'annulation de la fermeture de la maternité, et d'autre part un référé de suspension du transfert, le temps que l'affaire soit jugée au fond. Et il nous faudra encore mouiller nos chemises pour protéger les autres services de notre hôpital que les "presseurs" donnent décidément l'impression de vouloir vider complètement de sa substance.
Il y a aussi, dans un peu plus d'un mois, une échéance électorale nationale. Avec l'espoir d'une nouvelle politique de service public qui, elle, ne sapera pas les fondements de la République et de la démocratie. Plusieurs candidats, dont celui que je soutiens, François Hollande, se sont engagés à maintenir notre maternité. Outre la tente et le camping-gaz, il est une arme à ne pas négliger : le bulletin de vote...